Si tout se déroule selon les plans qu'il a présentés cette semaine, le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble atteindra dès 2015 son objectif d'un budget gouvernemental parfaitement à l'équilibre. Du jamais-vu depuis 1969, mais les sacrifices à consentir pour y parvenir suscitent des critiques. "Nous tenons parole. Nous voulons sortir de cette législature sans nouvelle dette budgétaire", a insisté, lors d'une conférence de presse, Wolfgang Schäuble, aux manettes des finances de l'Allemagne depuis 2009. Après encore un déficit budgétaire de 6,5 milliards d'euros en 2014, nettement réduit par rapport aux 22,1 milliards de 2013 et en partie dû au dernier paiement à verser au capital du mécanisme de la zone euro (MES), pompier de la zone euro, le zéro devrait être atteint en 2015 et se maintenir jusqu'à 2018 au moins. C'est "le rêve de tout ministre des Finances", disait il y a plus de dix ans un des prédécesseurs de Wolfgang Schäuble, le grand argentier de Gerhard Schröder Hans Eichel. Début 2013, M. Schäuble avait même laissé entrevoir la possibilité que Berlin commence à rembourser des dettes. Mais les élections sont passées par là et le mariage de raison avec les sociaux-démocrates l'a obligé à faire des concessions en matière d'investissements publics. Néanmoins, en tablant sur une croissance continue de son économie, l'Allemagne devrait continuer de réduire le poids de sa dette par rapport à son Produit intérieur brut, actuellement de 76% du PIB à "en dessous de 70%" d'ici 2018, puis d'ici "moins de dix ans" à 60%, respectant ainsi les règles de l'Union européenne. "Nous suivons les règles du pacte de stabilité et de ce fait nous ne demandons rien aux autres que nous ne appliquons pas nous-mêmes", s'est défendu M. Schäuble, souvent critiqué pour son intransigeance vis-à-vis de ses partenaires. Il a en outre affirmé que c'était l'une des bases du "développement constant et durable de l'économie" allemande.
"Tours de passe-passe" Si Schäuble atteint l'an prochain l'équilibre rêvé alors que les dépenses doivent augmenter, d'environ 10 milliards d'euros chaque année entre 2015 et 2018, c'est grâce à la bonne tenue de la conjoncture, qui fait augmenter les rentrées fiscales, et aux taux d'intérêt bas, qui réduisent la charge de la dette. Mais l'opposition et la presse allemandes ont aussi été promptes à évoquer des "tours de passe-passe". Au vu de sa bonne situation financière actuelle, Berlin va ainsi couper dans l'allocation accordée aux caisses publiques d'assurance-maladie, lui permettant de dégager 6 milliards d'euros sur deux ans. Une décision qualifiée de "pas sérieuse et injuste puissance dix" par Sven Kindler, député vert de l'opposition. De son côté, le libéral Volker Wissing estime que le gouvernement transfère sur les assurés le financement de son budget puisqu'en cas de retournement de situation, ce sont eux qui paieront des cotisations plus élevées. La nouvelle "grande coalition" d'Angela Merkel est aussi critiquée pour la timidité de sa politique d'investissement. Ils vont augmenter en 2014 de seulement un milliard d'euros quand les recettes fiscales doivent grimper de 9 milliards. "La grande coalition se vante d'augmenter les investissements dans les routes et le rail, mais à tort. Elle ne fait qu'éviter que les dépenses ne baissent encore plus", commentait le journal régional Schwäbischer Tagblatt mercredi. Une critique qui devrait toucher une corde sensible à Bruxelles et dans le reste de l'Europe. Au terme d'une enquête sur l'important excédent des comptes courants de l'Allemagne, source de déséquilibre, la Commission européenne a de nouveau recommandé la semaine dernière au pays d'investir plus et de soutenir davantage sa demande domestique. Mais celle-ci est déjà le principal moteur de la croissance actuellement, a souligné Wolfgang Schäuble. D'ici 2017, le gouvernement a tout de même prévu 23 milliards d'euros d'"investissements prioritaires" dans les infrastructures, les crèches, la recherche etc.