Cinquante ans après l'Indépendance, l'Algérie connaît un nouvel été de la discorde, une polémique sur l'orientation économique du pays. Les uns assimilent l'intervention de l'Etat à une tentative de pérenniser le système rentier et à un recul démocratique à base islamo-conservatrice, les autres espèrent un retour à un âge d'or du développement et la prise en compte des forces liées à la production. Alors que tant de monde parle de rente, il apparaît que les intérêts liés au capital spéculatif dominent la structure économique algérienne. De ce fait, les participants à la rencontre sur le thème "Le Sud, quelles alternatives ?" ont mis en garde, jeudi à Alger, contre la domination du capital spéculatif dans le développement des pays appelés groupe du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Ils ont appelé, à l'occasion de cette rencontre qu'abrite la Bibliothèque nationale du 25 au 30 septembre, plutôt à suivre un développement basé sur des "réformes mesurées", fondées sur un capital à même d'encourager les investissements et la prospérité. En ce sens, Paulo Nakatani, professeur agrégé à l'Université fédérale d'Espirito Santo au Brésil, a mis en garde contre l'impact des entrées de capitaux dans l'économie du Brésil à la lumière de la croissance du "capital fictif international", estimant que cela expose dangereusement l'économie du pays aux mouvements brusques des capitaux internationaux, notamment en cas d'aggravation de la crise mondiale. Pour ce cet universitaire, le Brésil au même titre que les autres pays du BRICS, est dans une phase dominée par le "capitalisme parasitaire". Dans le même sillage, Ahmad Aijaz (Inde) enseignant dans des universités aux Etats-Unis d'Amérique et au Canada, a estimé que le BRICS devait constituer un bloc "alternatif" au bloc dominant (l'Occident), regrettant que les pays du BRICS aient demandé aux Etats-Unis d'Amérique d'injecter davantage d'argent afin de stabiliser la situation sociale dans ces pays. Il a aussi relevé le "paradoxe" du BRICS constitué, a-t-il dit, de deux anciens pays socialistes (Chine et Russie) et de trois autres pays ayant hérité de mouvements antiimpérialiste et anti-colonialistes (Inde, Afrique du Sud et Brésil). De son côté, la sociologue chinoise, Aiguo Lu, a indiqué que les réformes initiées par son pays dans les années 1970 ont pu maintenir un taux de croissance de 10%, sans faire reculer pour autant le taux de pauvreté. Elle a relevé à cet effet que le budget réservé par le gouvernement chinois pour la préservation de la paix sociale, du fait de l'accumulation des conflits sociaux, dépasse celui alloué au secteur de la Défense nationale. Mme Lu a fait observer en outre que la Chine est devenue un grand pays consommateur de biens de luxe, au moment où le pays occupe la deuxième place mondiale après l'Inde, en matière du taux de pauvreté qui touche la population. Relevant que la Chine est sur la voie du néolibéralisme depuis une vingtaine d'années, elle a préconisé de repenser les réformes politiques et économiques à même de permettre un développement plus mesuré, assorti d'une stabilité freinant l'accroissement du fossé entre les riches et les pauvres, a-t-elle dit. De son côté, Mohamed Bouhamidi (écrivain journaliste) a comparé la situation actuelle des pays du BRICS et du néolibéralisme à l'empire romain qui s'était effondré sous le poids des impôts, expliquant qu'en accentuant la pression sur la population pour payer davantage d'impôts, l'empire avait entretenu la protestation populaire qui avait fini par l'emporter. S'en prenant au néolibéralisme, M. Bouhamidi, qui a enseigné la philosophie à l'Université d'Alger, a illustré ses propos par la "prospérité" promise après la chute du mur de Berlin qui allait éliminer la "menace" de l'ex-Union soviétique et du communisme, pour donner par la suite plus de stabilité aux sociétés occidentales, a-t-il dit. Il a indiqué que la chute du mur de Berlin a provoqué le déclin et la régression du caractère révolutionnaire, suivie des guerres en ex-Yougoslavie, l'Irak, la Libye..., menée par l'impérialisme contre le reste du monde. M. Bouhamidi a encore relevé que les réformes menées sur fond de crise du capitalisme à travers le monde, visent à créer dans divers pays des élites mondialisées dont la principale mission consiste à légitimer la nouvelle bourgeoisie. La rencontre "Le Sud, quelles alternatives ?" entre dans le cadre de la célébration du 50e anniversaire de l'Indépendance. Elle réunit des penseurs de 25 pays, engagés et connus pour leurs publications et leur rôle d'animateurs de centres de recherches "influents". La rencontre est organisée par l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC), les éditions APIC et le ministère de la Culture, en collaboration avec le Forum mondial des alternatives (FMA) et le Forum du tiers-monde (FTM). Elle intervient à un moment de questionnements théoriques pressants sur l'avenir du monde, dans des directions associant le progrès social, l'invention des formes de la démocratisation et l'affirmation des souverainetés nationales, relèvent ses organisateurs. Ainsi, il est clair que la dominance de la mentalité spéculative se répercute négativement sur le développement dans la mesure où pour tout développement fiable le capital argent doit se transformer en capital productif. Ce qui m'amène à analyser cette concentration également excessive du revenu spéculatif au niveau mondial.