L'augmentation des prix a continué de s'accélérer en novembre au Japon où les autorités ont lancé une véritable guerre contre la déflation, avec le Premier ministre Shinzo Abe, comme stratège, et la Banque du Japon, comme artificier. Les prix au détail (hors produits périssables) ont grimpé de 1,2% en novembre sur un an, leur progression la plus vigoureuse depuis cinq ans, a annoncé le gouvernement vendredi. Sans compter les tarifs de l'alimentation ni ceux de l'énergie, ces prix ont augmenté de 0,6%, un rythme inconnu depuis 15 ans. C'est justement à une déflation vieille d'une quinzaine d'années que les autorités japonaises se sont attaquées avec une intensité redoublée depuis le retour au pouvoir de Shinzo Abe, il y a exactement un an. La relance économique était la priorité de sa première année au pouvoir, avec comme but majeur la fin de la déflation, phénomène pernicieux de recul tendanciel des prix qui décourage l'investissement des entreprises et incite les consommateurs à reporter leurs achats. Pour cela, il a lancé pour l'équivalent de 70 milliards d'euros de dépenses de relance budgétaire, va débloquer 35 milliards supplémentaires pour 2014, a promis une série de réformes réglementaires pour favoriser l'activité des entreprises et engagé des négociations de libre-échange avec les Etats-Unis (via le partenariat trans-Pacifique) et avec l'Union européenne. Il a aussi, et peut-être surtout, poussé la Banque du Japon (BoJ) à assouplir considérablement sa politique monétaire en avril, sous l'égide d'un nouveau gouverneur, Haruhiko Kuroda, désigné par ses soins. La BoJ a nettement augmenté depuis ses achats d'obligations d'Etat, afin que son stock grimpe de 50 000 milliards de yens en rythme annuel (350 milliards d'euros). Son objectif est d'élever la masse monétaire en circulation, afin d'inciter les entreprises et particuliers à emprunter pour investir et consommer, puis de permettre à la troisième puissance économique mondiale de connaître une hausse des prix de 2% par an de façon durable. Cette politique a entraîné une dépréciation de quelque 25% du yen, ce qui arrange les groupes exportateurs des traditionnels domaines de force de l'industrie nippone (automobile, électronique, industrie lourde, machinerie). Mais ce mouvement entraîne aussi une flambée des tarifs des produits importés, notamment dans l'énergie et l'alimentation, qui favorise certes les tendances inflationnistes mais grignote aussi le pouvoir d'achat.
La hausse des salaires se fait attendre De fait, la fin de la déflation ne sera confirmée que lorsque la hausse des prix s'auto-entretiendra grâce à une demande en augmentation, ce qui exige une revalorisation des salaires qui se fait encore attendre. Les revenus des ménages salariés ont en effet baissé en termes réels de 1,1% en novembre sur un an, d'après des statistiques gouvernementales distinctes publiées vendredi, et ces mêmes ménages ont en conséquence réduit leurs dépenses de 1,6%. Rien de catastrophique pour l'instant car, portée par les dépenses des professions libérales, des dirigeants d'entreprises et des retraités, la consommation des ménages pris dans leur ensemble a très légèrement progressé (+0,2%). Mais des économistes préviennent depuis des mois que ce moteur essentiel de l'activité pourrait se gripper à défaut d'augmentation des salaires, a fortiori sous l'effet d'une hausse en avril prochain de la taxe sur la consommation (équivalente à la TVA française). Le gouvernement espère que le maintien du chômage à un taux très bas - 4,0% en novembre - favorisera une hausse des rémunérations tout en incitant les ménages à la dépense. Les milieux d'affaires gardent en tout cas le moral, qui a atteint son plus haut niveau en six ans pour les grandes entreprises d'après la dernière enquête de la BoJ. En novembre, la production industrielle a certes ralenti sa marche en avant (+0,1% sur un mois), mais les professionnels interrogés par le ministère de l'Industrie prévoient une progression robuste au début 2013, si la conjoncture internationale ne s'assombrit pas.
