Confrontée à un mouvement de protestation historique, la présidente brésilienne Dilma Rousseff a pris une initiative forte en proposant de soumettre à référendum une "réforme politique" profonde du pays par le biais d'une "assemblée constituante spécifique". Lors d'une réunion, avant-hier, à Brasilia devant les 27 gouverneurs du pays, et 26 maires des plus grandes villes, elle a également annoncé l'injection de 18,5 milliards d'euros pour améliorer les transports publics, principal cheval de bataille des manifestants, et la mise en chantier de pactes contre la corruption, en faveur de l'éducation, de la santé et de la stabilité économique, via un contrôle budgétaire et de l'inflation. Le coût et l'indigence des transports urbains embrasent depuis deux semaines le grand pays émergent d'Amérique latine, en pleine Coupe des confédérations de football et des préparatifs coûteux pour accueillir le Mondial l'an prochain. Mme Rousseff avait auparavant reçu une délégation de représentants du mouvement qui se sont félicités du "dialogue" noué avec le pouvoir tout en annonçant qu'ils allaient continuer "la lutte pour des transports gratuits". "Je veux proposer un débat sur la convocation d'un référendum populaire qui autorise le fonctionnement d'un processus constituant spécifique pour mener la réforme politique dont le pays a tant besoin", a déclaré Mme Rousseff, candidate à un second mandat en 2014. "Le Brésil est mûr pour avancer (...), il est temps de sortir de l'impasse", a-t-elle dit en rappelant que toutes les tentatives antérieures de réforme politique ont avorté. Deux dates sont envisagées pour le référendum: le 7 septembre, date de l'indépendance du Brésil, et le 15 novembre, anniversaire de la proclamation de la République, a indiqué après la réunion le ministre de l'Education, Aloisio Mercadante. C'est "le Congrès qui dira sous quelle forme se fera" l'assemblée constituante spécifique" proposée par la présidente, a-t-il ajouté. Lignes de métro et combat contre la corruption "C'est incroyable, c'est une des propositions les plus folles que j'ai entendues jusqu'à présent", a réagi le leader de l'opposition au Sénat, Aloysio Nunes, du Parti social-démocrate brésilien (PSDB). "Elle aurait dû parler de ses propositions au lieu de prendre la tangente en lançant une proposition destinée à tomber dans le vide", a-t-il ajouté. Le leader de la coalition de la majorité au Sénat, Eduardo Braga, du PMBD, a au contraire évoqué "un pas en avant", "une proposition intéressante", mais a souligné attendre d'"en connaître les détails". Dilma Rousseff n'a pas précisé quel type de réforme politique elle envisageait. Selon les médias brésiliens, celle-ci pourrait inclure une réforme du financement des campagnes électorales, voire du système électoral à la proportionnelle qui empêche de dégager des majorités claires au Parlement et oblige les partis présidentiels successifs à nouer des alliances avec une nébuleuse d'alliés de circonstance, au prix de blocages, voire de compromissions. Outre la réforme politique, Mme Rousseff a annoncé que "le gouvernement destinera 50 milliards de reais (18,5 milliards d'euros) à de nouveaux investissements en travaux de mobilité urbaine" pour assurer un "saut qualitatif" des transports en commun, en privilégiant la construction de lignes de métro. Elle a encore promis de livrer un combat "tranchant" contre la corruption via une criminalisation de ce fléau qui ronge le pays, assortie de "peines sévères". Elle a réitéré sa volonté de faire voter l'attribution de 100% de la manne pétrolière à l'éducation, et d'augmenter substantiellement les places d'étudiants en médecine et d'internes d'ici 2017, tout en ayant recours à des médecins de l'étranger pour parer à "l'urgence". De nouvelles marches ont eu lieu, avant-hier, dans huit capitales d'Etats du Brésil, dont Porto Alegre (10 000 manifestants), Sao Luis (7 000) et Rio de Janeiro (2 000).