La Banque centrale européenne (BCE) a affirmé très fermement avant-hier sa détermination à agir si la stabilité des prix venait à vaciller et à menacer la reprise en zone euro, y compris en gonflant son bilan à travers le rachat d'actifs. "Nous sommes résolus dans notre détermination à maintenir une orientation très accommodante de notre politique monétaire et à agir rapidement si nécessaire", a déclaré son président Mario Draghi, confirmant que l'institution monétaire de Francfort n'excluait pas de baisser à nouveau son principal taux directeur. Mais pour l'heure, elle a décidé de le maintenir à 0,25%, soit son niveau le plus bas historique, malgré une inflation qui s'éloigne dangereusement de son objectif de la maintenir proche de 2%. En mars, la hausse des prix s'est élevée à 0,5% après 0,7% en février. Un chiffre qui a surpris y compris au sein de la BCE, a laissé entendre M. Draghi, tout en ne modifiant pas son appréciation de l'évolution de cette statistique à moyen terme. M. Draghi a justifié l'absence d'action en répétant qu'il ne voyait pas se concrétiser le risque de déflation brandi par certains, synonyme de baisse générale des prix et de marasme économique, et a notamment attribué le niveau faible de la hausse des prix en mars à des fêtes de Pâques tardives. "Les prévisions d'inflation restent ancrées à moyen terme", a-t-il ajouté, alors que la BCE s'attend à ce que la hausse des prix atteigne 1% cette année, puis 1,3% en 2015 et 1,5% en 2016.
Limite des promesses verbales "Mais ce n'est pas une raison pour rester indifférent", a-t-il aussi dit, soulignant que les gouverneurs de la BCE surveillaient de près l'évolution des prix et étaient unanimement prêts à user, outre de l'arme des taux, des outils non-conventionnels à leur disposition pour maintenir la stabilité des prix. Et ce y compris l'assouplissement quantitatif (quantitative easing), soit des rachats d'actifs auxquels certains de ses membres semblaient allergiques, bien qu'il n'a pas été précisé de quels types de titres il pourrait s'agir. Toutefois, notent Frédérique Cerisier et Jean-Luc Proutat, économistes chez de BNP Paribas, M. Draghi a répété "son plaidoyer en faveur d'un assouplissement des règles prudentielles appliquées au marché des ABS standards, dont le développement serait ainsi encouragé". Les ABS, des crédits adossés à des actifs, avaient été accusés d'avoir été au cœur de la crise des crédits immobiliers à risque aux Etats-Unis, dits "subprime", à partir de l'été 2007. Pour Christian Schulz, de la banque Berenberg, "M. Draghi a élevé le niveau d'alerte" jeudi et il en conclut que toute nouvelle mauvaise surprise du côté de l'inflation devrait entrainer dans un premier temps une baisse de taux et, "si le choc est très sérieux" des rachats d'actifs. Mais ce n'est pas le scénario qui a les faveurs de la BCE, qui espère bien que la croissance en zone euro va continuer à s'affermir et lui éviter d'en arriver à ces extrémités. "La reprise modérée se confirme" et "les risques entourant les perspectives économiques de la zone euro continuent de reculer", a souligné M. Draghi alors qu'en mars, la croissance du secteur manufacturier s'est vérifiée pour le neuvième mois consécutif. Carsten Brzeski, d'ING, estime peu probable que la BCE agisse lors de sa prochaine réunion de politique monétaire le 8 mai. "La réunion de juin, avec les nouvelles projections (d'inflation et croissance) des équipes de la BCE devrait être le test décisif de la détermination plus ferme de la BCE". Car pour ce qui est des promesses verbales, "elles ne peuvent aller plus loin". "Le fameux +nous sommes prêts à agir+ semble avoir été tiré à son maximum", juge-t-il.
La BCE remercie le FMI pour ses conseils mais ne les suivra pas Le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, a remercié le Fonds monétaire international (FMI) pour ses généreux conseils de politique monétaire mais a signifié que l'institution de Francfort suivait ses propres opinions. Le FMI a été récemment extrêmement généreux dans ses suggestions sur ce que nous devrions faire ou ne pas faire. Nous en sommes franchement reconnaissants mais les points de vue du conseil des gouverneurs sont différents, a déclaré ironiquement Mario Draghi, invité à réagir lors d'une conférence de presse à des propos tenus la veille par la directrice générale du FMI, Christine Lagarde. Mme Lagarde a jugé, mercredi dans un discours, nécessaire que la BCE assouplisse davantage sa politique monétaire, notamment en recourant à des mesures non-conventionnelles, afin d'éloigner le spectre d'une déflation en zone euro. Les services du FMI à Washington ont refusé de commenter les propos de M. Draghi. Lors de sa réunion mensuelle de jeudi, le conseil des gouverneurs de la BCE a au contraire jugé ce danger limité et a ainsi décidé de maintenir au niveau déjà très bas de 0,25% son principal taux d'intérêt directeur, sans opter pour l'heure pour des mesures non-conventionnelles. J'aimerais que le FMI soit aussi généreux (dans ses conseils) qu'il l'a été avec nous avec d'autres institutions de politique monétaire, en publiant par exemple des communiqués juste le jour précédent une réunion du comité de politique monétaire de la Fed, la Banque centrale américaine, a ajouté M. Draghi.