L'hypothèse d'un blocage sur la dette aux Etats-Unis faisait craindre, avant-hier, un défaut de paiement aux conséquences encore plus graves que la crise de 2008, au moment où la paralysie fédérale entrait dans sa troisième journée sans espoir de résolution rapide. "Le marché du crédit pourrait se geler, la valeur du dollar plonger et les taux d'intérêt américains monter en flèche conduisant à une crise financière et à une récession qui rappelleraient les événements de 2008, voire pire", a averti jeudi le Trésor américain dans un rapport, à deux semaines de la date butoir du 17 octobre. Le Congrès, qui a échoué à donner un budget aux Etats-Unis, doit s'entendre pour relever le plafond de la dette sous peine d'un défaut de paiement "potentiellement catastrophique", selon le Trésor. Le président Barack Obama a fait part de son exaspération mercredi, et l'ensemble de son administration se mobilisait pour sonner l'alarme. "Quand on se retrouve dans une situation où une faction est prête à potentiellement provoquer un défaut sur les obligations américaines, on est en danger", a-t-il averti. La faction en question s'appelle le Tea Party et a montré son intransigeance dans les semaines qui ont conduit à la première fermeture partielle des agences fédérales depuis Noël 1995. Sous sa pression, le groupe républicain avait conditionné tout accord budgétaire au sabordage de la grande réforme de l'assurance maladie promue par Barack Obama. Depuis mardi à 00H00, faute de crédits, les administrations fédérales sont réduites au minimum vital, et environ 40% des fonctionnaires fédéraux sont au chômage technique, leur paie suspendue à un éventuel accord au Congrès, selon le site spécialisé GovExec. La nouvelle stratégie des républicains, qui contrôlent la moitié du Congrès et disposent ainsi d'un pouvoir de blocage, consistait à tenter de rouvrir les agences fédérales une par une, pour atténuer la "douleur" de la paralysie là où elle commençait à provoquer un scandale. Mercredi, la Chambre a donc adopté des mesures pour mettre fin à la fermeture des parcs, musées et monuments nationaux, et permettre la remise en marche des Instituts nationaux de la santé (NIH), où des projets de recherche expérimentaux contre des maladies graves sont menés. Les réservistes de l'armée et les services d'aides aux anciens militaires devaient suivre avant-hier. Mais le Sénat devrait rejeter cette approche "par morceaux" et Barack Obama a répété qu'il n'avait aucune intention de négocier. Il continue d'exiger une réouverture immédiate, et totale, de l'Etat fédéral. Une rencontre de plus d'une heure à la Maison-Blanche mercredi entre le président et les chefs de file du Congrès n'a pas fait bouger les lignes. "Le président a répété une nouvelle fois qu'il ne voulait pas négocier", s'est plaint le président républicain de la Chambre, John Boehner.
Un grand compromis Au-delà de la paralysie fédérale, le monde a désormais les yeux fixés sur le 17 octobre. "La paralysie budgétaire est déjà assez néfaste mais l'incapacité de relever le plafond de la dette serait pire encore, et pourrait non seulement gravement endommager les Etats-Unis mais également l'ensemble de l'économie mondiale", a averti Christine Lagarde, directrice du Fonds monétaire international, avant-hier lors d'un discours à Washington. Des élus républicains estimaient cependant qu'il était illusoire de vouloir négocier un budget temporaire indépendamment de l'échéance sur le plafond de la dette. Les démocrates, tout en disant refuser de négocier sur la crédibilité financière américaine, ont laissé la porte ouverte à un éventuel "grand compromis". "Si tout est sur la table, tout est sur la table y compris le plafond de la dette", a déclaré mercredi Charles Schumer, le numéro trois des démocrates du Sénat. "Si nous pouvons tout résoudre en une seule fois, c'est beaucoup mieux". La crise a eu des répercussions sur l'agenda international de M. Obama, qui a annulé mercredi une visite prévue le 11 octobre en Malaisie et une autre aux Philippines. Le doute plane en outre sur la présence du président à deux sommets internationaux, celui de l'Apec (Asie-Pacifique) lundi à Bali (Indonésie), et celui d'Asie de l'Est, programmé dans la foulée à Brunei.
