Le taux de chômage dans la zone euro a atteint en avril le niveau record de 11% de la population active, comme en mars où le chiffre a été révisé à la hausse, a indiqué, avant-hier, l'office européen des statistiques Eurostat. Selon les calculs d'Eurostat, 17,40 millions de personnes étaient au chômage en avril dans la zone euro, soit 110 000 de plus que le mois précédent. Le seuil de 11% n'avait jamais été atteint depuis la création de la zone euro en 1999, mais ce niveau ne surprend guère les analystes qui s'attendaient à un tel chiffre en avril, compte tenu de l'aggravation de la crise. Il s'agit du douzième mois consécutif au cours duquel le chômage a atteint ou dépassé le seuil de 10% dans la zone euro. En un an, 1,79 million de personnes sont venues grossir les rangs des sans-emploi au sein de la zone euro. "Les entreprises sont pour la plupart sous forte pression pour limiter leurs effectifs afin de contenir leurs coûts face à une faible demande, une forte concurrence, des marges serrées et des perspectives très incertaines", souligne Howard Archer, économiste pour IHS Global Insight. Dans l'Union européenne, le taux de chômage a grimpé à 10,3% en avril contre 10,2% le mois précédent. Il s'agit d'un nouveau record pour l'UE à 27 pays. Parmi les Etats membres, l'Espagne reste de loin le mauvais élève des 27 avec le taux de chômage le plus élevé d'Europe (24,3%). Le phénomène touche de plein fouet les moins de 25 ans, puisque plus d'un jeune sur deux est sans emploi dans le pays (51,5%). En Grèce, le taux de chômage s'est lui inscrit à 21,7%, selon les dernières données disponibles pour ce pays, qui datent de février. Mais les disparités sont importantes entre pays du sud de l'Europe et ceux du nord. Les taux de chômage les plus bas ont été enregistrés en Autriche (3,9%), au Luxembourg et aux Pays-Bas (5,2% chacun) ainsi qu'en Allemagne (5,4%). La situation ne devrait guère s'améliorer dans un futur proche, alors que la zone euro semble se diriger vers une nette contraction de son activité au second trimestre. Les analystes tablent sur un chômage atteignant 11,5% au cours de l'année, mais une fois de plus, avec de nettes disparités selon les pays. "Nous pensons que le taux de chômage va atteindre ou légèrement dépasser les 11,5%, en tablant sur le fait que la zone euro sorte de récession plus tard cette année", estime Martin Van Vliet, analyste pour la banque néerlandaise ING. Mais ce scénario semble relativement optimiste sachant que la zone euro pourrait voir son activité se contracter plus longtemps que prévu, comme le suggèrent les indices PMI notamment celui du secteur manufacturier publié, avant-hier. "Dans ce cas, le risque est d'atteindre un taux de chômage encore plus important", prévient M. Van Vliet. Le PMI manufacturier au plus bas en mai depuis l'été 2009 L'activité du secteur manufacturier s'est fortement contractée en mai dans la zone euro, retombant à son plus faible niveau depuis l'été 2009 et attestant de la sévérité de la crise en particulier en Espagne, indique la société Markit. Le PMI manufacturier s'est établie à 45,1 points en mai contre 45,9 points le mois précédent, selon Markit qui a publié, avant-hier, une seconde estimation de cet indicateur de conjoncture considéré comme fiable par les analystes. Une première estimation avait donné l'indice à 45 points. "Si le taux de contraction reste loin des niveaux élevés observés au pic de la crise de 2008-2009, la conjoncture se détériore néanmoins à un rythme alarmant", estime Chris Williamson, chef économiste pour le cabinet Markit. En cause: "les effets néfastes sur l'économie réelle des crises politiques et financières" qui ont lourdement pesé sur la production et les nouvelles commandes dans le secteur manufacturier, souligne l'économiste. Cette aggravation de la crise concerne les pays les plus fragiles de la zone euro comme ses quatre principales économies: à l'exception de l'Autriche (indice PMI à 50,2) et de l'Irlande (indice à 51,2), tous les autres pays couverts par l'enquête s'inscrivent en zone de contraction, soit en-deçà de 50 points. Au-dessus de 50 points, l'indice PMI signifie que l'activité progresse, tandis qu'elle se contracte s'il est inférieur à ce seuil. Dans le détail, l'Indice PMI affiche son plus faible niveau depuis l'été 2009 en Allemagne (45,2), en France (44,7) et en Espagne (42 points). Fait inquiétant: pour la première fois depuis janvier 2010, la Grèce n'est plus en queue du classement des pays de la zone euro et cède sa place à Madrid. En Italie (44,8) et en Grèce (43,1), les taux de repli fléchissent légèrement, mais restent supérieurs à la moyenne enregistrée dans la zone euro. Les retombées sur l'emploi ne se sont pas fait attendre puisque les réductions d'effectifs se renforcent en Allemagne, en France, en Espagne et aux Pays-Bas, souligne Markit.Au final, ces données devraient se traduire par "une baisse trimestrielle de la production d'environ 1%, qui, si elle se confirmait, devrait entraver fortement la croissance économique de la zone euro au deuxième trimestre", indique Markit. Seule lueur d'espoir: "la baisse de l'euro devrait cependant stimuler les échanges commerciaux", note M. Williamson, y voyant une bonne nouvelle pour les exportateurs, "durement touchés par la conjoncture économique actuelle".