Les dirigeants européens se sont mis d'accord, avant-hier, sur un budget d'austérité pour les sept prochaines années, en baisse pour la première fois dans l'histoire de l'Union européenne. "Il y a un accord ! Le Conseil européen s'est mis d'accord sur un cadre financier pluriannuel pour le reste de la décennie. Cela valait la peine d'attendre", a écrit vers 15H00 GMT le président de l'Union européenne, Herman Van Rompuy. M. Van Rompuy, n'a pas précisé le contenu du compromis sur le budget 2014-2020 de l'UE, arraché à l'issue de plus de 24 heures de négociations acharnées entre les 27 chefs d'Etat et de gouvernement. Mais au vu des montants négociés, les pays exigeant des coupes sévères dans les dépenses comme le Royaume-Uni ont imposé leurs vues aux défenseurs d'un cadre plus ambitieux comme la France. Dans le dernier texte proposé par M. Van Rompuy, en milieu d'après-midi le montant des crédits d'engagement, qui correspondent au plafond autorisé, était de 960 milliards d'euros, et celui des crédits de paiement, soit les dépenses effectives pour les sept prochaines années, de 908,4 milliards d'euros, des chiffres qui servaient déjà de base aux discussions depuis le petit matin. M. Van Rompuy, avait alors présenté un nouveau texte de compromis après déjà plus de 15 heures de débats, rencontres bilatérales et conciliabules pour tenter de rapprocher les points de vue. Les chefs d'Etat et de gouvernement ont ensuite brièvement interrompu leurs discussions dans la matinée, avant de reprendre le collier jusqu'en milieu d'après-midi. De sources européennes, on souligne que cela correspond à une baisse de 3% du budget pour la période 2014-2020 par rapport aux sept années précédentes. M. Van Rompuy, voulait initialement proposer des engagements à 960 milliards d'euros et des crédits de paiement à 913 milliards. Mais dès son arrivée à Bruxelles jeudi en milieu de journée, le Premier ministre britannique David Cameron s'était montré inflexible. "En novembre, les chiffres présentés étaient vraiment trop élevés. Ils doivent redescendre. Et si ce n'est pas le cas, il n'y aura pas d'accord", avait-il lancé. Pour tenir compte des restrictions budgétaires imposées dans de nombreux Etats membres, les montants présentés en novembre par M. Van Rompuy, étaient déjà en nette baisse par rapport aux demandes de la Commission européenne: 973 milliards pour les engagements et 943 milliards pour les paiements. Mais cette proposition avait été sèchement rejetée par le Royaume-Uni, soutenu par l'Allemagne, les pays nordiques et les Pays-Bas. Au final, M. Cameron, obtient en grande partie satisfaction, avec des crédits de paiement, la mesure la plus concrète pour son opinion publique, en nette baisse. Pour faire passer cette austérité auprès des pays comme la France ou l'Italie, partisans d'un cadre plus généreux, des solutions ont été trouvées pour apporter plus de souplesse, a expliqué une source européenne. Il s'agit notamment de faire en sorte que l'argent provenant des amendes infligées par l'UE à des entreprises n'ayant pas respecté les règles de la concurrence soit versé au budget européen au lieu d'être redistribué aux Etats. Autre nouveauté, si tous les crédits de paiement ne sont pas dépensés au cours d'un exercice, la somme restante devrait s'ajouter à ceux de l'exercice suivant, au lieu, là encore, d'être récupéré par les Etats. Selon certains diplomates, cela pourrait représenter 12 milliards d'euros supplémentaires."C'est un compromis pas mirobolant, mais acceptable", a confié une source française. Les deux principales politiques de l'UE sont épargnées. La Politique agricole commune (PAC), dont la France est le premier bénéficiaire, gagne un peu plus d'un milliard par rapport à la dernière proposition Van Rompuy, en novembre. Les fonds de cohésion pour les régions les plus défavorisées, notamment dans les pays de l'Est, obtiennent 4,5 milliards supplémentaires. Un nouveau fonds pour l'emploi des jeunes sera doté de quelque six milliards. Pour parvenir à une baisse substantielle du budget sans amputer la PAC et la Cohésion, l'essentiel des coupes sont opérées dans l'enveloppe demandée pour les infrastructures. Elle est amputée de plus de 10 milliards d'euros, à un peu plus de 29 milliards. Les fonctionnaires de Bruxelles, dans le collimateur de David Cameron, devront se serrer la ceinture, avec 1,5 milliard de moins que la demande de la Commission. Côté recettes, les pays bénéficiant de rabais, le Royaume-Uni en premier lieu, mais aussi l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suède, le conservent. Le Danemark obtient la ristourne qu'il demandait. Le