La fille du majestueux Ahaggar, passée maître dans l'instrument d'Imzad (vièle monocorde exclusivement réservée aux femmes touaregues), Chetima Bouzad, a eu un passage très remarqué au 6ème festival des musiques et chanson Amazighes. Démontrant, à travers ses différentes productions et participations, la valeur de ce patrimoine (Imzad), malgré le poids des ans, et toujours revêtue de son habit traditionnel, cette digne représentante de la femme Targuie a réussi à mettre en avant l'authenticité du patrimoine véhiculé depuis des lustres par la femme Touarègue. Dotée d'une grande volonté, l'artiste septuagénaire tient à manifester sa présence à chaque rendez-vous culturel pour perpétuer la tradition et mettre en valeur les trésors de l'Ahaggar, son patrimoine et ses coutumes, reprenant ainsi le relais de sa défunte mère qui était de son temps l'une des plus grandes joueuses d'Imzad de l'Ahaggar. Native du pittoresque village de Tin-Tarabine, distante de 300 km du chef-lieu de wilaya de Tamanrasset, où le panorama a été une source d'inspiration de cette artiste qui a réussi à perpétuer ce patrimoine, Chetima a créé en 1995, en mémoire à sa défunte mère, une école d'apprentissage de l'instrument d'Imzad dans sa région natale. Une école qui a permis de former des dizaines de jeunes filles dans la maitrise de cet instrument musical classé récemment par l'UNESCO parmi le patrimoine culturel de l'humanité. Il y a trois ans, Chetima, primée à plusieurs reprises par le ministère de la culture et lors aussi de manifestations nationales et internationales, s'est lancée le défi de créer, en plus de son école, une association pour encourager l'apprentissage de l'Imzad dans sa région de Tin-Tarabine, en dépit de diverses contraintes. Parmi celles-ci, l'artiste cite le manque de moyens de fabrication de cet instrument traditionnel qu'est l'Imzad, notamment la Qaraâ (genre de potiron) ramenée du Niger, appelée localement "Itekless", ainsi que les poils de queues de cheval appelées "Ithiou", rares dans la région. Cette artiste est également confrontée à d'autres défis d'ordre personnel, notamment après la maladie de son conjoint, Ighiba Mohamed, qu'elle considère comme son unique soutien dans l'apprentissage de l'Imzad, du fait qu'elle n'a pas eu d'enfants. Mais malgré ce coup du sort, elle arrive à garder toute de même le sourire. Un sourire qui cache cependant beaucoup de choses. Chetima demeure, de l'avis de tous les artistes de la région, l'une des meilleures joueuses d'imzad au niveau national, reconnue également pour sa compétence dans la formation d'une troupe de filles qui constituent un orchestre jouant merveilleusement de cet instrument. De l'aveu même du célèbre artiste et poète de la région Adjala Mohamed, compositeur de poèmes Targuis appelé "Tissiouai" accompagnant généralement le jeu d'Imzad, seules les filles de l'école de Chetima sont capables d'une telle performance, elle demeure également comme une icône pour toutes les femmes Targuies, et a réussi à préserver et pérenniser un patrimoine authentique et un des arts nobles.