A Bagdad, le groupe des 5+1 et l'Iran ont chacun fait des propositions pour aller vers un règlement du dossier du nucléaire iranien mais également fait valoir des lignes rouges, selon des sources diplomatiques occidentales. Au terme de deux jours de négociations, les deux camps se sont fixé un nouveau rendez-vous, les 18 et 19 juin à Moscou. Propositions des 5+1: Après n'avoir cessé de dire depuis le début de l'année que la balle était dans le camp iranien, Etats-Unis, Russie, Chine, Grande-Bretagne, France et Allemagne ont en réalité concocté une offre, présentée d'emblée aux Iraniens au début de la réunion de Bagdad: - demande de suspension de toutes les activités sur le site nucléaire de Qom. - arrêt de l'enrichissement à 20%. - sortie d'Iran du stock entier d'uranium enrichi à 20%, soit environ 140 kg. - fourniture immédiate (une nouveauté par rapport aux offres antérieures) de combustible pour le réacteur de recherche de Téhéran, et fourniture d'isotopes médicaux. - lancement d'une coopération dans le domaine de la médecine nucléaire, d'une autre pour une étude sur la construction d'un nouveau réacteur de recherche, d'une coopération en matière de sûreté nucléaire et de fusion nucléaire. - engagement à ne pas adopter une nouvelle résolution à l'ONU condamnant la suspicion portée à l'encontre de l'Iran de vouloir acquérir des armes de destruction massive (la France a infléchi sa position à ce sujet). - engagement des Etats-Unis à assouplir les sanctions américaines relatives à l'aviation civile. Contre-propositions de l'iran: Téhéran a réagi avec cinq demandes, selon les mêmes sources: - demande de se voir reconnaître un droit inconditionnel à enrichir de l'uranium. - accord pour parler de l'enrichissement à 20% accompagné d'un prix à payer pour cela, les deux points n'étant pas détaillés par Téhéran. - demande de reconnaissance que l'Iran a proscrit tout recours à des armes de destruction massive (cf. déclarations en ce sens du Guide de la République islamique Ali Khamenei) - reconnaissance que la coopération avec l'AIEA est sur de bons rails. - parler de sujets non-nucléaires (piraterie, drogue, terrorisme,etc.) et du rôle régional de l'Iran. Lignes rouges: - A Bagdad, le groupe des 5+1 a rejeté catégoriquement une demande iranienne d'évoquer la situation à Bahrein et en Syrie. Au motif que ces pays n'étaient pas présents et que le format des rencontres avec l'Iran n'est pas destiné à devenir un G8 bis. - Selon certains diplomates, les 5+1 ont montré à Bagdad un front uni comme jamais, la Russie et la Chine affichant des positions très fermes à la surprise parfois de leurs homologues occidentaux. Selon l'une de ces sources, personne n'est d'accord au sein du groupe pour accepter que l'Iran enrichisse de l'uranium à 3,5% même si ce chiffre de 3,5% n'a pas été cité lors des discussions, l'enrichissement à 20% restant le point de focalisation de tous les débats. Pour les Occidentaux, obtenir l'arrêt de l'enrichissement à 20% est une première étape, qui doit être suivie d'autres pour s'assurer que Téhéran ne cherche pas à acquérir une arme nucléaire. - Les sanctions ont été très peu abordées. L'Iran n'a pas demandé leur levée, a axé son discours sur la reconnaissance d'un droit à l'enrichissement d'uranium à des fins civiles, mettant en avant le Traité de non-prolifération dont il est signataire. Pour les Occidentaux, ce traité reconnaît certes le droit à l'usage civil du nucléaire mais n'autorise en aucune manière l'enrichissement d'uranium. Avec la France en pointe sur ce sujet, ils se réfèrent aussi sans cesse aux résolutions de l'ONU qui exigent de Téhéran la suspension de tout enrichissement. La Russie espère des progrès à Moscou après la réunion de Bagdad La Russie a exprimé l'espoir que la réunion de Moscou sur le nucléaire iranien marquerait un nouveau pas vers une entente accrue entre les grandes puissances et Téhéran après les pourparlers constructifs à Bagdad et malgré des désaccords significatifs. A chaque rencontre, nous élargissons le champ en vue d'une entente mutuelle et nous espérons que le round prévu à Moscou (18-19 juin) sera le prochain pas dans cette direction, a déclaré, à l'agence Interfax, le vice-ministre des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, qui dirigeait la délégation russe en Iraq. Il a aussi souligné la satisfaction de la Russie concernant sa collaboration avec les autres puissances négociant avec l'Iran, notamment les Etats-Unis. Les pourparlers regroupaient l'Iran, l'UE et les représentants des 5+1, c'est-à-dire les membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie, Chine) plus l'Allemagne. Les négociations se sont achevées, jeudi, après deux jours de discussions tendues avec pour seul résultat tangible ce nouveau rendez-vous à Moscou. Le ministère russe des Affaires étrangères a néanmoins souligné, le lendemain à la mi-journée, dans un communiqué le caractère constructif de la rencontre. Le round de négociations s'est déroulé dans une atmosphère constructive et sérieuse et, malgré des désaccords significatifs dans les approches, il a confirmé que les parties étaient prêtes à travailler activement à la recherche d'une solution acceptable pour tous, a indiqué la diplomatie russe. La question clé de l'enrichissement de l'uranium par Téhéran n'a notamment pas donné lieu à un compromis à Bagdad, la partie iranienne insistant sur son droit absolu à y procéder, tout en se disant