La Banque centrale européenne (BCE) s'est montrée soucieuse de l'appréciation de l'euro et de la situation en Ukraine et a laissé entendre cette semaine qu'elle était prête à agir le mois prochain s'il le fallait, après avoir laissé ses taux inchangés. Le niveau de l'euro représente "une inquiétude sérieuse" pour la BCE, a déclaré son président Mario Draghi, lors de sa réunion mensuelle de politique monétaire exceptionnellement délocalisée à Bruxelles. Des propos tenus alors que la monnaie unique a atteint son plus haut face au dollar depuis octobre 2011, après l'annonce du statu quo monétaire. La BCE a en effet décidé de laisser son principal taux directeur inchangé à 0,25%, son niveau le plus bas historique. L'euro s'est ensuite replié devant la bonne volonté affichée par M. Draghi. "Nous avons eu une discussion sérieuse sur le taux de change (de l'euro), c'est très important pour la stabilité des prix et pour la croissance. Dans une période où l'inflation est basse de manière prolongée, le renforcement de l'euro est une inquiétude sérieuse", a-t-il déclaré, sans toutefois vouloir donner de seuil à partir duquel la BCE pourrait agir. Plus tôt, il avait promis de "surveiller de près" les répercussions du niveau de l'euro ainsi que de la situation en Ukraine. "Les risques géopolitiques, s'ils augmentent, vont affecter la zone euro davantage que d'autres régions du monde", a-t-il mis en garde, évoquant la crise ukrainienne, la situation économique en Russie ainsi que la possible escalade des sanctions. Dans ce contexte, la BCE est "à l'aise" pour agir le mois prochain, a dit M. Draghi sans dire de quelle manière, ni s'engager définitivement. "La BCE est à l'aise pour agir la prochaine fois mais avant nous voulons voir les projections économiques qui seront publiées début juin", a-t-il déclaré. En juin, ses services doivent actualiser leurs prévisions de croissance et d'inflation pour la zone euro pour 2014 et les deux années suivantes. La plupart des analystes s'attendent à ce que le chiffre de la hausse des prix pour cette année, déjà au niveau faible de 1%, soit encore révisé à la baisse. Holger Schmieding, économiste de la banque Berenberg, prévoit ainsi que cette prévision tombe à 0,8%, à l'instar de celle de la Commission européenne. Soit loin de l'objectif de la BCE d'une inflation proche de 2%.
Agira ou pas ? La BCE n'est pas disposée "à avoir une inflation faible pendant trop longtemps", a d'ailleurs réagi M. Draghi, alors que de nombreuses voix se sont élevées ces dernières semaines pour demander à l'institution monétaire d'agir contre le risque croissant de déflation en zone euro. Un risque que la BCE ne voit pas pour sa part émerger. Côté croissance, la reprise économique en zone euro se poursuit "à un rythme lent" et reste "très modeste", a souligné M. Draghi. "Est-ce que la BCE agira en juin'", s'interroge donc Holger Schmieding. Elle a en tout cas donné des indices importants d'un possible relâchement de sa politique mais sans s'engager, souligne-t-il. Mais selon lui, une action telle qu'une légère baisse de taux ou un nouveau prêt à long terme (LTRO) aux banques afin qu'elles prêtent davantage aux ménages et entreprises n'aurait que peu d'effet. Quant à un achat massif d'actifs privés et publics (ou "quantitative easing"), cela n'est pas à l'ordre du jour, estime-t-il. "Il faudrait une baisse majeure des indicateurs importants (...) pour entraÎner une mesure d'urgence de ce genre". Pour Tom Rogers, du cabinet Ernst and Young, certes une baisse de taux aurait "un effet réel limité (mais) il s'agirait du bon geste car cela soulignerait au moins la volonté de la BCE de revenir à une inflation proche de 2% et pourrait calmer la pression sur l'euro au moins temporairement".