La consommation des ménages stagne en novembre La consommation des ménages au Japon a stagné en novembre (+0,2% sur un an) malgré une progression vigoureuse des achats de voitures et de produits électroménagers, a annoncé le ministère des Affaires intérieures. Les achats des particuliers représentent un moteur important de l'activité. L'affaiblissement de leur progression au troisième trimestre (juillet-septembre) avait d'ailleurs ralenti la croissance du Japon qui avait été robuste au premier semestre. En novembre, les ménages ont investi nettement plus dans des produits électroménagers (+24,8%), mais aussi dans des voitures et motocyclettes (+56,3%), un rebond en partie mécanique après une notable baisse suivant l'arrêt de subventions un an plus tôt. Ils ont aussi davantage mangé au restaurant (+6,8%). L'indice général de la consommation des ménages a néanmoins peu progressé au final à cause d'une chute des dépenses en frais scolaires pour leurs enfants (-18,6%). Le moral des ménages s'est amélioré depuis l'arrivée au pouvoir il y a exactement un an d'un Premier ministre volontariste Shinzo Abe, ce qui peut expliquer en partie l'augmentation des dépenses. Le conservateur M. Abe, qui a fait de la relance économique la priorité de son début de mandat, a lancé un programme de dépenses budgétaires, poussé la Banque du Japon à assouplir sa politique monétaire et s'est engagé à soutenir l'activité des entreprises par des réformes réglementaires. Les dépenses de consommation des ménages dont le chef est salarié, qui représentent environ 60% du total, ont néanmoins baissé de 1,6% en termes réels sur un an. Toujours en novembre et par rapport au même mois de l'an passé, le revenu moyen de ces ménages salariés s'est contracté de 1,1%. Des économistes avertissent depuis un moment qu'une partie des ménages pourrait être contrainte de restreindre leurs dépenses à cause de la stagnation des salaires combinée à une certaine montée des prix.
Le taux de chômage reste stable à 4,0% en novembre Le taux de chômage au Japon est resté stable à 4,0% en novembre, a annoncé le ministère des Affaires intérieures. En novembre, on recensait 2,49 millions de chômeurs au Japon, soit 4,2% de moins qu'un an plus tôt, pour une population au travail en augmentation de 1,2% à 63,71 millions d'individus. Pour la première fois en 6 ans, le marché du travail s'est encore détendu et on comptait 100 offres d'emplois pour 100 demandes dans l'archipel, contre 98 en octobre, d'après des données séparées publiées par le ministère du Travail. En juillet, le taux de chômage avait chuté à son plus bas niveau depuis le mois d'octobre 2008 (3,8%). Malgré une très légère remontée, il reste à un niveau particulièrement bas, même si l'ampleur du taux est réduite par la méthode de comptabilisation officielle, qui considère que les personnes effectuant très peu d'heures de travail ne sont pas chômeuses.
La production industrielle quasi stable en novembre La production industrielle au Japon a quasi stagné en novembre sur un mois (+0,1%), malgré une fabrication plus intense d'ordinateurs et de voitures, a annoncé le ministère de l'Industrie. Sur un an, la production industrielle a toutefois grimpé de 5,0% et le Meti continue de juger qu'elle suit un mouvement d'augmentation de fond. Depuis le début de l'année, la production industrielle au Japon s'affiche en hausse quasiment tous les mois, sur fond d'amélioration du moral des entrepreneurs et de dépréciation bienvenue du yen. D'après une enquête réalisée par le Meti auprès des professionnels, elle pourrait encore augmenter de 2,8% en décembre sur un mois et bondir de 4,6% en janvier, bien que ces prévisions soient à prendre avec prudence. En novembre, les livraisons ont elles aussi peu ou prou stagné sur un mois (-0,1%) et les stocks ont diminué de 1,9%. L'atmosphère est meilleure dans le monde industriel depuis le retour au pouvoir du conservateur Shinzo Abe, qui fait de la relance de la troisième puissance économique mondiale la priorité de son mandat: la confiance des grandes entreprises a atteint en décembre son plus haut niveau depuis six ans, d'après la dernière enquête de la Banque du Japon (BoJ). L'ensemble vise à sortir le pays d'une déflation d'une quinzaine d'années qui a entre autres pour conséquence de décourager l'investissement des entreprises. En partie du fait de ces coups de pouce, l'activité a rebondi depuis début 2013 et le yen s'est fortement déprécié sous l'effet de la nouvelle politique monétaire, ce qui favorise en principe les industries tournées vers l'exportation.
