En pleine tension entre Damas et Ankara, la Syrie a confirmé avoir abattu, avant-hier, un avion de chasse turc, qui serait entré dans son espace aérien. Le président turc Abdullah Gül a prévenu, hier, que son pays répondrait par "les mesures nécessaires", même si l'enquête se poursuit. "Aucune couverture n'est possible", a déclaré le chef de l'Etat, cité par la presse officielle turque. "Il ne fait aucun doute que les mesures nécessaires seront prises", a-t-il ajouté, sans en dire davantage. Abdallah Gül a toutefois précisé que les autorités tentaient encore d'établir les circonstances exactes de l'incident et de déterminer si l'appareil avait ou non violé l'espace aérien syrien. "Notre enquête s'attachera à déterminer si l'avion a été abattu à l'intérieur de nos frontières ou non", a-t-il dit. "Comme les conséquences pourraient être très graves, il n'y aura pas de déclaration claire avant que les circonstances n'aient été examinés de façon approfondie". Le président turc a expliqué qu'il était fréquent que des avions de chasse volant à très grande vitesse violent brièvement l'espace aérien d'autres pays. D'après la Turquie, l'appareil s'est abîmé en Méditerranée, à environ 13km au large de la ville syrienne de Lattaquié. Selon les médias turcs, des équipes de garde-côtes turcs et syriens poursuivaient, hier, une opération de recherche conjointe pour retrouver les deux pilotes de l'avion de chasse qui ont disparu. Avant-hier soir, la Syrie avait confirmé avoir abattu l'appareil, affirmant que l'avion avait violé son espace aérien, jusqu'à environ un kilomètre, au-dessus de ses eaux territoriales. Selon Damas, les forces syriennes se sont rendues compte après avoir tiré sur le chasseur qu'il s'agissait d'un avion de l'armée turque. L'agence de presse officielle syrienne SANA avait fait savoir que l'armée syrienne avait repéré une "cible aérienne non identifiée", volant à basse altitude et vitesse élevée. "La défense anti-aérienne syrienne a réagi avec l'artillerie anti-aérienne, touchant directement" cette cible, selon SANA. "La cible s'est révélée être un avion militaire turc qui était entré dans l'espace aérien syrien et a été traité en accord avec les règles observées dans de tels cas". A l'issue d'une réunion de sécurité de deux heures présidée par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, la Turquie avait publié un peu plus tôt un communiqué annonçant que les forces syriennes avaient abattu le F4 et que ses deux pilotes étaient toujours portés disparus. "Après l'évaluation des données fournies par nos institutions concernées et les résultats des efforts conjoints de recherche et secours avec la Syrie, nous comprenons que notre avion a été abattu par la Syrie", déclarait le gouvernement dans le communiqué, ajoutant que la Turquie prendra "avec détermination les mesures nécessaires" pour répondre à cet acte. Cet événement risque d'exacerber les tensions entre Damas et Ankara, qui étaient alliés avant le début du mouvement de contestation contre le régime de Bachar el-Assad en mars 2011. Depuis, la Turquie a vivement dénoncé la répression sanglante du soulèvement, se joignant aux appels au départ du président syrien. Le pays a également installé des camps de réfugiés à sa frontière accueillant plus de 32.000 Syriens qui ont fui les violences. Chaque pays a expulsé l'ambassadeur de l'autre et Damas a accusé Ankara de soutenir l'opposition syrienne et même de laisser les insurgés opérer sur son sol, ce que la Turquie dément. 1Après des tirs des forces syriennes en avril qui ont tué deux réfugiés dans un camp de la ville de Kilis, en Turquie, près de la frontière, le gouvernement turc avait prévenu qu'il ne tolérerait aucune action considérée comme une violation de sa sécurité. Lavrov à son homologue syrien : Damas doit faire beaucoup plus Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a indiqué avoir signifié à son homologue syrien que Damas devait faire beaucoup plus d'efforts pour mettre en œuvre le plan Annan, lors d'une rencontre en marge du Forum économique de Saint-Pétersbourg. J'ai eu aujourd'hui une rencontre organisée à l'avance, des pourparlers pourrait-on dire, avec le ministre des Affaires étrangères syrien (Walid Mouallem) qui est venu ici, et nous venons d'achever une conversation de deux heures, a déclaré M. Lavrov à la chaîne Rossia 24. Nous les avons appelés à faire en sorte que leurs déclarations sur leur disposition à mettre en œuvre le plan de Kofi Annan soient confirmées par des actes. Ils ont déjà fait beaucoup, mais ils peuvent et doivent faire beaucoup plus, a poursuivi M. Lavrov. La partie opposée doit elle aussi exécuter ce plan, a-t-il ajouté. Avec nos partenaires occidentaux, nos partenaires des pays du Golfe Persique, avec la Turquie, nous travaillons en permanence à ce qu'ils contraignent l'opposition armée à revenir sur ses déclarations selon lesquelles ils ne se plieront plus au plan Annan, a poursuivi le chef de la diplomatie russe. Notre vision de la conférence internationale sur la Syrie (prévue le 30 juin à Genève) comporte le point essentiel selon lequel et les forces gouvernementales, et l'opposition armée doivent sortir des villes et des autres agglomérations simultanément et sous le contrôle des observateurs internationaux, a ajouté M. Lavrov. Le gouvernement syrien y est prêt, le ministre me l'a dit, a-t-il dit. Il nous faut désormais faire en sorte que la partie opposée y soit également prête, a-t-il ajouté.