L'annonce par le président russe Vladimir Poutine, d'un projet de renforcement du gazoduc Iamal Europe reliant la Russie à la Pologne via le Bélarus a ouvert un débat à Varsovie sur les motivations politiques et économiques de cette initiative, la Russie ayant tendance à multiplier les initiatives pour acheminer son gaz vers l'Europe en évitant l'Ukraine. Il faut voir de quoi il s'agit. Est-ce qu'il s'agit d'un gazoduc traversant la Pologne et évitant l'Ukraine? La Pologne reste très prudente en observant les échanges de coups entre la Russie et l'Ukraine. “Nous ne voudrions pas nous laisser impliquer de cette manière dans un conflit plus important”, a déclaré jeudi le ministre de l'Economie Janusz Piechocinski. En froid depuis des années avec l'Ukraine concernant les prix du gaz russe vendu à Kiev, la Russie a lancé plusieurs projets lui permettant d'acheminer son gaz vers l'Europe en contournant son voisin, dont les gazoducs Nord Stream et South Stream. L'Ukraine a pris alors des initiatives destinées à contrer le monopole russe, dont le contrat signé avec l'anglo-néerlandais Shell sur l'exploration de gaz de schiste et l'achat de gaz à l'allemand RWE. Mercredi, le ministre polonais du Trésor Mikolaj Budzanowski a accueilli froidement les propos de Vladimir Poutine. La décision de construire (en Pologne) un gazoduc de transit sera prise de façon souveraine par le gouvernement polonais et l'opérateur polonais des gazoducs, a martelé le ministre, en soulignant que la construction d'un nouveau gazoduc peut être réalisée uniquement par un investisseur appartenant à l'Etat polonais. Cependant, M. Piechocinski y a apporté quelques nuances. Si on revenait à la conception de construction d'un gazoduc de transit Est-Ouest, la Pologne devrait y exprimer son grand intérêt parce que le transit nous rapporterait de l'argent, a déclaré le ministre de l'Economie à la radio publique Jedynka. Il a rappelé que la Pologne avait déjà commencé à investir dans ce projet dont elle a longtemps été partisane, avant qu'il ne tombe dans l'oubli. Les propositions russes ont au moins 12 ans de retard, a estimé Andrzej Szczesniak, analyste des marchés gazier et des carburants, cité par le quotidien Rzeczpospolita. Et, selon M. Piechocinski, en ce moment, ni l'économie européenne ni (en particulier) la Pologne ne signalent une demande croissante pour le gaz russe. M. Piechocinski va rencontrer la semaine prochaine le chef de Gazprom Alexeï Miller, lors d'un sommet des pays riverains de la Baltique, à Saint-Pétersbourg. J'espère obtenir des informations plus complètes que les déclaration du président Poutine, a-t-il indiqué. Le chef de l'Etat russe a demandé mercredi à Gazprom de construire une deuxième branche à son gazoduc Iamal Europe, ce qui pourrait augmenter de près de 50% les capacités du tuyau, et devrait rendre plus fiables les livraisons de gaz vers la Pologne, la Slovaquie et la Hongrie. Commencé en 1994, d'une longueur de plus de 2 000 kilomètres, Iamal Europe alimente via le Belarus puis la Pologne le marché européen, dont Gazprom assure le quart de la consommation. Il a atteint en 2006 sa capacité actuelle de 32,9 milliards de mètres cubes par an. La Pologne consomme environ 14 milliards de mètres cubes de gaz par an. Ses propres réserves, environ 95,5 milliards de mètres cubes, lui permettent de couvrir 30% de ses besoins. Plus de 60% du gaz qu'elle consomme sont importés de Russie et de petites quantités d'autres pays. Décidée à diversifier ses sources d'approvisionnement pour réduire sa dépendance du gaz russe, Varsovie a lancé la construction d'un terminal maritime de gaz liquéfié (GNL), d'un système développé de gazoducs internes, d'interconnexions aux systèmes gaziers des pays voisins et de réservoirs de gaz. La Pologne compte également sur ses gisements de gaz de schiste. Selon les estimations optimistes, le pays pourrait devenir dans les prochaines années un important exportateur de gaz.