Le déficit commercial s'aggrave de 35% en novembre sur un an Le déficit commercial du Japon s'est aggravé de 35,1% en novembre sur un an, à plus de 9 milliards d'euros, à cause de la flambée de la facture énergétique due à la nette dépréciation du yen, a annoncé mercredi le ministère des Finances. Ce déséquilibre a atteint 1.292,9 milliards de yens (9,2 milliards d'euros au taux de change actuel), le pire résultat jamais enregistré pour un mois de novembre depuis que ces statistiques ont été lancées sous cette forme en 1979. Il s'agit du 17e mois consécutif de déficit commercial pour l'archipel autrefois habitué aux excédents portés par ses puissants secteurs exportateurs (automobile, électronique, etc.). Mais l'accident nucléaire de Fukushima de mars 2011 a entraîné l'arrêt par précaution des 50 réacteurs du pays, aussi le Japon est-il contraint désormais d'importer nettement plus d'hydrocarbures pour produire son électricité. Ce phénomène s'est doublé, depuis l'an passé, d'une dépréciation du yen d'un bon quart vis-à-vis du dollar comme de l'euro, ce qui a renchérit mécaniquement le prix des produits importés, entre autres celui des sources d'énergie. En novembre, la troisième puissance économique mondiale a ainsi dû payer un bon tiers plus cher ses importations de pétrole et de gaz naturel liquéfié. Ses autres fournitures lui ont aussi couté davantage, que ce soit les ordinateurs, les semi-conducteurs ou les vêtements. Au final, ses importations se sont renchéries de 21,1%, à 7.193 milliards de yens (51 milliards d'euros). Ses exportations ont aussi bénéficié de la baisse du yen et se sont élevées en valeur de 18,4%, à 5 900 milliards de yens (41,8 milliards d'euros), mais pas suffisamment pour compenser. La valeur des ventes de produits nippons à l'étranger augmente en effet mécaniquement, en termes de yens, avec la dépréciation de la monnaie japonaise. Ce phénomène a entraîné notamment un bond d'un gros tiers des revenus tirés des exportations de voitures. Il a aussi gonflé les recettes enregistrées via les livraisons de générateurs électriques et de produits sidérurgiques. Par région, le déficit du Japon s'est creusé notamment avec les pays du Golfe persique (Emirats arabes unis, Arabie saoudite), ses principaux fournisseurs de pétrole, mais aussi avec la Chine, son principal partenaire commercial. L'ampleur de son déficit s'est en revanche réduit avec l'Union européenne et son bénéfice commercial s'est agrandi avec les Etats-Unis, son deuxième client. "Le déficit commercial du Japon devrait rester important pendant un moment en raison d'une forte demande intérieure", a souligné Yoshiro Sato, économiste au Crédit Agricole. Il a ajouté que le phénomène devrait être nourri dans la période à venir "par l'impact des dépenses publiques et un pic d'achat avant la hausse de la taxe sur la consommation". Les économistes s'attendent à ce que les clients se précipitent dans les magasins avant cette échéance pour acheter avant la hausse, ce qui devrait entraîner un rebond de la consommation d'ici là et favoriser en conséquence une progression des importations pour répondre à cette demande.