De plus en plus, la bataille autour des statistiques creuse davantage le doute. Il y a des chiffres que donnent les pouvoirs publics et il y a des chiffres que donnent les experts indépendants, comme il y en a également que donne l'opposition. Il en est ainsi de l'évaluation du nombre de pauvres, du taux de chômage, du nombre de logements construits, du nombre de manifestants. Quelle inégalité de perspectives scolaires et sociales pour les enfants des différentes catégories sociales? Nous ne sommes d'accord sur rien. Vraiment sur rien. C'est quoi la démocratie ? Combien y a-t-il de pauvres ? Pour ce qui concerne les riches, nul ne pose la question. Combien y a-t-il de moudjahidine maintenant et comment y avait-il au cessez-le-feu ? Comment y a-t-il (ou reste-t-il) de terroristes ? Quand toutes ces questions sont posées et elles le sont souvent, il paraît que le gouvernement n'a pas prévu les réponses dans son agenda de travail. Quelle est la classe la plus touchée par le chômage, entre les ouvriers et les cadres ? Il y a toujours eu des litiges sur les taux de chômage, de précarité, d'exclusion sociale, et quand il y a litige, forcément les politiques de réintégration sociale et de solidarité nationale ne peuvent pas être ajustées à hauteur des exigences. Les taux donnés par les uns et les autres ne correspondent pas en fait, les écarts étant importants, ceux donnés par les pouvoirs publics étant les plus bas, les plus hauts pour l'opposition, et pratiquement le milieu pour les experts qui veulent se libérer de la politisation de leurs estimations. Les statistiques ne seraient pas ainsi fiables, et l'on ne sait pas exactement à qui se fier en absence de statistiques consensuelles, et surtout en absence de débat public en la matière, le pays apparaît aux populations comme très stable. Les populations ne savent pas ainsi quel parti prendrait le mieux leurs préférences, d'autant qu'il ne leur apparaît pas que ceux-là se distinguent par des créneaux économiques et sociaux. Il y a alors une crise de la représentation politique, comme il y a également une crise de la représentation syndicale. Pratiquement, tous les partis sauf un, à savoir le PT, paraissent avoir le même programme économique si on se réfère à leurs objectifs qui sont largement généreux. A quelles réalités sociales renvoient les images des différentes catégories de travailleurs et quels écarts entre les revenus de toutes ces catégories ? La fragilisation du lien à l'emploi n'est pas homogène selon les catégories d'emploi, étouffant la solidarité entre ces catégories lorsqu'il s'agit de revendiquer.