La production industrielle s'est effritée et les prix ont continué de chuter au Japon en février, ce comme un défi au nouveau Premier ministre Shinzo Abe dont les promesses de relance suscitent l'espoir. Les usines de la troisième puissance économique mondiale ont légèrement moins produit qu'en janvier (-0,1%), a annoncé le ministère de l'Industrie cette semaine, une déception pour le secteur dont les professionnels prévoyaient un mois de février faste, après une progression continue depuis décembre. Elles ont notamment fabriqué moins de semi-conducteurs et d'écrans à cristaux liquides pour appareils nomades (Smartphones, tablettes informatiques) et télévisions. De façon générale, les exportations Made in Japan ont souffert d'une conjoncture mondiale toujours difficile, marquée par la récession en Europe et une croissance mitigée en Chine, malgré un rebond attendu aux Etats-Unis. A domicile, le secteur industriel continue de souffrir de la déflation qui décourage les investissements et incite les consommateurs à repousser leurs achats dans l'espoir de meilleurs prix plus tard. Repli de 0,3% des prix au détail Les prix des télévisions ont par exemple encore chuté en février (-36,2% par rapport à février 2012), comme ceux des climatiseurs (-23,9%), d'après des données officielles publiées. Globalement, le repli des prix au détail (hors produits périssables) a atteint 0,3%, bien qu'il fut réduit par le renchérissement de l'électricité (+3,5%) liée à l'accident nucléaire de Fukushima d'il y a deux ans. Provoquée par un surcroît d'offre par rapport à la demande et une féroce guerre tarifaire entre fabricants, la déflation sévit de façon intermittente depuis une quinzaine d'années et constitue une entrave à la croissance de l'archipel qui vient de sortir de justesse de la récession. Pour tenter de la contrer, le nouveau gouverneur de la Banque du Japon (BoJ), Haruhiko Kuroda, a promis une politique monétaire très accommodante consistant à inonder le circuit financier de liquidités bon marché pour doper l'activité. Mais M. Kuroda, qui va présider mercredi et jeudi sa première réunion de politique monétaire, aura fort à faire pour ne pas décevoir des investisseurs de meilleure humeur ces derniers mois. Le nikkei dopé par les promesses d'Abe "Les attentes des marchés sont telles vis-à-vis du nouveau gouverneur qu'elles seront quasi impossibles à satisfaire", prédit Julian Jessop, analyste chez Capital Economics. L'indice Nikkei de la Bourse de Tokyo s'est envolé de près de 40% depuis début novembre, porté par les promesses de relance du champion de la droite, Shinzo Abe, devenu Premier ministre fin décembre. Depuis lors, il a obtenu de la BoJ, statutairement indépendante, qu'elle élève à 2% son objectif d'inflation annuelle (un horizon que M. Kuroda espère atteindre d'ici deux ans), ce qui a favorisé une chute du yen saluée par les firmes exportatrices. M. Abe, a aussi fait adopter un plan de relance massif, avec l'équivalent de 40 milliards d'euros de dépenses étatiques en travaux publics, qui s'ajoutent à une somme voisine prévue au budget d'avril 2013 à mars 2014 pour le même secteur. Il a promis en outre une série de mesures réglementaires pour doper les entreprises, deux ans après un tsunami qui a fait 19 000 morts dans le nord-est et fortement ralenti l'activité. Cette politique de relance, surnommée "Abenomics" par les médias, a été bien accueillie par les entreprises comme par les particuliers dont le moral a rebondi. Les firmes industrielles espèrent ainsi une progression modérée de leur production en mars et en avril, tandis que les ménages continuent d'élever leurs dépenses (+0,8% en février sur un an). Paradoxalement, la légère hausse du taux de chômage mesurée en février - 4,3% contre 4,2% en janvier - pourrait s'expliquer aussi par ce regain d'espoir: nombre de chômeurs auparavant découragés reviennent sur le marché de l'emploi, ce qui fait mécaniquement remonter le taux officiel. Adoption d'un budget temporaire pour 5O jours, retard de calendrier Le Parlement japonais a adopté un budget temporaire pour couvrir les dépenses du gouvernement central pendant 50 jours, en raison d'un retard du vote de la loi de finances pour l'année budgétaire complète débutant le 1er avril. Cette enveloppe partielle de 13 200 milliards de yens (109 milliards d'euros) a été approuvée avec le soutien de la coalition de droite au pouvoir et de la principale formation d'opposition, le Parti Démocrate du Japon (centre-gauche). L'adoption du budget annuel pour l'exercice complet à cheval sur 2013 et 2014 est retardée du fait d'un changement de gouvernement en décembre dernier, à la suite de la dissolution de la chambre basse mi-novembre et d'élections législatives anticipées un mois plus tard. Ce budget partiel d'urgence vise notamment à prendre en charge les dépenses de soins, les subventions aux collectivités locales et des projets de travaux publics. Un budget temporaire peut être formulé pour assurer les charges nécessaires, telles que la protection sociale, lorsque le budget principal annuel est peu susceptible d'être adopté avant le terme de l'année budgétaire antérieure fixé au 31 mars. Le gouvernement a déjà soumis le mois dernier à la Diète un projet de budget annuel de 92 610 milliards de yens (792 milliards d'euros), mais son adoption n'est