La Chambre des représentants américaine a voté, avant-hier, un budget temporaire pour éviter une "fermeture" partielle de l'Etat fédéral au 1er octobre et afin de le financer jusqu'au 15 décembre. Cette mesure symbolique vise à saper la réforme de la santé du président Barack Obama. Le projet de budget temporaire, adopté par 230 voix contre 189, n'a en réalité aucune chance d'être adopté en l'état par le Sénat, contrôlé par les alliés démocrates du président. Le texte de la Chambre des représentants, à majorité républicaine, contient une clause supprimant les financements nécessaires à la mise en place, dès le 1er octobre, d'un volet central de la réforme de la santé de 2010. Ce chapitre permet aux Américains sans couverture maladie d'en souscrire une subventionnée par l'Etat fédéral. Les sénateurs devraient, d'ici la semaine prochaine, rétablir ces crédits. Un texte commun doit impérativement être adopté avant le début de l'exercice budgétaire 2014 fixé au 1er octobre. Otage du Tea Party Lier la suppression des crédits de la réforme de la santé et le budget fédéral était une condition de la frange ultra-conservatrice du groupe républicain de la Chambre des représentants, qui a forcé le président de cette assemblée, le républicain John Boehner, à l'inclure dans le projet de budget de deux mois et demi. Barack Obama a immédiatement réagi, exhortant ses adversaires républicains à relever le plafond légal de la dette. Lors d'un discours au ton offensif dans le Missouri (centre), le président a critiqué "le comble de l'irresponsabilité" que constituerait, selon lui, le refus des élus de procéder à ce vote, et a rejeté toute concession sur la réforme de l'assurance maladie visée par les conservateurs. A moins d'un accord d'ici dix jours, des centaines de milliers de fonctionnaires jugés non essentiels pourraient être renvoyés chez eux sans paie, un scénario rare, vu pour la dernière fois aux Etats-Unis à Noël 1995.
La bataille sur la dette et le budget, un risque pour l'économie Le président de la Réserve fédérale américaine Ben Bernanke a insisté sur les risques que fait peser sur l'économie des Etats-Unis l'éventualité d'un bras de fer prolongé entre l'administration et le Congrès sur le budget et la dette. Une fermeture des services non essentiels de l'Etat fédéral (un "shutdown") et un défaut de paiement des Etats-Unis "pourraient avoir de très graves conséquences pour l'économie et les marchés financiers", a déclaré le président de la Fed, Ben Bernanke lors d'une conférence de presse à l'issue d'une réunion du Comité de politique monétaire de la banque centrale. "C'est un des facteurs que nous avons considéré", a ajouté M. Bernanke alors que la Fed a décidé de poursuivre en l'état son soutien massif à l'économie, en achetant pour 85 milliards de dollars par mois de bons du Trésor et titres hypothécaires. "La politique de la Fed est de faire tout ce qu'elle peut pour maintenir l'économie sur une trajectoire stable". "Cela étant dit, notre capacité à contrecarrer ces chocs est très limitée, particulièrement pour le plafond de la dette", a prévenu le président de la Fed. "Il est de la plus grande importance que le Congrès et l'administration travaillent ensemble à trouver un moyen de s'assurer que le gouvernement soit financé, qu'il paye ce qu'il doit et que nous évitions le genre d'événements intervenus en 2011", a plaidé M. Bernanke. La loi américaine fixe une limite absolue à l'endettement de l'Etat fédéral, un "plafond" qui doit régulièrement être rehaussé par un vote du Congrès. Le plafond actuel, 16.700 milliards de dollars, a été atteint en mai et depuis, le Trésor utilise des mesures exceptionnelles pour financer le gouvernement (en cessant par exemple d'investir dans des fonds de retraite publics). Les républicains, qui contrôlent la Chambre des représentants, entendent conditionner le relèvement du plafond à des mesures de réduction des dépenses et du déficit, voire à la suppression des crédits accordés à la réforme phare de la santé de Barack Obama, votée en 2010 et qui doit entrer en vigueur pleinement en 2014. A l'été 2011, un précédent blocage politique sur le plafond de la dette avait paralysé Washington, conduisant l'agence de notation Standard and Poor's à priver les Etats-Unis de leur prestigieux "triple A", gage de solvabilité maximale pour les marchés financiers.
Washington fonce à nouveau vers une crise budgétaire A quelques semaines d'importantes échéances budgétaires, les Etats-Unis se dirigent vers une nouvelle crise politique. Barack Obama estime que l'intransigeance de ses adversaires républicains risque une nouvelle fois de provoquer un catastrophique défaut de paiement. Premier délai: 1er octobre, début de l'exercice budgétaire 2014, avant lequel de nouveaux crédits doivent être votés. La seconde échéance est la mi-octobre, quand le Trésor américain aura atteint le "plafond" légal de la dette fédérale. Dans chaque cas, le Congrès, divisé entre une Chambre des représentants contrôlée par les républicains et un Sénat à majorité démocrate, doit se mettre d'accord. Il doit voter un même texte, de façon à éviter la fermeture des services non essentiels de l'Etat fédéral (un "shutdown", déclenché pour la dernière fois en 1995) et un défaut de paiement.
Une forme de chantage Mais les républicains entendent user de leur pouvoir pour lier ces deux dossiers à l'annulation de la réforme-phare de la santé de Barack Obama, votée en 2010, et dont un volet majeur doit entrer en vigueur le 1er octobre. Une condition assimilée à du chantage par le président mercredi. "Nous n'avons jamais vu cela dans le passé, qu'un budget soit soumis à l'élimination d'un programme adopté par les deux chambres du Congrès, dont la constitutionnalité a été confirmée par la Cour suprême, qui est à deux semaines d'être pleinement appliqué et qui aide 30 millions de personnes à enfin obtenir une couverture santé", a dénoncé M. Obama. Il s'est exprimé face à des chefs de grandes entreprises à Washington.
Assurance subventionnée Le 1er octobre marquera l'ouverture des inscriptions pour les millions d'Américains qui n'ont pas de couverture maladie et souhaitent souscrire à une assurance subventionnée par l'Etat fédéral. La loi oblige tout résident à être assuré à compter du 1er janvier 2014, faute de quoi une pénalité fiscale sera imposée. "Je suis prêt à négocier avec (les républicains) sur le budget", a dit M. Obama. "Mais je ne créerai pas une habitude, un canevas selon lequel la confiance sur la capacité du pays à payer ses dettes devient un atout pour négocier politiquement. C'est irresponsable".
Mesures extraordinaires Mardi, le secrétaire au Trésor américain Jacob Lew a rappelé que le plafond d'endettement actuel, à 16 700 milliards de dollars, avait été atteint en mai, et que des mesures extraordinaires seraient épuisées à la mi-octobre.