Fitch Ratings a privé, avant-hier, la France de son dernier AAA, la notation la plus élevée des émetteurs sur les marchés de la dette, en invoquant des perspectives économiques "nettement plus faibles" que lors de son dernier examen de la situation hexagonale en décembre dernier. Dans un communiqué, l'agence souligne notamment que les niveaux de dette publique française attendus pour 2014 et au-delà ne sont plus compatibles avec le maintien d'une note AAA, les efforts du gouvernement pour le réduire se heurtant à la conjoncture difficile. Elle a réduit en conséquence sa note à "AA+", avec une perspective stable, alors que les deux autres grandes agences de notation, Standard & Poor's et Moody's, ont inscrit une perspective négative quand elles ont dégradé d'un cran le AAA de la France, en janvier 2012 pour la première, en novembre pour la seconde. Dans un communiqué, le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, a pris acte de la décision de Fitch, tout en réaffirmant la "détermination du gouvernement à poursuivre la réduction des déficits publics, le rétablissement de la compétitivité et le redressement de l'économie française pour soutenir la croissance et l'emploi". "La dette française est parmi les plus sûres et les plus liquides au sein de la zone euro, bénéficiant de taux historiquement bas, preuve de la confiance réaffirmée des investisseurs. Cette confiance renforce la conviction du gouvernement que sa stratégie est la bonne", a-t-il ajouté. Outre l'environnement économique déprimé, Fitch souligne que l'économie française est confrontée à plusieurs difficultés structurelles, "en particulier un déclin de la compétitivité et de la rentabilité des entreprises, ainsi que des rigidités persistantes dans le marché du travail et celui des biens et services", qui pèsent sur ses perspectives à moyen terme. Cette dégradation est de nature à accroître encore la pression sur le gouvernement de François Hollande au moment où il est en plein arbitrage pour un budget 2014 difficile et prépare pour la rentrée une réforme des retraites qui suscite d'importantes réserves sur sa gauche.
Réveil tardif Des rumeurs de dégradation de la note de la dette française avaient circulé sur les marchés vendredi dans l'après-midi, un trader obligataire déclarant : "L'avantage d'une dégradation de la note de la France aujourd'hui, c'est que le discours du 14 juillet de Hollande pourrait être intéressant sur les réformes à mener pour rétablir les finances publiques." Marc Touati, économiste et président du cabinet ACDEFI, a estimé que, venant un an et demi après Standard & Poor's et un an après Moody's, la décision de Fitch témoigne d'un "réveil bien tardif". Sur des marchés très peu actifs vendredi en début de soirée, le rendement de la dette française à dix ans était inchangé à 2,19%, un niveau qui reste proche de ses plus bas historiques (1,65% début mai), l'écart avec les titres allemands de maturité équivalente se situant à 63 points de base, contre 62 la veille. Selon Fitch, l'Etat français continuera à se financer sur les marchés à des taux d'intérêt faibles. L'agence a expliqué prévoir désormais que l'endettement brut de l'Etat français culminera à 96% du PIB en 2014, soit plus que les 94,3% figurant dans le programme de stabilité 2013-2017 actualisé en avril par le gouvernement, avant de baisser progressivement jusqu'à 92% en 2017. Elle tablait lors de sa dernière révision en décembre sur un rapport dette publique/PIB montant jusqu'à 94% avant de revenir à moins de 90% en 2017 et rappelle qu'elle avait observé alors que cela représentait la limite d'un endettement compatible avec un rating AAA. Fitch reconnaît que ses chiffres se situent dans le bas de la fourchette des estimations "en raison des incertitudes concernant les perspectives de croissance et la persistance de la crise de la zone euro, même si le gouvernement maintient ses objectifs de consolidation budgétaire." L'agence prévoit ainsi une contraction de 0,3% du PIB français cette année et un rebond limité à 0,7% l'an prochain, avant 1,2% en 2015, l'économie devant ensuite converger selon elle en 2016 vers un taux de croissance moyen de 1,5%, des prévisions qui sont toutes moins optimistes que celles du programme de stabilité.