Le dossier ukrainien ne devrait pas brouiller l'UE et le géant gazier russe Gazprom ni perturber les livraisons de gaz de Russie dans les pays de l'UE, dont certains sont dépendants à 100%, estiment les experts interrogés par RIA Novosti. Selon eux, l'Ukraine cherchera à diversifier ses sources gazières mais ne pourra que partiellement remplacer le gaz russe par des livraisons en régime réversif depuis l'Europe. Les experts pensent que des créanciers étrangers pourraient aider Kiev à payer sa facture gazière.
Le divorce n'aura pas lieu Le commissaire européen à l'Energie Günther Oettinger a déclaré mercredi qu'aucune perturbation des fournitures d'hydrocarbures de Russie en UE n'était attendue malgré la crise ukrainienne. "Le marché européen a représenté 30% de l'activité de Gazprom en 2013. Par conséquent, l'Ukraine mais aussi l'Europe ne pourront pas renoncer à moyen terme au gaz russe. La demande en gaz continuera de croître en Europe alors que la production intérieure diminuera", estime Grigori Birg, codirecteur du département analytique d'Investcafe. Selon lui, il ne serait pas non plus rentable pour la Russie et Gazprom de détériorer les relations avec leur principal partenaire commercial. "Je ne pense pas que le risque de suspension des livraisons gazières de Russie soit réel", pense l'analyste. L'Union européenne est préoccupée par sa propre dépendance énergétique envers les importations de gaz. Selon Grigori Birg, les consommateurs européens chercheront à terme à réduire leur dépendance à la Russie grâce à la diversification des fournisseurs de pétrole et de gaz. Les experts d'IHS ne prédisent pas non plus de réduction des livraisons de gaz russe en Europe. D'après eux, les succès de l'Europe en matière de diversification seront limités par l'aspect économique et l'infrastructure. "La Russie restera le principal fournisseur de gaz en Europe", souligne la compagnie IHS.
Marche arrière L'Ukraine se penche aujourd'hui avec la Commission européenne sur la possibilité de fournitures de gaz en régime réversif depuis l'Europe. Elles pourraient être organisées en provenance de la Slovaquie dès cette année, a déclaré mercredi Günther Oettinger. "Il ne s'agit pas de profits tarifaires - le prix des mille mètres cubes de gaz de l'UE pourrait être équivalent au tarif du gaz fourni par la Russie conformément au contrat de 2009. Le tarif des hydrocarbures venant de l'UE doit être établi par des méthodes marchandes", estime l'analyste d'Investcafe. Il souligne que les fournitures en régime réversif pourraient n'être pas rentables pour l'Ukraine. "Au final, tout dépendra du tarif contractuel du gaz russe et du prix du gaz en Europe à un certain moment", a déclaré Grigori Birg. L'expert de Finam Management Dmitri Baranov pense également que l'idée de livraisons en régime réversif était très discutable aussi bien du point de vue économique que juridique. "Premièrement, la Slovaquie ne dispose pas de gazoducs permettant de le faire. Ceux qui existent sont remplis de gaz russe. Deuxièmement, les accords signés stipulent clairement les conditions de fourniture de gaz et Gazprom a déjà informé ses partenaires européens que les livraisons en régime réversif étaient illégales et que le holding saisirait la justice si elles avaient lieu", a déclaré Dmitri Baranov. Hormis les livraisons en régime réversif de Slovaquie, il serait possible de recevoir du gaz de Hongrie et de Pologne. "Mais dans le meilleur des cas l'Ukraine pourrait ainsi satisfaire moins de la moitié de ses besoins en gaz", souligne Grigori Birg. Compte tenu de la part du gaz russe sur le marché de l'UE, les livraisons en régime réversif provenant d'Europe seraient en partie composées de gaz russe.
Rembourser la dette La dette gazière totale de l'Ukraine envers la Russie s'élève à 1,7 milliard de dollars, selon le ministre ukrainien de l'Energie Iouri Prodan nommé par la Rada, le parlement ukrainien. Le ministre a déclaré que l'Ukraine comptait profiter de la seconde tranche du crédit russe de 2 milliards de dollars pour rembourser sa dette mais cette somme n'a pas été versée. Fin 2013, le gouvernement russe avait décidé de soutenir l'économie ukrainienne en investissant 15 milliards de dollars du Fonds de prospérité nationale dans les obligations ukrainienne. En décembre, Kiev avait obtenu la première tranche de 3 milliards de dollars. Vladimir Poutine avait déclaré que Moscou était prêt à étudier l'envoi à l'Ukraine de tranches supplémentaires mais les partenaires occidentaux du pays, souhaitant un travail commun avec le FMI, avaient demandé de ne pas le faire. "L'Ukraine a besoin de gaz russe, la Russie a besoin du système de transport de gaz ukrainien, la Crimée a besoin de l'accès à l'infrastructure de l'Ukraine continentale. Ce nœud d'interdépendances devra être démêlé par les parties. Autrement dit, une sorte de système de compensations est possible", pense l'expert d'Investcafe. L'analyste de Finam Management indique que l'Ukraine se prépare à recevoir l'aide du FMI et de l'UE, pour laquelle Kiev devra augmenter le tarif du gaz pour la population. Il pense que l'octroi à l'Ukraine de crédits opérationnels de l'UE, voire des USA, pour payer le gaz depuis l'Europe est tout à fait faisable compte tenu du soutien actif des nouvelles autorités par l'UE et les relations avec la Russie. "Il est clair que tôt ou tard l'UE exigera de rembourser cet argent mais aujourd'hui il est important pour l'UE et l'Ukraine d'assurer l'approvisionnement en gaz de l'Ukraine d'une manière ou d'une autre, et les deux parties vont y travailler en priorité", estime Dmitri Baranov. D'après Grigori Birg, l'Ukraine ne pourra simplement pas se passer de l'aide de la Russie ou des créanciers internationaux.