guère attendue avant mai. Recul de 15,6% des ventes de véhicules neufs en mars sur un an Les ventes de véhicules neufs au Japon, hors mini-modèles, ont reculé de 15,6% en mars sur un an, du fait de l'arrêt d'un système de subvention public à l'achat de voitures peu gourmandes en énergie, a annoncé hier l'association nationale des concessionnaires. Un total de 420 069 véhicules neufs ont été écoulés dans l'archipel au mois de mars, a précisé l'association dans un communiqué. Les autorités japonaises ont versé pendant une bonne part de l'année 2012 des aides aux acquéreurs de véhicules économes en carburant, ce qui a soutenu les ventes locales du secteur jusqu'à la fin de ce programme en septembre. Depuis, la comparaison des données avec les chiffres dopés de l'an dernier est peu flatteuse. Dans le détail, 369 703 voitures de tourisme ont été écoulés en mars, soit une baisse de 16,7% sur un an. Les ventes de camions et camionnettes ont pour leur part reflué de 6,7%, à 48 282 unités, et celles de bus ont diminué de 15,8% à 2084 exemplaires. Ces chiffres ne comprennent toutefois pas les modèles de moins de 660 cc comptabilisés à part et dont les ventes ont cédé 2,7% en mars sur un an pour s'établir à 247 060 unités. En 2012, grâce aux dispositions particulières prises par l'Etat pour redonner du tonus au secteur de l'automobile affecté par la morosité économique et le séisme du 11 mars 2011, les ventes avaient rebondi de plus de 25%.Cette année, une embellie économique est espérée grâce à des mesures de relance récemment mises en place par le gouvernement de droite arrivé au pouvoir fin décembre. Si leurs effets sont encore incertains, le moral des consommateurs tend déjà à remonter et leur propension à l'achat de biens pourrait suivre. La confiance des grandes firmes manufacturières s'améliore en mars La confiance des grandes firmes manufacturières s'est un peu améliorée en mars, à -8 points contre -12 en décembre, mais reste assez terne dans l'ensemble, a annoncé hier la Banque du Japon via son indice Tankan. Cet indicateur mesure la différence entre le pourcentage de sociétés qui jugent la situation favorable et celles qui l'estiment défavorable. Le résultat de mars signifie qu'une majorité des grandes firmes manufacturières continue de juger la situation de manière défavorable. La conjoncture entourant l'activité industrielle de la troisième puissance économique mondiale s'est légèrement embellie depuis la fin d'année dernière, sur fond de retour au pouvoir des conservateurs dont la rhétorique volontariste exerce une certaine force d'entraînement. Dopés entre autre par un rebond de l'activité aux Etats-Unis, les constructeurs d'automobile ont ainsi vu leur confiance bondir (+19 points par rapport à décembre, à +10 points). D'autres secteurs ont aussi engrangé un regain de confiance, comme les industries pétrolières (+13 points, à +13) et la filière bois (+17 points, à +30). Depuis son élection en décembre, le nouveau Premier ministre de droite Shinzo Abe a fait adopter un plan de relance massif et promis d'élever le potentiel de croissance du Japon via diverses mesures (changements réglementaires pour les entreprises, négociations de libre-échange). M. Abe a enfin exigé, et obtenu, de la Banque du Japon (BoJ) qu'elle élève à 2% son objectif d'inflation annuelle, ce qui a favorisé une chute du yen saluée par les groupes exportateurs. Le Japon est néanmoins resté en déflation en ce début d'année, ce qui pèse sur les perspectives de bénéfices des entreprises et sur la consommation des consommateurs, et in fine sur le moral des entrepreneurs. En outre, la croissance chinoise n'a pas redécollé aussi vite qu'espéré. Les producteurs d'acier (-10 points par rapport à décembre, à -38) et de machines industrielles (-3 points, à -21 points) en ont subi les conséquences. La crise d'endettement, l'austérité et la récession en Europe limitent de surcroît les débouchés des produits Made in Japan sur le vieux continent. Autre enseignement du Tankan, la confiance des grandes entreprises manufacturières pourrait remonter plus franchement d'ici à juin (+7 points, à -1), d'après une enquête auprès d'elles. Parmi les autres résultats notables de l'étude, la confiance des grandes entreprises non-manufacturières a légèrement remonté (+2 points, à +6 points). Secteurs manufacturiers et non-manufacturiers confondus, la confiance des grandes entreprises japonaises a un peu augmenté (+2 points, à -1). Tous secteurs cumulés, les entreprises de taille moyenne ont aussi vu leur moral légèrement s'améliorer (+2 points, à -3), tout comme les petites firmes (+2 points, à -12). Toutes tailles et activités confondues, la confiance des entreprises japonaises a très légèrement augmenté (+1 point, à -8). Statutairement indépendante, la BoJ subit la pression du gouvernement pour faire sortir au plus vite le Japon de cette spirale de baisse des prix, qui entrave son activité de façon chronique depuis une quinzaine d'années. L'institut d'émission réunit mercredi et jeudi son comité de politique monétaire pour la première fois depuis l'arrivée d'Haruhiko Kuroda, devenu son gouverneur le 20 mars en remplacement de Masaaki Shirakawa. L'enquête Tankan de la BoJ a été conduite du 25 février au 29 mars, auprès d'un total de 10.698 entreprises de toutes tailles et secteurs.