“Les sanctions décrétées contre Moscou par l'Occident constituent une chance pour l'avenir de la Russie, car elles forceront le pays à reconquérir sa souveraineté économique”, a déclaré dans une interview accordée à RIA Novosti Alexandre Aïvazov, économiste, expert indépendant, spécialiste des cycles économiques. "Les deux premiers niveaux de sanctions sont en cours, mais ce sont des piqures de moustique contre Poutine et son entourage. L'Occident ne comprend pas la psychologie de Poutine en cherchant à l'atteindre via son "premier cercle". La réaction sera aux antipodes de celle escomptée: ses amis se rapprocheront de lui car ils comprennent que sans le soutien de Poutine, leurs capitaux se trouvant à l'ouest seront confisqués", a indiqué M. Aïvazov. "Quant au peuple, il fera bloc autour du président, devenu porte-drapeau de la résistance à l'assaut économique occidental, comme en témoigne sa cote de popularité en forte hausse", a-t-il poursuivi. Selon l'expert, le seul problème sérieux est le refus des systèmes de paiement Visa et MasterCard de desservir les banques russes appartenant à des proches du président russe et l'établissement bancaire Rossia. Ici encore, cette démarche pourrait avoir un effet inverse de celui recherché: "La Russie sera contrainte de créer son propre système de paiement indépendant, comme l'ont fait le Japon et la Chine. Ce système pourrait à l'avenir être utilisé dans l'Espace économique eurasiatique en gestation", estime M. Aïvazov. S'il est mis en œuvre, le troisième niveau de sanctions, concernant le domaine économique et commercial, pourrait poser des problèmes plus épineux à l'économie russe. Mais ici encore, Moscou est en mesure de sortir gagnant de la politique menée par l'Ouest. "Le troisième niveau concerne peu les relations russo-américaines. En revanche, il supposera des pertes énormes pour l'Europe, la Russie livrant près du tiers de l'énergie consommée par les Européens et figurant parmi les premiers importateurs de produits fabriqués dans l'UE. Une réduction de ces échanges ne serait-ce que de moitié affaiblira l'économie européenne, qui stagne depuis des années. L'Europe ne sera pas en mesure de remplacer intégralement les livraisons d'énergie russe, ce qui provoquera une brusque flambée des prix. Dans le même temps, l'énergie russe trouvera facilement des acheteurs à l'Est", estime l'économiste. "Combinées à la signature à terme du traité de libre-échange transatlantique, ces sanctions pourraient propulser le chômage dans l'UE à 25-30%, voire au-delà", indique M. Aïvazov. Une telle situation forcerait d'une part, la Russie à se tourner vers de nouveaux pays pour ses importations, et d'autre part, à accélérer sa réorientation vers l'Asie, qui, selon l'économiste, se fait à un rythme trop lent actuellement. Cette réorientation d'un Occident en stagnation vers une Asie en croissance débouchera sur une accélération du développement économique russe. Enfin, la Russie pourrait profiter des tensions avec l'Occident pour limiter l'influence d'une bourgeoisie russe pro-occidentale qui accumule ses capitaux à l'Ouest, freinant par là-même le développement intérieur du pays, conclut M. Aïvazov. Le 18 mars dernier, la Russie et la Crimée ont signé le traité sur le rattachement de l'ex-république ukrainienne de Crimée et de la ville de Sébastopol à la Fédération de Russie. Kiev a protesté, dénonçant une annexion. Les Etats-Unis ont adopté lundi dernier des sanctions contre certains hauts fonctionnaires russes, et les ministres des Affaires étrangères de l'UE ont convenu d'adopter des mesures visant des personnalités russes et ukrainiennes qu'ils considèrent responsables d'atteinte à l'intégrité territoriale de l'Ukraine. 20 hauts fonctionnaires, hommes d'affaires et députés russes supplémentaires ont été inscrits à la liste américaine jeudi, ainsi que la banque Rossia. Les systèmes de paiement internationaux Visa et MasterCard ont cessé d'effectuer des opérations pour les clients de cette banque sans préavis.
