Le pétrole brut extrait des réserves sud-soudanaises transite à nouveau par le Soudan, après plus d'un an d'une interruption en raison d'un désaccord entre les deux pays, ce qui a fait perdre des milliards de dollars à Juba et à Khartoum. Le premier envoi de pétrole est déjà arrivé hier (samedi) sur le sol soudanais, a déclaré, avant-hier, le sous-secrétaire du ministère, Awad Abdul Fatah, précisant qu'il s'agissait encore d'une petite quantité destinée à tester le bon fonctionnement des installations. Le Soudan du Sud, qui a hérité de 75% des réserves de pétrole lors de la partition mais dépend des infrastructures soudanaises pour exporter son or noir, avait repris en grande pompe début avril sa production de brut, dont la Chine est le principal client. Juba avait interrompu début 2012 cette production, qui représentait pourtant 98% des recettes du pays, parce que Khartoum effectuait des prélèvements en nature sur son brut au titre des droits de passage, faute d'un accord sur leur montant. Le pétrole est arrivé dans un réservoir en territoire soudanais depuis le bloc 5A, situé près de Bentiu, non loin de la frontière. Ce bloc est exploité par Sudd Petroleum Operating Company (SPOC), une joint-venture entre le Malaisien Petronas et le gouvernement sud-soudanais, a précisé M. Fatah. Ils ont déjà extrait ce pétrole et l'ont envoyé vers le réservoir d'exportation côté soudanais, a-t-il ajouté, expliquant que si tout se passait bien, le pétrole pourrait rejoindre dans une semaine le principal oléoduc, où il lui faudrait environ 45 jours pour parcourir 1 500 km jusqu'au terminal de Port-Soudan, sur la mer Rouge. Nous sommes vraiment pressés de faire les choses vite, des deux côtés, a assuré M. Fatah. Nous voudrions que l'argent arrive dans nos caisses dès que possible. Selon lui, Port-Soudan devrait d'abord recevoir environ 10 000 barils par jour (bj). Ils seront stockés avant d'être chargés à bord d'un pétrolier d'une capacité de plus de 600 000 barils. L'opération commence lentement parce qu'ils ne peuvent pas ouvrir en même temps les milliers de puits, a expliqué le responsable soudanais. Le gros de la production doit reprendre dans d'autres champs du nord-est du Soudan du Sud, et est attendu dans deux ou trois semaines à la frontière soudanaise. Le premier bateau devrait partir en juillet, et les recettes sont attendues environ 40 jours plus tard. Lors de nouvelles négociations en mars sous l'égide de l'Union africaine à Addis Abeba, les deux Soudans se sont finalement mis d'accord sur un calendrier pour refaire circuler le pétrole et régler d'autres différends, après des mois d'affrontements sporadiques à la frontière. Signe de la réalité de cet apaisement, le président soudanais Omar el-Béchir a effectué vendredi une courte visite à Juba, sa première depuis celle menée à l'occasion de l'indépendance du Soudan du Sud en juillet 2011, à l'issue d'une guerre civile dévastatrice (1983-2005, 2 millions de morts). Si la suspension de la production a privé Juba de la quasi-totalité de ses revenus, la partition a fait perdre à Khartoum la majeure partie de ses revenus d'exportation et la moitié de ses recettes budgétaires, faisant fondre les réserves de change du pays, plonger sa monnaie et exploser l'inflation. La reprise de la production et des exportations, estimées entre 250 000 et 350 000 bj une fois atteint leur rythme de croisière, rapportera des milliards d'euros au Soudan du Sud, mais en vertu de l'accord d'Abbis Abeba, le Soudan doit percevoir entre 1 milliard et 1,5 milliard de dollars par an de frais de passage, estime un économiste international.