La Banque centrale européenne (BCE) est prête à se porter au secours de la zone euro, y compris en intervenant sur le marché obligataire, à la condition toutefois que les gouvernements fassent leur devoir, a déclaré, avant-hier, son président, Mario Draghi, suscitant immédiatement une déception à la hauteur des attentes. La BCE "peut entreprendre des opérations sur le marché obligataire d'une taille adéquate pour atteindre son objectif", et ce face aux taux d'emprunt "inacceptables" que doivent consentir certains pays de la zone euro, a déclaré M. Draghi lors d'une conférence de presse à Francfort, à l'issue de la réunion du conseil des gouverneurs de la BCE. Il a aussi annoncé que son institution était prête à prendre de nouvelles mesures exceptionnelles afin de restaurer la bonne transmission de sa politique monétaire, mais sans préciser lesquelles. Les modalités de ces mesures seront présentées "au cours des prochaines semaines", a-t-il ajouté. Pour M. Draghi, pour que la BCE agisse, il faut toutefois que les dirigeants européens s'engagent à poursuivre leurs efforts d'assainissement budgétaire et de réformes structurelles. Des mesures qui peuvent prendre du temps, c'est pourquoi ils doivent se montrer prêts à faire intervenir les fonds de secours européens FESF et MES sur le marché obligataire, à des conditions strictes, a-t-il estimé. Rajoy estime en avoir fait assez Or pour l'instant, l'Espagne, dont les taux d'emprunt avaient atteint ces dernières semaines des montants insoutenables financièrement, se refuse à faire appel au FESF, dans la crainte de se voir imposer un programme d'austérité et un contrôle strict de ses finances par ses bailleurs de fonds, à l'instar de la Grèce, de l'Irlande et du Portugal. Son Premier ministre, Mariano Rajoy, qui vient d'adopter un programme d'économies de 65 milliards d'euros d'ici 2014, estime avoir consenti suffisamment d'efforts, d'autant que le chômage grimpe (à plus de 24% de la population active) et que le pays est en récession. Il a reçu dans l'après-midi la visite du chef du gouvernement italien, Mario Monti, en tournée en Europe pour tenter de faire accepter à ses partenaires européens une intervention du FESF sur le marché obligataire, une possibilité prévue mais non encore activée. S'il a l'aval du président français, François Hollande, qui aimerait aussi que le FESF et le MES, son futur successeur, soient dotés d'une licence bancaire leur permettant d'accéder aux liquidités de la BCE, le Premier ministre finlandais, Jyrki Katainen, lui a opposé une fin de non recevoir la veille. Tout faire pour protéger la zone euro Face au manque de coordination des responsables européens, M. Draghi leur a envoyé le message coutumier de le BCE: "la politique monétaire ne peut pas tout, et surtout pas compenser le manque d'action des politiques". Il a cependant réaffirmé l'engagement unanime des 23 membres du conseil des gouverneurs à "tout faire" pour protéger la zone euro, les mêmes termes que ceux employés la semaine dernière à Londres et qui avaient laisser miroiter une action d'envergure de la BCE dès cette semaine. Il a martelé la caractère "irréversible" de l'euro et a qualifié d'"inutile" la spéculation contre lui. L'un des membres du conseil des gouverneurs s'est toutefois prononcé contre la possibilité de réactiver le programme de rachat d'obligations publiques sur le marché secondaire, adopté en mai 2010 mais à l'arrêt depuis plus de quatre mois, a déclaré son vice-président Vitor Constancio, sans dire lequel. M. Draghi a rappelé lui que la banque centrale allemande (Buba) et son président, Jens Weidmann, avaient montré à maintes reprises leur opposition à ce programme. Une opposition qui s'était traduite par deux démissions l'an dernier: celle de l'ex-président de la Buba et celle du chef économiste de la BCE, de nationalité allemande. Quant à la possibilité d'octroyer une licence bancaire au FESF ou au MES, M. Draghi l'a exclue. "Leur structure actuelle ne le permet pas", a-t-il dit. Malgré ses engagements à agir et un ton très ferme tout au long de la conférence de presse, M. Draghi n'a pas convaincu les marchés dont il voulait restaurer la confiance: la plupart des places boursières européennes ont chuté tandis que les taux d'emprunt de l'Espagne et l'Italie ont grimpé de nouveau. Le principal taux directeur reste à 0,75% La Banque centrale européenne (BCE) a laissé sans surprise son principal taux directeur inchangé à 0,75%, son plus bas niveau historique, tandis que tous les regards étaient braqués sur elle dans l'espoir que son président concrétise sa promesse d'agir fermement contre la crise. Le FMI note: les mesures de la BCE "apaiseraient les tensions" Le Fonds monétaire international a rappelé, avant-hier, que des mesures d'assouplissement monétaire ou autres de la BCE "apaiseraient les tensions", après une réunion de la Banque centrale européenne achevée sans annonce concrète. Un porte-parole du FMI a "salué" dans un communiqué "le fait que la BCE soit prête à entreprendre des opérations sur le marché obligataire d'une taille adéquate". "Nous partageons son intérêt pour la nécessité de réparer la transmission de la politique monétaire dans la zone euro", a ajouté le porte-parole, reprenant mot pour mot les déclarations faites le président de la BCE, Mario Draghi, à l'issue de la réunion de politique monétaire. "Nous sommes d'accord pour dire qu'il faut utiliser pleinement les filets de sécurité que représentent le FESF et le MES", a-t-il ajouté en référence aux fonds de secours européens mis en place pour contenir la crise de la zone euro. "Mais un nouvel assouplissement monétaire et un soutien non-conventionnel apaiseraient les tensions le temps que les autres politiques soient mises en œuvre et prennent effet", a-t-il conclu, dans une critique apparente des propos de M. Draghi.