Moscou riposte aux sanctions canadiennes Moscou a interdit l'entrée en Russie à 13 responsables du Canada en réaction à la décision canadienne de sanctionner la Russie pour le rattachement de la Crimée, a annoncé lundi le ministère russe des Affaires étrangères. "Nous déplorons le fait qu'Ottawa ignore la volonté du peuple de la Crimée, dont la plus grande partie a voté pour la réunification avec la Russie sans violer les normes du droit international et la Charte des Nations unies, et que le Canada préfère soutenir le régime illégitime de Kiev qui cherche à renforcer sa position suite à un coup d'Etat survenu en Ukraine", a indiqué le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Alexandre Loukachevitch. La liste des Canadiens interdits d'entrée en Russie comprend Christine Hogan, conseillère du Premier ministre pour la politique extérieure et de défense; Wayne G.Wouters, secrétaire du cabinet du Premier ministre et greffier du Conseil privé; Jean-François Tremblay, sous-secrétaire du cabinet du Premier ministre; Andrew Sheer, président de la Chambre des communes; Peter Van Loan, leader du groupe conservateur à la Chambre des communes; et Raynell Andreychuk, président de la commission du Sénat pour les affaires étrangères et le commerce international. Parmi les personnes sanctionnées figurent également Dean Allison et Paul Dewar, président et vice-président de la commission parlementaire pour les Affaires étrangères; Orwin Cotler, vice-président de la sous-commission parlementaire pour les droits de l'homme; les députés Ted Opitz, Christia Freeland et James Bezan, ainsi que le président du Congrès ukrainien du Canada Paul Grod. Selon M. Loukachevitch, Moscou réagit à "un geste inacceptable du côté canadien qui a gravement affecté les relations bilatérales", mais il est toujours prêt à une coopération constructive et pragmatique avec Ottawa, avant tout sur les questions arctiques. Le Canada a publié le 17 mars une liste de plusieurs responsables russes frappés de sanctions, entre autres le vice-Premier ministre russe Dmitri Rogozine, le conseiller du président russe Sergueï Glaziev, l'assistant du président russe Vladislav Sourkov, la présidente du Conseil de la Fédération (chambre haute du Parlement russe) Valentina Matvienko, le sénateur Andreï Klichas et les parlementaires Elena Mizoulina et Leonid Sloutski.
Les BRICS condamnent les sanctions Quatre pays des BRICS (Brésil, Inde, Chine, Afrique du Sud) ont condamné les sanctions occidentales en tant qu'instrument de règlement de la situation en Ukraine, a rapporté le journal " Globe and Mail ". "La rhétorique inamicale, les sanctions et les sanctions de riposte, la politique de la force ne contribuent pas à un règlement équilibré et pacifique de la crise qui répondrait aux normes du droit international et aux principes énoncés dans la Charte des Nations unies", est-il indiqué dans une déclaration des ministres des Affaires étrangères des BRICS à La Haye. Les pays des BRICS ont exprimé leur préoccupation face à l'éventuelle exclusion de Moscou du sommet du G8 qui aura lieu en novembre prochain à Brisbane, en Australie, évoquée par les autorités australiennes. Les chefs de diplomatie des BRICS ont tenu une rencontre à La Haye en marge d'un forum sur la sécurité nucléaire. Leur réunion a porté sur la situation en Ukraine et en Syrie et sur le prochain sommet des BRICS programmé au Brésil.
Entretiens des ministres des AE à La Haye Une rencontre du chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov avec le ministre ukrainien des Affaires étrangères par intérim, Andreï Dechtchitsa, a commencé lundi soir à La Haye, aux Pays-Bas, a appris RIA Novosti d'une source au sein de la délégation russe. Il s'agit des premiers entretiens entre Moscou et les représentants des nouvelles autorités de Kiev après le changement de pouvoir du 22 février.