Obama s'en prend directement au président républicain de la Chambre Barack Obama s'en est directement pris au président républicain de la Chambre des représentants John Boehner pour la paralysie de l'Etat provoquée selon lui depuis trois jours par ses troupes. " Votez (un budget), arrêtez cette comédie et mettez fin à cette paralysie ! " a lancé le président des Etats-Unis lors d'une intervention dans une PME de Rockville (Maryland), dans la banlieue nord-ouest de Washington. " La seule chose qui paralyse l'Etat, la seule chose qui empêche les gens de revenir travailler, la recherche fondamentale de redémarrer et les PME d'obtenir des prêts (...) la seule chose qui empêche cela de se produire dans les cinq prochaines minutes est que John Boehner ne veut même pas autoriser un vote sur le projet de loi (d'orientation budgétaire), parce qu'il ne veut pas s'aliéner les extrémistes dans son parti ", a encore dit Obama. M. Boehner, qui a rencontré M. Obama avec les autres chefs de file du Congrès mercredi soir à la Maison- Blanche, avait ensuite déploré que le président ait répété une nouvelle fois qu'il ne voulait pas négocier. Les troupes de M. Boehner, opposées à la réforme de l'assurance-maladie promulguée par M. Obama en 2010 et dont un volet crucial est entré en vigueur mardi, refusent de voter un budget qui n'en supprimerait pas le financement. Ces élus ont aussi menacé de lier cette question à celle du relèvement du plafond de la dette, nécessaire selon le Trésor d'ici au 17 octobre. Si le Congrès n'y donne pas son feu vert, les Etats-Unis risqueront de se retrouver en défaut de paiement à partir de cette date, une situation sans précédent. Avant-hier, à Rockville, M. Obama a encore une fois affirmé qu'il ne céderait pas aux demandes de rançon des républicains et exclu de négocier sur le plafond de la dette.
Report de la publication des chiffres du chômage La publication des chiffres du chômage aux Etats-Unis en septembre, qui devait avoir lieu hier, est repoussée en raison de la paralysie budgétaire dans le pays, a annoncé le ministère du Travail. Ce report est lié à un manque de financement de l'Etat fédéral et aucune nouvelle date de publication de cet indicateur-clé n'a pour l'heure été fixée, a indiqué le ministère dans un communiqué. Depuis mardi, les Etats-Unis ont fermé les services non-essentiels de l'administration et mis au chômage technique des centaines de milliers de fonctionnaires faute d'un accord sur le budget au Congrès, divisé entre républicains et démocrates. Les chiffres du chômage sont notamment scrutés par la Banque centrale américaine (Fed) pour décider du moment opportun de réduire ses injections massives de liquidités dans le circuit financier. En août, le taux de chômage aux Etats-Unis a légèrement baissé (-0,1 point) pour s'établir à 7,3% de la population active. Selon un rapport publié mercredi par l'institut privé ADP, les créations d'emplois dans le secteur privé se sont légèrement accélérées en septembre, à 166.000 contre 159 000 en août.
Baisse de l'activité dans les services en septembre L'activité dans les services a reculé en septembre aux Etats-Unis, et davantage que prévu par les analystes, selon l'indice des directeurs des achats de cette branche de l'économie publié par l'association professionnelle ISM. L'ISM non-manufacturier s'est établi à 54,4% en septembre, marquant une baisse de 4,2 points de pourcentage par rapport à août, alors que les analystes s'attendaient à un recul de l'indicateur moins marqué, à 57,2%. Il s'agit de son plus bas niveau depuis juin, indique ISM dans un communiqué. L'indice ISM mesure la perception que les directeurs d'achats ont de la conjoncture dans le secteur. Son indicateur "non-manufacturier" englobe les services au sens large puisqu'il prend en compte en plus du secteur tertiaire l'agriculture, la construction et les services d'utilité publique comme l'eau et l'électricité. Le recul de septembre "témoigne de la poursuite d'une croissance à un rythme plus lent dans le secteur non-manufacturier", souligne le communiqué. Parmi les composantes qui forment l'ISM services, celle qui mesure la production et l'activité a baissé de 7,1 points par rapport à août, l'emploi de 4,3 points et les livraisons des fournisseurs de 4,5 points.