L'agence de notation financière Fitch a baissé, hier, de deux crans la note du Japon dont le niveau d'endettement dépasse de loin les fardeaux grec, italien ou espagnol, et pointé l'incertitude politique pesant sur la réforme fiscale. Fitch a réduit à "A+" son estimation sur l'endettement public de la troisième puissance économique mondiale, dont la nouvelle note correspond à la cinquième meilleure sur l'échelle à 22 échelons de l'agence. Cette appréciation correspond à celle dont bénéficie "un émetteur jugé solide mais susceptible d'être affecté par des changements de la situation économique". L'agence a en outre maintenu la perspective "négative" fixée sur la note nippone depuis mai 2011, ce qui signifie qu'elle pourrait, au terme d'un à deux ans, la dégrader de nouveau. "L'abaissement et la perspective négative reflètent les risques grandissants pesant sur le profil d'emprunteur du Japon, à cause de l'importance croissante de sa dette", a expliqué Andrew Colquhoun, responsable chez Fitch des notes des Etats de l'Asie-Pacifique. Fitch a rappelé que l'endettement public allait s'élever "à 239% du produit intérieur brut du pays d'ici à la fin 2012, le taux de loin le plus élevé de toutes les nations que nous notons", a-t-elle relevé. Ce ratio est pire que la proportion enregistrée dans les pays de la zone euro en difficulté financière, comme l'Espagne (80,9%, d'après les derniers chiffres de la Commission européenne), l'Italie (123,5%) et même la Grèce (160,6%). De plus, la proportion de la dette croît rapidement. Fitch relève qu'elle a bondi de 61 points de pourcentage depuis la crise financière internationale de 2008-2009. Aggravée par les impératifs de reconstruction après le séisme dévastateur du 11 mars 2011, cette tendance n'est pas près de s'inverser, le gouvernement nippon ayant prévu de financer plus de la moitié de son budget 2012-2013 par l'émission de nouvelles obligations. Afin de dégager des recettes supplémentaires, l'exécutif a déposé au Parlement fin mars un projet de loi prévoyant le doublement de la taxe sur la consommation. Actuellement fixé à 5%, cet impôt indirect passerait à 8% en avril 2014 et à 10% en octobre 2015, dans le but de financer le système de protection sociale et de contenir la dette. Mais d'après Fitch, "ce plan de consolidation budgétaire semble laxiste, y compris par rapport à ceux d'autres pays développés sous pression budgétaire" ayant fait d'importants efforts de maîtrise des dépenses, notamment en Europe. L'agence a ajouté que la réforme fiscale, sur laquelle le Premier ministre de centre-gauche, Yoshihiko Noda, joue son poste, était "sujette à des incertitudes politiques" en raison de l'opposition résolue des conservateurs et d'une partie du camp du chef du gouvernement. Immédiatement après l'annonce de Fitch, le ministre nippon des Finances, Jun Azumi, a réitéré son "engagement à mener à bien la réforme fiscale en faisant adopter les lois concernant la taxe sur la consommation et la sécurité sociale". Le ministre n'a pas souhaité commenter l'abaissement de la note proprement dit. Malgré sa dette colossale, le Japon est resté jusqu'à présent à l'abri des attaques des marchés subies par les pays européens endettés. Vendredi, le taux d'intérêt concédé par Tokyo sur son emprunt à dix ans a même chuté à son plus bas niveau depuis près de neuf ans, à 0,815%. Parmi les raisons expliquant l'attractivité des bons du Trésor nippons figure l'absence d'inflation, ce qui garantit un gain net pour le créancier malgré la faiblesse du taux. Quelque 95% des obligations publiques nippones sont en outre détenues par des investisseurs japonais, ce qui met à l'abri le Trésor tokyoïte des mouvements erratiques de capitaux internationaux qui ont fait tant de mal à Athènes, Rome ou Madrid. Les Nippons disposent en outre d'une épargne abondante sur laquelle les autorités peuvent compter pour emprunter, l'archipel détenant les deuxièmes plus importantes réserves de changes au monde et disposant de surcroît d'une monnaie de réserve internationale, le yen, ce qui renforce sa position sur les marchés. Fitch n'en a pas moins prévenu qu'elle pourrait sévir de nouveau "en l'absence de nouvelles mesures de politique budgétaire destinées à stabiliser les finances publiques". L'endettement croissant du pays a déjà poussé les deux autres grandes agences de notation à s'interroger: Moody's a dégradé la note du Japon d'un cran, à Aa3 (4e meilleure note sur 19, perspective stable), en août dernier, et Standard & Poor's a placé son estimation AA- (4e meilleure sur 22) sous perspective négative en avril 2011.