Le gouvernement portugais de centre-droit, adepte de la rigueur, mais sanctionné par la Cour constitutionnelle pour excès d'austérité, a répliqué en envisageant d'étendre à tous les Portugais des coupes salariales limitées jusqu'à là aux fonctionnaires et aux retraités. La Cour a en effet jugé que la suppression des 13e et 14e mois de salaire des fonctionnaires et des retraités, une mesure emblématique du gouvernement du Premier ministre Pedro Passos Coelho, était une "violation du principe d'égalité" inscrit dans la constitution puisqu'elle ne s'appliquait qu'à une partie de la société épargnant l'ensemble du secteur privé. Saisissant la balle au bond, M. Passos Coelho a rapidement trouvé la parade estimant qu'il suffisait, pour déjouer la sanction de la Cour constitutionnelle, que les sacrifices soient équitablement partagés. "La seule solution pour maintenir la volonté d'ajuster les finances, essentielle pour que le Portugal remplisse ses engagements, est d'élargir les mesures aux autres", a-t-il déclaré, sans plus de précisions. Selon une estimation du quotidien Diario de Noticias, la suppression des coupes salariales frappant les fonctionnaires et les retraités représenterait pour l'Etat un manque à gagner de 2 milliards d'euros en 2013. La Cour constitutionnelle a toutefois accordé un délai de grâce au Premier ministre, précisant que la suppression des 13e et 14e mois, pour anticonstitutionnelle qu'elle soit, n'en resterait pas moins en vigueur en 2012 afin de ne pas compromettre les objectifs de réduction des déficits annoncés par le gouvernement. La décision de la Cour est toutefois intervenue à un très mauvais moment pour le gouvernement. En effet, selon l'Institut national des statistiques (Ine), le déficit budgétaire s'est creusé de manière inattendue au premier trimestre de cette année pour atteindre 7,9% du PIB, bien loin de l'objectif du gouvernement de le ramener à 4,5% du PIB à la fin de l'année. Nouvelle aide internationale ? Les mesures d'austérité mises en œuvre en échange du plan de sauvetage de 78 milliards d'euros, accordé en mai 2011 par l'UE et le FMI pour trois ans, ont d'autre part largement contribué à une contraction de l'économie, qui devrait atteindre 3% du PIB à la fin de l'année, et à une augmentation sans précédent du taux de chômage qui dépasse déjà les 15%. Ces mauvais résultats ont augmenté les pressions sur le Premier ministre pour qu'il demande à ses bailleurs de fonds (la "troïka" représentant l'UE, le FMI et la BCE) soit une nouvelle aide, soit des délais supplémentaires. Le secrétaire général du Parti socialiste, la principale formation d'opposition, Antonio José Seguro a ainsi réclamé que le gouvernement obtienne de ses créanciers une extension d'un an. "Le Portugal a besoin d'un an de plus pour son ajustement budgétaire", a-t-il dit. Même dans les rangs de la majorité de centre-droit des voix se font entendre pour réclamer un délai supplémentaire avec même une surenchère de la part du vice-président du groupe parlementaire du PSD, le parti du Premier ministre. "Il serait juste que la troïka reconnaisse les efforts du Portugal et le récompense avec des délais plus flexibles afin de ne pas imposer plus d'austérité aux Portugais", a dit le député Miguel Frasquilho, suggérant, à titre personnel, deux années de plus. Mais le Premier ministre, qui entend préserver l'image de "bon élève" que son pays a acquis auprès de ses bailleurs de fonds, a écarté toute renégociation avec la "troïka". C'est "hors de question", a-t-il martelé en ajoutant: "Cela n'arrivera pas tant que je serai à la tête de ce gouvernement".