Les grandes puissances et l'Iran se sont félicités hier de nouvelles discussions utiles à Vienne sur le programme nucléaire de Téhéran, un travail de fourmi qui s'est poursuivi sans remous malgré la crise ukrainienne. Nous avons eu des discussions substantielles et utiles, a assuré à la presse la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton après la fin de la réunion. Mme Ashton, qui mène la négociation au nom des grandes puissances du 5+1 (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne), s'exprimait au côté de Mohammad Javad Zarif, le ministre iranien des Affaires étrangères. En novembre, les deux parties avaient conclu un plan sur six mois. Celui-ci prévoit le gel de certaines activités nucléaires iraniennes en échange d'une levée partielle et provisoire des sanctions internationales qui étranglent l'économie de l'Iran, et le privent chaque semaine de milliards de revenus du pétrole. Les négociateurs essaient de transformer l'accord -au plus tôt d'ici au 20 juillet, mais probablement plus tard- en un arrangement définitif qui supprimerait toutes les sanctions en échange de garanties solides données par Téhéran. Enjeu: la fin d'une décennie de confrontation dangereuse entre l'Iran, qui proclame son droit au nucléaire civil, et les grandes puissances, qui le soupçonnent de chercher secrètement à se doter de la bombe atomique. Comme il est d'usage en cours de négociation, Catherine Ashton s'est bornée mercredi à énumérer les sujets de discussion -- l'enrichissement (d'uranium), le réacteur d'Arak, la coopération nucléaire civile et les sanctions -- sans entrer dans le détail. Abbas Araghchi, l'un des négociateurs iraniens, avait indiqué plus tôt que les deux parties avaient fait des propositions concernant la coopération nucléaire, notamment sur les réacteurs à eau légère, la médecine nucléaire, les nouveaux combustibles, la recherche et le développement dans le nucléaire appliqué à l'agriculture. Les points les plus délicats sont l'étendue du programme iranien d'enrichissement d'uranium et le réacteur à eau lourde d'Arak. Cet équipement encore en construction utilise la filière du plutonium, qui pourrait elle aussi servir à fabriquer une bombe nucléaire. Selon M. Aragchi, les discussions butent notamment sur la définition des besoins pratiques de l'Iran, en vue d'un accord sur la taille et la dimension de l'enrichissement. Quant au réacteur d'Arak, pas question à ce stade pour l'Iran d'y renoncer. Aucune garantie de succès La discussion technique est complexe, les positions des uns et des autres restent éloignées, et chaque partie convient que la réussite des négociations n'est en rien garantie. Un écueil a en tous cas été évité cette semaine à Vienne : la Russie et les Occidentaux sont parvenus à laisser de côté leur vif affrontement autour de la Crimée pour se présenter unis face à l'Iran. La négociation sur le nucléaire iranien reste toutefois tributaire d'autres pressions politiques très fortes au sein des Etats concernés. Mardi à Washington, 83 des 100 sénateurs américains ont ainsi posé leurs conditions au président Barack Obama pour accepter un accord final. Ils exigent notamment la fermeture du réacteur d'Arak. En Iran à l'inverse, les deux tiers des députés ont mis en garde dimanche contre l'imposition de limitations ou d'interdiction sur les activités de recherches, notamment le développement (...) d'Arak et l'enrichissement. Le marathon de discussions reprendra du 7 au 9 avril, toujours à Vienne.