Barack Obama et les principaux dirigeants démocrates et républicains du Congrès ont entamé, avant-hier, des discussions très attendues sur la fiscalité et le budget, avec pour priorité affichée d'éviter une rechute de l'économie américaine dans la récession. Dix jours après sa réélection face à Mitt Romney, le président a réuni à la Maison blanche le chef de la majorité démocrate du Sénat, Harry Reid, le "speaker" républicain de la Chambre des représentants, John Boehner, ainsi que la représentante démocrate Nancy Pelosi, et le sénateur républicain Mitch McConnell. "Je pense que nous savons tous que nous avons un travail urgent à fournir", a déclaré le président américain à la presse juste avant une réunion sur ce dossier avec des membres du Congrès. "Nous devons faire en sorte que les impôts n'augmentent pas pour les classes moyennes, que notre économie reste forte, que nous créions des emplois, et c'est un programme que partagent les démocrates, les républicains et les indépendants, et tout le monde dans le pays", a dit le président américain. Les deux camps campent pour l'instant sur leurs positions respectives, les démocrates prônant un relèvement des impôts des plus riches tandis que les républicains rechignent. Or, c'est précisément ce qu'entend faire Barack Obama, pour réduire le déficit budgétaire, comme il l'a expliqué mercredi, lors de la première conférence de presse depuis sa réélection. A la sortie de la réunion, les responsables républicains ont déclaré qu'ils étaient prêts à accepter d'augmenter les recettes de l'Etat à condition qu'elles s'accompagnent de baisses des dépenses. "Pour montrer notre sérieux, nous avons mis la question des revenus sur la table si cela s'accompagne de diminutions sensibles des dépenses", a déclaré John Boehner. La veille, le porte-parole de la présidence Jay Carney, a assuré que l'opinion publique soutenait fermement le cap défendu par le président. Barack Obama, a-t-il dit, "ne signera en aucun cas une prolongation des allègements d'impôts pour les 2% des Américains qui ont les plus hauts revenus". Si les deux camps du Congrès admettent la nécessité de coopérer pour débloquer un dossier qui, selon de nombreuses études, affecte déjà l'activité économique et l'investissement des entreprises, les négociations s'annoncent difficiles d'ici le 1er janvier. Une négociation à 600 milliards C'est à cette date que doivent, d'une part, expirer nombre d'allègements d'impôts adoptés sous la présidence de George W. Bush et reconduits pour deux ans fin 2010 par Barack Obama et, d'autre part, entrer en vigueur des coupes importantes dans les dépenses publiques, le tout pour un montant global de 600 milliards de dollars. Une conjonction désormais bien connue sous l'appellation de "mur budgétaire" (fiscal cliff). "Si nous ne faisons rien pour renverser ce 'mur budgétaire' et si nous ne parvenons pas à un accord immédiatement après, vous savez ce qui se passera l'année prochaine, en 2013 ? Nous retomberons dans la récession", a prévenu la veille Erskine Bowles, ancien directeur de cabinet de Bill Clinton à la Maison blanche et co-auteur l'an dernier d'un rapport très remarqué (mais pas appliqué) sur la réduction des déficits. L'enjeu des discussions est d'empêcher ce choc budgétaire et fiscal tout en assurant une réduction progressive du déficit public, qui a dépassé 1 000 milliards de dollars (780 milliards d'euros) chaque année depuis quatre ans et a porté la dette publique américaine à plus de 16 000 milliards de dollars. "C'est au tour du président de proposer un plan spécifique qui rapproche les deux parties", a jugé la veille Mitch McConnell. "C'est pour cela qu'un président est élu." Mais alors qu'avant les élections du 6 novembre, Barack Obama, passait pour privilégier un compromis rapide, la victoire plus ample que prévu de son camp semble l'avoir incité à durcir sa position, notent certains responsables démocrates. La Maison blanche pourrait désormais chercher à obtenir des républicains qu'ils acceptent le texte démocrate adopté en juillet par le Sénat pour prolonger les allégements d'impôts sauf pour les foyer gagnant plus de 250 000 dollars par an. "Si les républicains ont d'autres