La Banque centrale européenne (BCE), qui réunissait son conseil des gouverneurs, avant-hier, a laissé son principal taux d'intérêt directeur inchangé à 0,75%, son plus bas niveau historique, malgré une situation économique qui reste très dégradée en zone euro. Cette décision était largement attendue par les analystes, même si selon certains d'entre eux elle n'a pas dû être unanime. L'entrée en récession de la zone euro au troisième trimestre, pour la première fois depuis 2009, comme un chômage à un niveau record (11,7% en octobre) auraient justifié une baisse à 0,50% aux yeux de certains gouverneurs, selon Marco Valli de UniCredit. Mais "la BCE semble toujours douter qu'une nouvelle baisse de taux puisse donner un coup de fouet à la croissance", a estimé Carsten Brzeski, d'ING. "A ce stade, seules les banques profiteraient d'une baisse, alors que l'impact sur l'économie réelle, s'il y en a un, serait très modeste", a jugé Nikolaus Keis, de UniCredit. Un constat nourri de la déception causée par la baisse de juillet, qui n'a pas contribué à un meilleur accès du crédit des entreprises dans les pays les plus en difficulté de la région. Et en Allemagne, le relâchement de la politique monétaire de la BCE nourrit la crainte d'une bulle immobilière alors que les prix ont augmenté davantage ces derniers mois dans les grandes villes. La BCE avait d'autant moins intérêt à agir qu'apparaissent par ailleurs certains bons signes, selon les analystes. Le premier d'entre eux, visible depuis l'annonce en septembre d'un nouveau programme de rachat de dette publique (programme OMT) par la BCE (toujours pas mis en œuvre), est une nette accalmie sur les marchés financiers et obligataires. Les taux d'emprunt de l'Espagne et de l'Italie, deux pays durement attaqués au cours de l'été, n'ont cessé depuis de reculer tandis que les capitaux étrangers reviennent vers la zone euro, s'est félicité ces dernières semaines l'institution monétaire de Francfort (ouest). En outre, le moral des ménages a grimpé de manière inespérée en novembre en Allemagne, en France et en Italie. Pour Christian Schulz, de la banque Berenberg, au vu de ces éléments, "une reprise économique graduelle est encore possible en début d'année prochaine si la BCE et les responsables politiques européens gardent la crise sous contrôle". Dans le cas contraire, la BCE devra de nouveau agir. "Si la tendance actuelle à la stabilisation s'avère faire long feu, une baisse de taux est possible" au premier trimestre 2013, a jugé Carsten Brzeski. D'autant que du côté de l'inflation, les craintes d'un échauffement sont pour l'instant écartées. La hausse des prix a nettement ralenti en novembre dans la zone euro, à 2,2% sur un an contre 2,5% le mois précédent, selon l'office européen de statistiques Eurostat. Elle devrait revenir en 2013 dans les clous du mandat fixé à la BCE, c'est-à-dire à un niveau proche mais inférieur à 2%. La Banque centrale européenne (BCE) s'est montrée plus pessimiste concernant la croissance en zone euro l'année prochaine. Mario Draghi, a répété qu'il s'attendait à ce que la zone euro ne commence à se remettre de la crise que graduellement, et pas avant la seconde moitié de 2013. Ce pessimisme, couplé avec une révision à la baisse de ses prévisions d'inflation "auraient pu être une invitation idéale à une nouvelle baisse de taux", a commenté Carsten Brzeski. Prolongation des conditions généreuses de ses prêts aux banques Le président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi, a annoncé la prolongation jusqu'en juillet des conditions généreuses de ses opérations de prêts aux banques de la zone euro. Les liquidités prêtées aux banques lors de sa principale opération de refinancement sur une semaine, appelée MRO, vont continuer d'être allouées de manière illimitée et à taux fixe, et ce au moins jusqu'au 9 juillet prochain, a expliqué M. Draghi, lors d'une conférence de presse à Francfort (ouest). Les mêmes conditions accommodantes ont été également maintenues pour ses opérations de prêt sur un mois, au moins jusqu'à fin juin 2013. Les taux pour ses prêts sur trois mois, dont six opérations sont prévues entre fin janvier et fin juin, seront déterminés comme précédemment à partir du taux moyen des opérations sur une semaine pendant la durée de ces prêts, a détaillé l'institution dans un communiqué. Les opérations de refinancement de la BCE sont destinées à permettre aux banques installées en zone euro de ne jamais manquer de liquidités, alors que le marché des prêts interbancaires est toujours grippé en raison de la méfiance que suscite certains établissements de pays en difficulté comme la Grèce, l'Espagne ou l'Italie. La BCE avait alloué quelque 1 000 milliards d'euros de liquidités aux banques de la région lors de deux opérations exceptionnelles de prêts sur trois ans et à taux fixe, en décembre 2011 et février 2012. Cette mesure n'a pas été rééditée depuis. Euro-obligations: "pas réalistes" maintenant mais le deviendront L'introduction d'euro-obligations, un instrument de mutualisation des dettes, n'est pas une idée réaliste pour le moment mais le deviendra, a affirmé le président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi. "A l'origine, il y avait une rupture de confiance dans la zone euro entre les pays qui respectaient toujours, ou la plupart du temps, la sagesse budgétaire, et les pays qui ne le faisaient pas", a expliqué M. Draghi, en réponse à une question lors de la conférence de presse mensuelle de l'institution monétaire. "Ces deux dernières années, il s'est agi de reconstruire la confiance" et pour cela les pays ont consenti des règles budgétaires plus strictes, a-t-il ajouté. "Commencer par les euro-obligations est vain", a estimé M. Draghi, soulignant que l'émission de dette commune revient à mutualiser les risques. "Il est absurde de commencer par une politique où, en résumant, l'un émet (des obligations, ndlr) et l'autre dépense, parce que ce n'est pas réaliste". "Mais cela deviendra réaliste quand la confiance sera rétablie, quand il sera clair que tous les pays respectent les engagements et entreprennent des politiques économiques en ayant pleinement conscience de leurs conséquences sur d'autres pays", a affirmé le président de la BCE. Plusieurs voix se sont exprimées en Europe en faveur des euro-obligations, notamment celles de la France et de la Commission européenne, en réponse à la crise de la dette. L'Allemagne s'y est toujours fermement opposée, par crainte d'en faire les frais. En juillet, la chancelière Angela Merkel avait ainsi jugé les eurobonds "contreproductifs". "Il ne fait aucun doute pour moi qu'il y a un besoin de moyens supplémentaires de solidarité (entre les pays européens) mais les euro-obligations sont le mauvais chemin", avait-elle déclaré.