prête à aborder la question. L'Iran a déclaré être prêt à continuer de discuter de la problématique de l'enrichissement à 20%, ainsi que d'autres questions intéressant le pays, notamment la reconnaissance de son droit à l'enrichissement, relève ainsi le ministère russe. Les discussions de Bagdad ont été précédées par une visite lundi à Téhéran du directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Yukiya Amano, qui a annoncé un accord de principe sur des mesures visant à lever les incertitudes sur la nature du programme nucléaire iranien, qui doit être signé prochainement. Washington a qualifié cette annonce de pas en avant mais a averti qu'il jugerait le comportement de l'Iran sur la base de ses actes. Des traces d'uranium enrichi à plus de 20% découvertes par l'AIEA L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a découvert des traces d'uranium enrichi à un niveau de pureté supérieur à la limite de 20% sur le site nucléaire souterrain de Fordo, selon un rapport de l'agence diffusé cette semaine. Les résultats d'analyses d'échantillons prélevés dans l'environnement sur le site de Fordo le 15 février 2012 ont montré la présence de particules dont les niveaux d'enrichissement atteignaient 27%, indique l'AIEA dans ce document, alors que le degré d'enrichissement le plus élevé déclaré par l'Iran est d'un peu moins de 20%. Cela reste largement en dessous du niveau nécessaire à la fabrication de l'arme atomique. L'Iran a expliqué que la production de ces particules était peut-être liée à des raisons indépendantes au contrôle de l'opérateur de l'usine, située à 150 km au sud de Téhéran. L'AIEA évalue la réponse de l'Iran et a demandé des détails supplémentaires, selon le texte du rapport. L'enrichissement de l'uranium à 20% est au coeur du conflit entre Téhéran et les grandes puissances, qui soupçonnent le pays, malgré ses dénégations répétées, de vouloir se doter de l'arme atomique. En enrichissant l'uranium à 20%, l'Iran se rapproche de la technologie qui lui permettrait d'atteindre un niveau de 90% nécessaire à la fabrication d'armes nucléaires. Six résolutions de l'ONU condamnent l'Iran et son programme nucléaire, dont quatre sont assorties de sanctions, notamment en raison des activités d'enrichissement. L'AIEA a par ailleurs réitéré sa demande d'accéder rapidement au site militaire de Parchin, où elle fait état d'une activité importante et inhabituelle autour de bâtiments suspects. Dans une lettre datée du 2 mai, l'agence a informé l'Iran qu'à cet endroit précis, où aucune activité n'avait été virtuellement observée depuis des années, les bâtiments intéressant l'agence étaient maintenant le théâtre d'activités importantes qui pourraient entraver la possibilité de l'agence de mener des vérifications, selon le document. L'agence onusienne soupçonne l'Iran d'avoir procédé à des tests d'explosion conventionnelle pouvant être applicables au nucléaire sur cette base militaire, ce que l'Iran dément. Le directeur général de l'AIEA, Yukiya Amano, avait déjà déclaré le 6 mars que des activités avaient été repérées à Parchin. L'Iran avait démenti être en train de nettoyer le site. L'accès à Parchin a néanmoins été refusé aux experts de l'agence lors de deux missions en début d'année, selon l'agence. L'AIEA a appelé l'Iran à finaliser rapidement comme promis un accord sur une approche structurée visant à éclaircir la nature du programme nucléaire du pays. Comme l'Iran ne fournit pas la coopération nécessaire, l'agence est incapable de donner une garantie crédible concernant l'absence d'activités nucléaire non déclarées en Iran, et n'est en conséquence pas en mesure de conclure que tous les matériaux nucléaires sont utilisés dans le cadre d'activités pacifiques, avertit l'agence. Au retour d'un voyage éclair à Téhéran, Yukiya Amano avait déclaré mardi être convenu avec les autorités iraniennes de signer prochainement un accord. L'Iran minimise la portée de l'uranium à 27% découvert à Fordo L'Iran a estimé, avant-hier, que la découverte par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) de traces d'uranium enrichi à 27% sur son site nucléaire de Fordo (centre) était une question technique insignifiante montée en épingle par les médias. L'évocation par certains médias de ces questions techniques insignifiantes, dévoile des objectifs politiques visant à porter atteinte à l'atmosphère de coopération constructive entre l'Iran et l'AIEA, a affirmé le représentant iranien auprès de l'agence onusienne, Ali Asghar Soltanieh, cité par la presse officielle. Comme le mentionne l'AIEA dans son rapport, il s'agit d'une question technique classique sur laquelle les experts ont ouvert une enquête, a ajouté M. Soltanieh. Selon le rapport, Téhéran a expliqué que la production de ces particules était peut-être liée à des raisons indépendantes au contrôle de l'opérateur de l'usine, mais l'agence a demandé des détails supplémentaires. Enrichi jusqu'à 20%, l'uranium peut servir de combustible à des centrales nucléaires ou des réacteurs de recherche, mais à plus de 90% il sert à la fabrication de l'arme atomique dont les Occidentaux soupçonnent l'Iran, malgré ses démentis, de chercher à se doter. L'enrichissement d'uranium par l'Iran, condamné par six résolutions de l'ONU, est au cœur des inquiétudes de la communauté internationale sur la finalité du programme nucléaire iranien, et du conflit qui oppose Téhéran aux grandes puissances depuis des années.