idées permettant d'augmenter les recettes, il faut qu'ils les amènent" à la Maison blanche, a dit un conseiller démocrate au Sénat. Les tractations pourraient porter sur un relèvement du plafond de maintien des allègements ou l'ampleur de l'augmentation du taux marginal de l'impôt sur le revenu, que Barack Obama dit pour l'instant vouloir porter de 35% à 39,6%. Autre piste de plus en plus fréquemment évoquée: la prolongation d'une exonération partielle des cotisations salariales qui concerne quelque 160 millions d'Américains et représente pour chacun d'eux environ 1 000 dollars par an. Les élus américains optimistes sur le "mur fiscal" Les leaders démocrates et républicains au Congrès américain sont sortis de leur réunion avec le président Barack Obama, en s'engageant à trouver un terrain d'entente sur la fiscalité et les dépenses publiques qui leur permettent d'éviter d'entrer dans le "mur fiscal" qui pourrait coûter cher à l'économie américaine. Les élus se sont adressés à la presse en tant que groupe pour la première fois depuis plus d'un an. Il s'agit, ont dit leurs conseillers, de donner une image d'unité. Démocrates et républicains ont jusqu'au 31 décembre pour se mettre d'accord pour trouver les moyens de réduire le déficit des finances publiques. Des deux côtés, chacun a fait montre d'une volonté de mettre sur la table les questions qui tiennent à cœur à chaque camp depuis longtemps. Ainsi, les deux représentants du camp démocrate, le leader de la majorité démocrate au Sénat Harry Reid, et le leader de la minorité démocrate à la chambre des représentants, Nancy Pelosi, ont déclaré qu'ils reconnaissaient la nécessité de dépenser moins. Le secrétaire américain au Trésor Timothy Geithner, a rappelé parallèlement qu'il n'avait pas le pouvoir de s'opposer aux hausses d'impôts qui entreront automatiquement en vigueur à la fin de l'année si le Congrès et la Maison blanche ne parviennent pas à trouver un accord. La Fed soumet les banques à l'hypothèse d'une récession forte en 2013 La banque centrale des Etats-Unis (Fed) a annoncé qu'elle demandait aux plus grandes banques américaines de faire la preuve de leur capacité à résister à une récession forte dans le pays en 2013. C'est ce que montrent les trois scénarios publiés sur son site internet et qui vont servir de base pour les tests de résistance auxquels elle soumet actuellement les 19 plus grandes banques américaines. Le scénario de référence (qui ne reflète pas les prévisions de la Fed mais celles d'économistes du secteur privé) table sur une poursuite de la croissance économique dans les trois années à venir à un rythme moyen de 2,75% par an aux Etats-Unis. Un scénario intermédiaire retient l'hypothèse d'un affaiblissement de l'activité économique en Amérique, en Europe et en Asie, qui irait de pair avec une brusque poussée d'inflation aux Etats-Unis. Mais le scénario du pire (hypothétique, insiste la Fed) retient l'idée d'une contraction du PIB américain de près de 5% entre le troisième trimestre de 2012 et la fin de 2013 entraînant une remontée du taux de chômage de quatre points tandis que la zone euro, la Grande-Bretagne et le Japon seraient en récession et que la Chine, l'Inde et Taïwan connaîtraient une croissance économique faible. Aux termes de la loi de réforme de Wall Street de 2010, les 19 plus grandes banques américaines, devront faire la preuve, sous la houlette de la Fed, de leur capacité à absorber les pertes qu'elles viendraient à subir en pareil cas. La Réserve fédérale avait annoncé le 9 novembre, en lançant cet exercice, que ces établissements devraient lui soumettre avant le 7 janvier leur plan d'utilisation du capital, indiquant notamment les dividendes qu'ils comptent verser à leurs actionnaires. La Fed a précisé qu'elle déciderait d'accepter ou non pour chaque banque le versement de ces dividendes sur la base des résultats individuels des tests, dont une partie seulement sera rendue publique, a priori avant la fin du premier trimestre. Les trois scénarios serviront également aux tests de résistance internes annuels que les 19 plus grandes banques doivent mettre en œuvre cette année en même temps qu'elles sont soumises à ceux de la Fed.