Le regain post-séisme a été de courte durée pour le Japon: la troisième puissance économique mondiale est désormais malmenée par la détérioration de la conjoncture internationale, au point de tuer sa croissance au troisième trimestre 2012. De juillet à septembre, le produit intérieur brut (PIB) a régressé de 0,9% par rapport à celui des trois mois précédents (-3,5% en rythme annualisé). En cause, une chute de 5% des exportations d'un trimestre à l'autre et un marché intérieur atone, selon le gouvernement. Il s'agit certes du premier recul constaté en trois périodes trimestrielles, mais ces chiffres préliminaires ne constituent pas pour autant une surprise, les récents indicateurs économiques laissant augurer un tel étiolement. Les économistes sondés auparavant par la presse nippone craignaient même pire, ce qui n'a pas consolé le Premier ministre, Yoshihiko Noda, jugeant "les chiffres graves" et promettant d'œuvrer pour redonner du tonus au pays. Le gouvernement a en outre révisé les données antérieures, révélant ainsi que le Japon a également subi une petite décroissance au 4e trimestre 2011, et non une amélioration. Durant ce troisième trimestre 2012, l'archipel, en partie tributaire de la demande extérieure, a souffert du ralentissement de l'économie mondiale, notamment pour les ventes de véhicules et de composants électroniques. En Europe, la situation inquiétante des finances de plusieurs nations a affecté l'ensemble de la région et, par ricochets, les entreprises japonaises qui vendent moins, produisent moins et investissent moins. Les achats de biens d'équipements ont nettement fléchi (-3,2% sur un trimestre), un manque à gagner pour le PIB que n'a que partiellement compensé l'augmentation de 1,1% des commandes publiques en partie destinées à la reconstruction des régions du nord-est dévastées par le séisme et le tsunami du 11 mars 2011. L'économie japonaise a de plus été victime de l'attitude antinippone de clients chinois, en raison d'un conflit territorial concernant des îles (Senkaku pour les Japonais, Diaoyu pour les Chinois) revendiquées par les deux nations. "Il ne fait pas de doute que cela a beaucoup joué", analyse un expert de Merrill Lynch. "Ce sera même plus visible encore sur la période d'octobre à décembre", renchérit un confrère du groupe bancaire Mizuho qui n'espère pas de rebond avant le premier trimestre 2013. Sur le volet intérieur, les consommateurs ont été plus regardants, faute de confiance en l'avenir et par crainte ou constat d'une baisse de leurs revenus. Ils ont de plus en plus tendance à profiter des mesures incitatives quand il y en a (subventions pour automobiles, pour réfection de maisons, etc.) et à se serrer la ceinture le reste du temps. De fait, dès que cesse une aide à l'achat (comme ce fut le cas en septembre pour les automobiles), cela se lit immédiatement dans les statistiques. Dans ce contexte, entreprises et commerçants essayent d'attirer le chaland avec des promotions à tout-va, une stratégie du bas prix qui entretient la déflation chronique dans laquelle se débat le pays depuis des années. Le gouvernement et la banque centrale du Japon (BoJ) jurent de tout faire pour stopper ce phénomène pernicieux qui fait tourner la machine économique dans le mauvais sens, avec sans cesse plus de réductions de coûts au détriment de l'investissement, l'emploi, la production et les salaires. Les autorités ont eu beau concocter plusieurs mélanges de relance budgétaire et d'assouplissement monétaire, elles peinent à trouver la bonne recette pour redonner de l'appétit à des particuliers déjà gavés de produits et des entreprises étranglées par la cherté du yen qui plombe leur compétitivité sur les marchés étrangers. La mauvaise passe traversée par l'économie européenne et les difficultés des Etats-Unis à recouvrer leur dynamisme d'antan engendrent en effet une perte de confiance dans leurs devises et une hausse relative de la monnaie nippone considérée comme une valeur plus sûre. Résultat: pour 2012, le Japon risque d'afficher une croissance de moins de 1%, avertissent les spécialistes, après une régression de 0,7% durant l'année 2011 saccagée par le tremblement de terre, le raz-de-marée et l'accident nucléaire du 11 mars. Chute confirmée de 4,1% de la production industrielle en septembre La production industrielle au Japon a chuté de 4,1% en septembre par rapport à celle d'août, freinée par le secteur automobile, a indiqué, hier, le ministère de l'Economie confirmant ainsi les données préliminaires publiées fin octobre. Ce repli, le cinquième en six mois, est en partie imputable aux constructeurs d'automobiles qui ont réduit le rythme dans leurs usines de pièces détachées et d'assemblage, en raison de la fin d'un programme de subvention publique à l'achat de véhicules non polluants. L'activité manufacturière japonaise a aussi souffert du ralentissement de l'économie internationale dû à la crise européenne. Sur un an, la production industrielle a dévissé de 8,1%. Le ministère de l'Economie, du Commerce et de l'Industrie (Meti) a précisé que la production industrielle était "sur une pente déclinante", alors qu'il avait expliqué le mois précédent qu'elle "semblait s'affaiblir". En septembre, toutes industries confondues, les livraisons ont pour leur part décliné de 4,3% sur un mois (contre 4,4% selon les chiffres antérieurs) et les stocks se sont repliés de 0,9% (donnée inchangée). Une nouvelle baisse de la production industrielle est également à redouter en octobre, mois pour lequel les statistiques industrielles seront prochainement publiées. En novembre, la production pourrait toutefois quelque peu se reprendre selon les entrepreneurs interrogés par le Meti. Le recul des prix de gros moins accentué en octobre Les prix de gros sur le marché intérieur au Japon ont continué de régresser en octobre en comparaison annuelle, mais à un rythme moindre que celui constaté les trois mois précédents, a annoncé la Banque du Japon (BoJ). En août, ils avaient reculé de 1,9% sur un an et de 1,5% en septembre, selon les données révisées. Ces prix avaient augmenté à rythme modéré entre la mi-2010 et le début 2012 mais diminuent depuis le mois d'avril dernier. Le moindre recul constaté en octobre est notamment à mettre au compte de l'augmentation plus marquée qu'en septembre des tarifs du pétrole et d'un regain des prix des métaux non-ferreux. Calculés dans les devises stipulées par les contrats, les prix de gros à l'importation ont cédé 1,9% en octobre par rapport à ceux du même mois de 2011, et augmenté de 0,1% calculés en yens. A l'export, ils se sont effrités de 1,8% en devise contractuelle et de 0,4% en monnaie japonaise. Les différences d'évolution s'expliquent par les variations entre-temps des cours de change. Les mouvements sur les tarifs de gros se répercutent en partie sur les étiquettes au détail, entretenant un phénomène de déflation depuis plus de trois ans. Cette absence de dynamisme tarifaire, due à un écart entre l'offre et la demande, décourage l'investissement des entreprises et affaiblit la consommation des ménages incités à patienter en espérant de nouvelles baisses des étiquettes. La BoJ mène depuis des années une politique monétaire accommodante destinée à faciliter la circulation de l'argent, à encourager l'activité et à permettre une hausse modérée des prix. Elle considère qu'une inflation de 1% serait de nature à favoriser l'économie sans risquer la surchauffe.