La réunion du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) jeudi, est attendue avec impatience par les marchés après les déclarations volontaires de son président pour résoudre la crise en zone euro qui ont soulevé d'immenses espoirs d'action. "La BCE est prête à faire tout ce qui est nécessaire pour préserver l'euro", a déclaré Mario Draghi lors d'une conférence d'investisseurs en fin de semaine à Londres, contribuant immédiatement au relâchement des taux d'emprunt espagnols et italiens, et à la hausse des Bourses européennes comme de l'euro. Face à une nouvelle aggravation de la crise en zone euro, un geste de la BCE, qui n'a pas ménagé sa peine depuis le début de la crise financière en 2008 pour voler au secours de la monnaie unique, était attendu. Reste à savoir quelle forme il prendra. M. Draghi a laissé entendre que cela pourrait passer par une intervention sur le marché obligataire. Reprise du programme de rachat de dette publique "Si les primes de risque sur la dette souveraine handicapent la transmission de la politique monétaire, elles entrent dans le cadre de notre mandat", a-t-il déclaré, mais sans s'expliquer plus avant, laissant la porte ouverte à toutes les hypothèses. La BCE pourrait ainsi reprendre son programme de rachat de dette publique sur le marché secondaire (où s'échangent les titres déjà émis), à l'arrêt depuis des mois. Mais ce programme, adopté en mai 2010 et baptisé SMP, se heurte à l'opposition de certains de ses membres, dont la banque centrale allemande qui le considère comme une façon détournée de financer les Etats, ce qui lui est interdit par son statut. Le SMP s'est par ailleurs montré d'une efficacité toute relative. Pour Christian Schulz, économiste de la banque Berenberg, pour qu'il agisse vraiment, il faudrait que la BCE annonce qu'elle est prête à dégainer autant que nécessaire au lieu d'afficher sa réticence ou bien qu'elle fixe un objectif clair au-delà duquel elle ne laissera pas se creuser les écarts de taux entre les pays en difficulté et l'Allemagne, référence en zone euro. Une annonce qui pourrait calmer les spéculateurs, sans même qu'elle n'ait besoin de la mettre en oeuvre, selon lui. Action conjointe entre BCE et FESF Mais si cette option a l'avantage d'être simple, elle reste critiquée et présente un certain "aléa moral" dans le sens où les Etats auxquels elle bénéficie ne sont tenus par aucun contrat les obligeant à redresser leurs finances, rappelle Gilles Moëc de la Deutsche Bank. Une action conjointe entre la BCE et le fonds provisoire de secours européen, le FESF, qui peut intervenir sur le marché primaire de la dette, lui semble donc l'option la plus probable. Une éventualité accréditée, selon plusieurs analystes, par le soutien affiché vendredi par Paris et Berlin à M. Draghi, puis de nouveau, avant-hier, dans un communiqué de la chancellerie allemande évoquant un accord avec Rome. L'engagement des trois poids lourds européens pourrait signifier une action concertée entre les gouvernements de la zone euro et les autorités monétaires. Certains évoquent en outre la possibilité d'accorder une licence bancaire au FESF, et à son successeur le MES, afin qu'ils puissent venir s'alimenter aux guichets de la BCE et augmenter leurs moyens fixés actuellement à 700 milliards d'euros de capacité de prêts. Soit trop peu pour à la fois voler au secours des Etats et des banques, de l'avis des économistes. Nouveau prêt sur 3 ans aux banques "Il y a des arguments favorables" à l'octroi de cette licence bancaire, a dit cette semaine Ewald Nowotny, président de la banque centrale d'Autriche, alors que jusqu'ici la BCE s'y est toujours opposée. Un nouveau prêt sur trois ans aux banques comme un nouvel assouplissement des garanties réclamées aux banques en échanges de ses prêts pourraient compléter l'intervention sur le marché de la dette. Reste à savoir si M. Draghi ne décevra pas les attentes et s'il donnera bien quelques détails de ce que la BCE entend faire dès jeudi. Luca Cazzulani de UniCredit craint qu'il "ne se montre pas plus explicite", tandis que Gilles Moëc estime "que son discours est plus qu'une nouvelle tentative de gagner du temps. La crédibilité de Draghi est en jeu". Quant au principal taux directeur de la BCE fixé à 0,75% en juillet, soit son plus bas niveau historique, sans que cela contribue à soulager l'économie de la zone euro, personne ne s'attend à une nouvelle baisse.