Le Nigeria a infligé une amende administrative de 5 milliards de dollars à Shell pour une fuite de pétrole survenue en décembre 2011 sur une installation offshore du groupe anglo-néerlandais, selon des sources concordantes. Le groupe pétrolier a précisé qu'il contestait la légitimité de cette amende, qui a été infligée par l'agence gouvernementale chargée des risques de pollution pétrolière (NOSDRA). Le groupe a d'ailleurs la possibilité de contester cette sanction devant les tribunaux. Shell avait été contraint en décembre dernier de suspendre pendant une dizaine de jours ses activités du champ Bonga, situé dans le golfe de Guinée, après le déversement accidentel de quelque 40 000 barils dans l'Océan atlantique en raison d'une fuite sur une conduite entre le navire de production et un tanker. Peter Idabor, responsable de la NOSDRA, a déclaré lundi lors d'une audition par le parlement nigérian à Abuja que cette sanction administrative avait été prise à l'encontre de la filiale locale Shell Nigeria Exploration and Production Company (SNEPCO) en conformité avec les pratiques internationales en vigueur dans le secteur. De son côté, un porte parole de Shell, Tony Okonedo, a estimé que l'amende était injustifiée compte tenu du fait que le groupe était rapidement intervenu pour contenir la fuite. Nous ne pensons pas qu'une telle amende repose sur une base légale, ni que SNEPCO ait commis une infraction justifiant une telle amende, a indiqué M. Okonedo. SNEPCO a fait face à l'incident avec professionnalisme et a agi avec le consentement des autorités compétentes à tout instant pour éviter que l'incident ait un impact environnemental, a-t-il encore assuré. Shell avait mobilisé cinq navires et deux avions pour traiter la nappe de brut à l'aide de dispersants, des produits chimiques devant permettre de limiter la pollution d'hydrocarbures. Selon les autorités nigérianes, la fuite survenue à Bonga est la pire qui se soit produit dans le pays depuis 1998, avec la compagnie Mobil. Une spécialiste de Shell au Nigeria pour l'organisation Amnesty International, Audrey Gaughran, s'est réjouie du montant de l'amende, la plus lourde jamais infligée par le pays, avant d'ajouter qu'il était crucial de justifier cette sanction afin de savoir si des négligences étaient à l'origine de la fuite. Il y a très peu de garanties que cela ne se reproduise pas (...), a estimé Mme Gaughran. Voilà ce que nous demandons au gouvernement nigérian : qui a enquêté et qu'est-ce qui s'est exactement passé?, a-t-elle souligné, rappelant que ce sont les compagnies pétrolières elles-mêmes qui sont habituellement chargées des enquêtes pour ce genre d'incident. Le champ de Bonga, en eaux profondes et dont les capacités sont de 200 000 barils/j, est situé à 120 kilomètres au large du Nigeria, le premier producteur de pétrole d'Afrique. Le Delta du Niger est extrêmement pollué après plus de 50 ans d'exploitation pétrolière. Dans un rapport publié en août 2011 sur la pollution en pays Ogoni, un secteur du Delta du Niger où Shell a particulièrement été implanté dans le passé, l'ONU a estimé que les dégâts étaient tels que le nettoyage de la zone serait le plus important jamais entrepris dans le monde. Shell, qui a été épinglé dans ce rapport, affirme avoir régulièrement nettoyé les fuites émanant de ses installations mais activistes et ONG estiment que le groupe, tout comme d'autres compagnies pétrolières, n'a pas fait assez. Depuis quelques années, le sabotage d'oléoducs par des militants armés et le vol de brut, contribuent aussi à la pollution du delta selon les observateurs. Le Nigeria, plus grand producteur de pétrole africain, produisait ces derniers mois entre 2 et 2,4 millions de barils de brut par jour.