Parlement européen, qui doit voter le budget à la majorité absolue, a menacé de rejeter cet accord. "Je vois mal le Parlement approuver ce budget", a réagi le chef des Libéraux, l'ancien Premier ministre belge Guy Verhofstadt, en dénonçant "une victoire de la vieille politique européenne. "Plus vous vous éloignerez de la proposition de la Commission, plus il est vraisemblable que votre décision se heurtera à un refus du Parlement européen", avait mis en garde jeudi le président du Parlement, Martin Schulz. L'aide européenne aux plus démunis sauvée mais réduite L'accord conclu sur le budget de l'Union européenne pour 2014-2020 préserve l'aide alimentaire aux plus démunis, comme le demandait la France, mais en réduit fortement le montant malgré les besoins créés par la crise économique. Reste que cette somme représente une baisse par rapport à la période 2007-2013 où cette aide européenne atteignait 3,5 milliards d'euros, soit 500 millions par an. La réduction de cette enveloppe intervient alors qu'en France, par exemple, les Restos du Cœur, qui distribuent chaque année des millions de repas, ont enregistré cette année une explosion des demandes d'aide. Cette aide européenne représente 23% des repas distribués par les Restos du Cœur et 15% de ses ressources, selon les dirigeants de cette organisation caritative. Le Programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD) a été créé en 1987 pour redistribuer aux populations pauvres de l'UE d'une partie des surplus agricoles communautaires. La disparition de ces derniers pose la question de la survie de ce programme, contesté en outre par des pays comme l'Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, qui estiment que ce type d'aide ne relève pas des compétences communautaires. Les avocats de ce programme, comme la France, font valoir que le PEAD permet de répondre aux besoins alimentaires vitaux de plus de 18 millions de personnes en grande difficulté. Il est possible de faire des réformes dans l'UE, selon Cameron Le Premier ministre britannique, David Cameron, a estimé avant-hier que l'accord sur le budget européen démontre qu'il est possible d'avancer réellement vers des réformes au sein de l'Union européenne. C'est une bonne chose d'avoir un accord, a déclaré M. Cameron, lors d'une conférence de presse à l'issue du sommet européen. Cela montre qu'en travaillant avec des alliés, il est possible d'avancer réellement vers des réformes au sein de l'Union européenne, a-t-il ajouté. Le sommet de Bruxelles était la première sortie européenne de M. Cameron depuis son discours en janvier dans lequel il avait annoncé la tenue avant fin 2017 d'un référendum sur le maintien dans l'UE de son pays, miné par l'euroscepticisme. C'est un bon accord pour les contribuables britanniques, a aussi plaidé le Premier ministre. Il a défendu un budget d'un montant inférieur de 80 milliards d'euros à celui qui proposé au départ par la Commission européenne, en saluant un budget pluriannuel plus moderne et plus efficace que les précédents. Hollande salue un bon compromis Le président français François Hollande a salué un bon compromis dans l'accord des 27 sur le budget européen pour la période 2014-2020. C'est un accord qui a été aussi long que d'habitude à faire jaillir mais qui a été un bon compromis, a déclaré M. Hollande, lors d'une conférence de presse à l'issue du sommet européen. 960 milliards d'euros était sans doute la fourchette la plus haute qu'il était possible d'atteindre pour les crédits d'engagement, a-t-il ajouté. Dans les crédits de paiement, c'est-à-dire les dépenses effectives pour les sept prochaines années, les Britanniques voulaient moins de 900 milliards tandis que la France, et d'autres pays, pensait que qu'avec 913 milliards nous pouvions avoir un volume suffisant, a expliqué M. Hollande. Le montant final est de 908 milliards d'euros. Chacun dira qui a fait le pas le plus grand, a dit M. Hollande. Selon lui, si l'Europe dépense tout ce qui est mobilisé, nous aurons un volume effectif de paiement supérieur à celui de la période précédente, celle des années 2007-2013. Le chef de l'Etat français s'est félicité d'avoir préservé le budget de la Politique agricole commune (PAC), dont la France est le premier bénéficiaire. C'est vrai qu'il y a une diminution de la PAC dans le budget mais elle a été pour l'essentiel préservée. Je considère que sur la priorité que je m'étais donnée, la PAC, l'objectif a été atteint. Concernant la réorientation des dépenses européennes vers la croissance, l'une de ses priorités affichées, la rubrique augmente de 40%, surtout sur les transports, a-t-il précisé.