La zaouïa des Beni Abbès, située dans la commune de Menaâ (Batna), constitue un des plus anciens et des plus importants lieux de pratique religieuse et de savoir dans la wilaya des Aurès. Fondée vers l'an 1660 par Sidi Boubaker Ibn Sidi Mohamed El Akbar, un homme mystique originaire de Marrakech (Maroc), cette zaouïa, selon son Mokadem actuel, Abdelmalek Benabbas, est l'une des plus vieilles de la région et l'une des toutes premières d'Algérie, s'attachant directement à la tariqâ (voie soufie) Kadiria. Sidi Boubaker avait choisi d'établir sa zaouïa sur un site qui accueillera, plus tard, la première extension de la petite agglomération de Menaâ. La demeure qu'il bâtit à l'est de l'ancienne cité de Menaâ, au milieu de maigres pâturages, était appelée Dar Ech-Cheikh. Une architecture sobre pour un lieu chargé d'histoire .La mosquée de Sidi Bel Abbès Ibn Sidi Mohamed El Asghar a été fondée, quant à elle, sur de vieilles ruines romaines vers 1700, devenant un important lieu de savoir, d'enseignement du Saint Coran, du Hadith et des sciences religieuses. Appelée "Moul essbil", elle fut également connue pour être un refuge pour les nécessiteux et les voyageurs. Ses cheikhs étaient sollicités pour arbitrer les litiges et les conflits. La zaouïa a conservé, au travers des siècles, sa place dans les cœurs des habitants de la région. Son architecture très sobre en fait un monument-témoin d'un passé chargé d'histoire et de dévotion à Dieu et à son Prophète Mohamed (QSSSL).
Ahmed Bey, l'hôte de marque Selon des documents historiques et des manuscrits encore conservés dans la zaouïa, Ahmed Bey, dernier bey de Constantine, s'était réfugié dans cette zaouïa en 1839, soit deux années après la prise de Constantine par l'armée d'occupation française. Il y fut accueilli avec sa famille par le cheikh Sidi Mohamed Ibn Sidi Ben Abbas qui lui apporta tout le soutien ainsi qu'à ses combattants. Ahmed Bey fréquenta par intermittence, pendant trois années, cette zaouïa. Il s'y fit soigner pendant toute une année lorsque sa maladie empira. Il y enterra même ses deux fils Mohamed et Mahmoud précocement fauchés par la mort à l'âge de 13 et de 5 ans. Leurs tombeaux se trouvent à ce jour aux côtés de ceux des saints cheikhs de la zaouïa. Selon l'imam de la mosquée de la zaouïa, cheikh Saïd Aksa, la zaouïa était vénérée par la population des Aurès et respectée par l'autorité ottomane en raison de sa grande influence religieuse. Elle fut aussi un centre de résistance à l'occupation française accueillant, entre beaucoup d'autres, l'un des successeurs de l'Emir Abdelkader dans le combat, Cheikh Mohamed Seghir Ben Ahmed Ibn El Hadj. Harcèlements vains de l'administration coloniale Selon Abdelmalek Benabbas, les harcèlements ininterrompus de l'administration coloniale, dont la confiscation de ses biens Habous qui s'étendaient jusqu'à Biskra, n'ont pas empêché la zaouïa de poursuivre ses missions spirituelles, éducatives et sociales. Les occupants français avaient fait construire en 1915 une école à l'intérieur de la zaouïa, à moins de 30 mètres de sa mosquée, pour mieux épier ses cheikhs et ses fidèles. Après l'indépendance, les activités de la zaouïa ne s'arrêtèrent que durant la décennie noire pour reprendre de nouveau en 2005. Elle s'attache actuellement à la tariqâ Tabiïya dont la zaouïa mère est à Annaba et accueille annuellement, les 14 et 15 juin, une rencontre régionale de la tariqâ réunissant quelque 250 fidèles de 16 wilayas. La zaouïa de Menaâ assure actuellement l'enseignement du Saint Coran et conserve de nombreux manuscrits de grande valeur. Monument de l'histoire de la résistance nationale, elle reçoit la visite de centaines de personnes des Aurès et de plusieurs wilayas du pays.