La découverte de réserves de brut exploitables au large des côtes irlandaises a ravivé les espoirs d'un miracle pétrolier dans la région, mais les projets de développement en sont à un stade préliminaire et pourraient ne pas nécessairement profiter aux finances du pays. La manne de l'or noir à la rescousse d'une économie à la peine en Irlande? Ce n'est pas un scénario de science-fiction pour Tony O'Reilly, directeur exécutif de la compagnie pétrolière Providence Resources, qui a estimé que les eaux irlandaises pourraient devenir une nouvelle mer du Nord. Providence, qui avait lancé en 2011 un programme d'exploration en association avec plusieurs majors dont l'américain ExxonMobil et l'italien ENI, a annoncé mi-mars le succès d'un forage exploratoire sur le champ de Barryroe, situé en eaux peu profondes à 50 km au sud des rivages irlandais. Sous ce champ dormirait entre 1 et 1,7 milliard de barils de brut, selon la compagnie, qui a précisé mi-octobre qu'entre 17% et 43% de ces ressources pourraient être pompées, tablant sur une production de 280 millions de barils en 25 ans d'exploitation. Ce volume, qui correspond à ce que la Grande-Bretagne produit en l'espace de seulement 7 mois, suffirait cependant à couvrir cinq années de la consommation actuelle de brut de l'Irlande (142 000 barils par jour), jusqu'à présent uniquement couverte par des importations. C'est une excellente nouvelle pour l'économie irlandaise. Nous espérons que ce ne sera pas un projet unique, que cela marquera le lancement d'un secteur pétrolier en Irlande, s'est félicité M. O'Reilly, dans un entretien à la BBC Radio 4. Dès 1973, l'américain Esso avait détecté la présence de pétrole à Barryroe, mais la nature des hydrocarbures (un brut visqueux difficile à récupérer avec les technologies de l'époque) et des prix très bas du baril (autour de 10 dollars) avaient alors dissuadé tout développement. Selon Joe Langbroek, expert de la maison de courtage Davy, Barryroe pourrait permettre un rendement compris entre 75 000 et 100 000 barils par jour, pour un coût moyen d'exploitation de 15 à 20 dollars par baril, bien moins que pour les gisements difficiles de la mer du Nord. Toutefois, on est encore à un stade très préliminaire, a tempéré l'analyste, pour qui plusieurs milliards de dollars d'investissements seront nécessaires pour développer le site. S'il ne s'agit pas d'un champ géant, Barryroe n'en est pas moins un premier pas important qui encourage la poursuite de l'exploration en Irlande, avait estimé Manouchehr Takin, expert du Centre international d'études sur l'énergie (CGES) à Londres. Dublin se montre cependant très réservé: Bien que les évaluations sur Barryroe apparaissent prometteuses, il faudra encore du travail et d'autres études pour déterminer si ces gisements peuvent vraiment être déclarés viables commercialement et développés, a déclaré une porte-parole du ministère de l'Energie et des Ressources naturelles. De fait, un éventuel boom pétrolier n'apporterait probablement aucun coup de pouce à l'économie irlandaise, qui se débat toujours avec une forte dette publique, a estimé Michael Burke, consultant et ancien économiste de Citibank, dans une tribune dans le Guardian. Non seulement les compagnies pétrolières bénéficient en Irlande d'une fiscalité exceptionnellement basse (25% de leurs revenus sont taxés, contre un taux standard de 62% en Grande-Bretagne), mais elles peuvent de surcroît retrancher de leurs impôts leurs coûts d'exploration, a expliqué M. Burke. Pire encore, les hydrocarbures irlandais pourraient être acheminés directement depuis les plateformes vers les raffineries de la Grande-Bretagne voisine. Cette perspective, dénoncée par l'association écologique locale Shell to Sea, avait été évoquée en 2011 par les experts de l'institut dublinois ESRI. Le nombre d'emplois créés localement serait alors réduit à la portion congrue.