Le nouveau ralentissement des prix en zone euro, alimentant les craintes de déflation, pourrait contraindre la Banque centrale européenne (BCE) à baisser à nouveau son taux jeudi. Le patron de l'institution monétaire de Francfort, Mario Draghi, a beau répéter depuis des semaines qu'il ne voit pas de menace déflationniste se concrétiser, le chiffre de janvier est une mauvaise surprise. Au lieu d'accélérer légèrement comme attendu, l'inflation a encore ralenti, à 0,7%, après 0,8% en décembre. Soit loin de l'objectif de la BCE de maintenir une inflation proche de 2%. Cela "prouve une fois de plus qu'il est trop tôt pour écarter les risques de déflation dans la région", estime Tom Rogers, du cabinet de conseil Ernst & Young. La dernière fois que l'inflation était tombée à 0,7%, en octobre, la BCE avait réagi quelques jours plus tard, lors de sa réunion de novembre, en baissant son principal taux directeur d'un quart de point, à 0,25%, son niveau historique le plus bas auquel il stationne depuis. Une décision qui avait alors surpris, les analystes s'attendant plutôt à ce que la BCE s'accorde le temps de l'analyse. Mark Wall et Gilles Moëc, de Deutsche Bank, estiment qu'elle fera le même choix jeudi, malgré l'amélioration d'autres indicateurs. "Le chiffre du PMI (activité privée) est encourageant mais tout bien considéré nous pensons que la BCE va réagir à l'inflation de nouveau décevante par une baisse de taux", écrivent-ils dans une note. D'après eux, l'actuelle prévision d'inflation de la BCE, de 1,1% pour 2014, semble dorénavant trop optimiste. Richard Barwell et Xinying Chen, de RBS, pensent eux aussi "qu'une baisse de taux est la chose adéquate à faire", même si le chiffre de l'inflation "ne force pas la main du conseil" des gouverneurs.
Possible baisse à 0,10% ou 0,15% Si une baisse du taux directeur a bien lieu, Howard Archer, du cabinet IHS, ne s'attend toutefois pas à ce que ce soit d'un quart de point comme habituellement, car cela porterait le taux directeur à 0%. Selon lui, une baisse à 0,10 ou 0,15% "est de plus en plus probable". Mario Draghi s'était fermement engagé en janvier à agir en cas de nécessité, ciblant particulièrement l'inflation. Ce discours doit être suivi d'actes, juge Jonathan Loynes, de Capital Economics. "Si ce n'est pas en février, alors très prochainement". L'économiste souligne aussi la possibilité, maintes fois évoquée, d'une baisse du taux de dépôt, celui auquel la BCE rémunère les liquidités excédentaires placées dans ses caisses pour 24 heures par les banques. Ce taux est de 0% depuis juillet 2012. La BCE a beau déclarer être prête techniquement à le porter en territoire négatif, elle hésite au regard des éventuelles conséquences néfastes, notamment la tentation pour les banques de faire payer ce coût à leurs clients. Ce qui aurait l'effet inverse de celui souhaité, à savoir encourager le crédit et par ricochet l'investissement et la consommation. Autre mesure étudiée, un nouveau prêt à long terme (LTRO) aux banques, toujours pour encourager le crédit. Toutefois la BCE veut s'assurer que cet argent serve vraiment à prêter aux entreprises, contrairement aux deux précédents. Si M. Draghi a souligné en janvier que "tous les instruments autorisés par les traités" étaient envisagés, laissant imaginer à certains que la BCE pourrait s'engager sur le chemin des achats d'actifs, il a depuis clarifié les choses à Davos, soulignent les économistes d'UBS: il ne pourrait s'agir que d'actifs bancaires adossés à des prêts, l'achat de dette publique semblant trop controversé en son sein. Mais la BCE pourrait se contenter au contraire de répéter son discours offensif. Christian Schulz, de la banque Berenberg, s'attend ainsi "à ce que l'optimisme grandissant pour la croissance prévale lors des discussions et que la BCE maintienne ses taux et ses mesures en l'état".