La Grèce risque de sortir de la zone euro si elle dénonce les accords passés avec l'UE et le FMI pour la sauver de la faillite en échange de son ajustement budgétaire, a mis en garde, hier, le conseiller économique du gouvernement grec sortant. "Si nous disons non à tout, nous sortons de la zone euro", a prévenu Ghikas Hardouvelis, qui a conseillé pendant sept mois le chef du gouvernement Lucas Papademos. Le pays, dont l'électorat a massivement rejeté, dimanche, l'austérité dictée par l'UE et le FMI, "a une marge de renégociation" sur le contenu des mesures qu'il doit prendre d'ici 2015, "mais il ne faut pas la surestimer et penser que tout d'un coup quelque chose a changé en Europe parce que le peuple ici a crié non", a ajouté cet ex-banquier, interrogé par la radio Skaï. "Nous avons vu les réactions des dirigeants européens (...) la seule chose qu'ils disent est que la Grèce se dirige vers la sortie de l'euro", a-t-il insisté, jugeant qu'il revenait aux Grecs de "rentrer dans la logique" de leurs partenaires "car c'est eux qui donnent de l'argent". M. Hardouvelis commentait l'appel à une dénonciation de l'accord de prêt liant Athènes à ses bailleurs de fonds UE-FMI lancé par la gauche radicale grecque du Syriza, qui tente actuellement de former un gouvernement après les élections de dimanche qui l'ont propulsée deuxième force politique du pays. Son dirigeant, Alexi Tsipras, a exclu la veille la formation d'une coalition soutenant le programme d'austérité, renforçant le scénario de nouvelles élections sous environ un mois. De leur côté, les chefs des deux partis gouvernementaux socialiste et conservateur ont aussi indiqué vouloir renégocier les termes du programme de redressement assigné au pays, sur lesquels ils s'étaient engagés par écrit avant d'être désavoués dans les urnes. Antonis Samaras a affirmé, hier, qu'il était impératif que la Grèce reste au sein de la zone euro. S'il juge réaliste de renégocier les accords, "c'est une chose complètement différente de les dénoncer de façon unilatérale". Cela "entraînera un effondrement interne immédiat et une faillite internationale". Les conservateurs ont obtenu 108 sièges sur 300 au Parlement, contre 52 pour Syriza, qui ne peut donc former un gouvernement sans le soutien d'Antonis Samaras. La Grèce recevra bien 5,2 mds d'aide aujourd'hui La Grèce recevra comme prévu aujourd'hui, un versement de 5,2 milliards d'euros de ses créanciers publics, en dépit de l'incertitude politique qui pèse sur le pays, mais le versement des prochaines tranches d'aide est en question a averti, hier, un ministre européen. Le versement aura lieu car il a déjà été approuvé par les bailleurs de fonds, a affirmé un porte-parole de la Commission européenne, Amadeu Altafaj. Le conseiller économique du gouvernement grec sortant, Ghikas Hardouvelis, avait exprimé des inquiétudes un peu plus tôt. Il y a des questions sur le versement ou non de cette aide, avait-il dit. Au-delà de cette échéance, cependant, c'est l'incertitude. Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a averti, hier, qu'aucun argent ne sera versé sans formation d'un gouvernement. Nous devons dire à présent au peuple grec que la situation est sérieuse, qu'aucun pays de l'Union européenne ne pourra débloquer ne serait-ce qu'une parcelle de ces 130 milliards d'euros que nous avons mis à la disposition des Grecs s'il n'y a pas de gouvernement en état de fonctionner, qui respecte les règles établies et gère l'argent qui est versé, a-t-il dit lors d'un colloque à Bruxelles. Le sujet devrait être à l'ordre du jour de la réunion des ministres des Finances de la zone euro, lundi. La Grèce sera confrontée à une première échéance le 15 mai, quand elle devra rembourser quelque 450 millions d'euros d'obligations que ses détenteurs ont refusé d'effacer dans le cadre de la vaste opération de restructuration de sa dette menée par le pays en mars. Athènes doit en outre rembourser quelque 3,3 milliards d'euros d'ici le 18 à la Banque centrale européenne. Le versement de la tranche d'aide suivante, au-delà du 10 mai, par les créanciers internationaux de la Grèce (UE et FMI), devait initialement être décidée en fonction des discussions entre les bailleurs de fond et les autorités grecques prévues en juin, mais désormais hypothétiques. Selon les analystes de Credit Suisse, de ce nouveau feu vert dépend le versement d'une tranche d'aide de 23 milliards d'euros destinés à la recapitalisation des banques grecques, et de 8 milliards supplémentaires pour aider Athènes à faire face à ses échéances de remboursement, réduire son déficit et assurer le paiement d'arriérés. Pas d'autre choix que les réformes, selon le directeur de la BCE La Grèce n'a d'autre choix que d'appliquer les mesures d'économie décidées si elle veut continuer à bénéficier de l'aide de ses partenaires et rester dans l'Union monétaire, a prévenu, hier, Jörg Asmussen, membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE). "Il doit être clair pour la Grèce qu'il n'y a pas d'alternative au programme d'assainissement (budgétaire) convenu, si elle veut rester membre de la zone euro", a déclaré M. Asmussen au quotidien économique allemand Handelsblatt. "La décision de rester dans la zone euro est entre les mains des Grecs", a-t-il encore dit, alors que le résultat des élections législatives grecques de dimanche, qui a vu l'énorme poussée de la coalition de gauche radicale Syriza anti-austérité fait craindre aux responsables européens que le pays revienne sur ses engagements. Interrogé sur le fait que ces mesures ont pour l'instant plongé la Grèce dans une récession plus profonde encore, M. Asmussen a admis un problème de communication, soulignant qu'il aurait fallu parler davantage de "réformes structurelles créatrices de croissance" que de "mesures d'économie". Mais il a estimé que c'est le gouvernement grec qui était à blâmer pour la situation actuelle, parce qu'il avait "perdu beaucoup trop de temps dans l'application du programme de réformes". Par ailleurs, interrogé sur l'élection du socialiste François Hollande en France, M. Asmussen a déclaré qu'il n'avait "aucun doute" sur le fait que ce pays "se comportera de manière conséquente" malgré la volonté du nouveau président français de mettre la croissance au coeur de l'agenda européen. Soulignant que la zone euro avait un "intérêt élevé dans une France économiquement forte et un axe franco-allemand qui fonctionne", il a ajouté s'attendre à ce que Paris "applique le pacte budgétaire inchangé"."Il faut qu'il soit clair que le pacte budgétaire ne doit pas être affaibli dans sa substance si on veut le compléter avec un élément sur la croissance", a-t-il encore ajouté. Le président de la BCE Mario Draghi a évoqué pour sa part un "pacte de croissance" à côté du "pacte budgétaire", mais qui ne doit pas être synonyme de programmes de relance et de dépenses supplémentaires.