Le géant de l'internet Google a mis Wall Street en émoi, jeudi dernier, suite à une gaffe de son imprimeur: il a publié prématurément ses résultats trimestriels, qui pour ne rien arranger étaient très en dessous des attentes. Un avis, publié sur le site internet du gendarme boursier américain (SEC) en plein milieu de la séance, a dévoilé que le bénéfice net s'était effondré de 20% au troisième trimestre, à 2,176 milliards de dollars. Le bénéfice ajusté par action, particulièrement suivi par les investisseurs, est ressorti à seulement 9,03 dollars, soit plus d'un dollar de moins que la prévision moyenne du marché. Le titre Google s'est immédiatement effondré sur la Bourse électronique Nasdaq, perdant plus de 10%. La cotation a rapidement été suspendue, mais le groupe avait eu le temps de perdre plus de 20 milliards de dollars de capitalisation, repassant même du coup derrière Microsoft. Et l'action a continué de baisser après la reprise de cotation deux heures et demi plus tard: elle a fini en recul de 7,95% à 695,42 dollars. Les résultats n'auraient normalement dû être connus qu'après la clôture et le communiqué était incomplet: on pouvait y lire "citation en attente de Larry" en lieu et place des commentaires du directeur général Larry Page. Une porte-parole du groupe a confirmé qu'il s'agissait d'une version "provisoire" et communiquée "sans autorisation" à la SEC, rejetant la responsabilité de cette erreur sur l'imprimeur chargé de publier les résultats, la société RR Donnelley. La société, un ancien éditeur d'annuaires qui depuis s'est diversifié, a indiqué avoir lancé "une enquête pour déterminer comment cet événement a eu lieu". La SEC n'a pas voulu faire de commentaire. Dans le communiqué officiel finalement publié par Google deux bonnes heures après la première version, le vrai Larry Page, s'est montré beaucoup moins original. "Nous avons eu un bon trimestre", a-t-il assuré, en insistant sur la hausse de 45% du chiffre d'affaires qui, à 14,10 milliards de dollars, a été meilleur que prévu, et en se disant "très excité par nos progrès dans la création d'une expérience Google joliment simple et intuitive, sur tous les appareils". Le chiffre d'affaires a été gonflé par l'acquisition de Motorola Mobility, bouclée le 25 mai et sans laquelle il n'aurait progressé que de 19%. Pour la banque Barclays, le fabricant de téléphones portables est aussi largement responsable du "ratage" des prévisions pour le bénéfice: d'après les résultats publiés, il a accusé une perte d'exploitation de 527 millions de dollars. Google a entrepris de restructurer sa nouvelle filiale, avec 4 000 suppressions d'emplois annoncées en août, mais les coûts de cette opération ont aussi amoindri son bénéfice net. Jeff Kagan, un analyste spécialisé dans le secteur technologique, a néanmoins relativisé les mauvais résultats, estimant que c'était "juste un hoquet dans l'ascension de Google". La recherche inquiète Le groupe peine également sur son cœur de métier, avec un quatrième trimestre consécutif de recul du coût moyen du "clic", un baromètre qui détermine le prix que payent les annonceurs au moteur de recherche. Cette mesure a diminué de 15% par rapport au troisième trimestre 2011 et de 3% par rapport au deuxième trimestre de cette année. Les analystes sont nombreux à souligner que Google, comme beaucoup d'autres acteurs de l'industrie de l'internet, ne parvient pas à s'adapter assez rapidement aux nouveaux usages de ses utilisateurs, de plus en plus nombreux à privilégier le mobile ou la tablette. Cet élément n'a pas échappé aux investisseurs, puisqu'ils ont immédiatement sanctionné le titre de Facebook (-4,55%), qui ne parvient pas non plus à monétiser de manière satisfaisante sa présence sur le marché des smartphones. "L'activité de cœur de métier a ralenti de manière assez sensible, ce qui est choquant", a souligné Sameet Sinha, analyste de B. Riley. "La seule conclusion que je puisse en tirer c'est que la recherche se passe de plus en plus souvent en dehors de Google, ce qui signifie que les utilisateurs cherchent davantage via leurs applications que par le moteur de recherche de Google." "Cela pourrait refléter une mutation durable, en particulier lorsque l'on en vient à l'e-commerce. La grande crainte a toujours été de savoir ce qui se passerait si les consommateurs allaient directement faire leurs recherches depuis Amazon. Potentiellement, c'est ce qui pourrait être en train de se passer."