L'armée thaïlandaise a décrété hier la loi martiale dans le royaume marqué par des mois de crise politique et des manifestations anti-gouvernementales qui ont fait 28 morts et des centaines de blessés. Déclarer la loi martiale n'est pas un coup d'Etat, mais vise à restaurer la paix et l'ordre public, assure l'armée dans cette annonce faite au petit matin sur la télévision contrôlée par les militaires. L'armée thaïlandaise avait déjà menacé jeudi dernier d'intervenir dans la crise, après la mort de trois nouveaux manifestants dans une attaque à la grenade en plein Bangkok. Le public ne doit pas paniquer et continuer à vivre sa vie normalement, appelle l'armée dans son annonce mardi matin. L'opposition affirme être dans sa dernière ligne droite contre le gouvernement intérimaire, avec la récente destitution de la Première ministre Yingluck Shinawatra. Ils l'accusaient d'être la marionnette de son frère, Thaksin Shinawatra, destitué par un coup d'Etat en 2006, aujourd'hui en exil. Les Chemises rouges, puissant mouvement rassemblant les partisans du gouvernement, nombreux parmi la population rurale du nord et du nord-est du pays, ont mis en garde l'opposition contre un risque de guerre civile si l'opposition s'obstinait à vouloir faire tomber ce qui reste du cabinet. Les manifestants d'opposition, qui campent devant le siège du gouvernement, réclament la nomination d'un Premier ministre neutre et repoussent sine die la tenue d'élections, suscitant des inquiétudes quant à leurs aspirations démocratiques. L'Histoire de la Thaïlande est émaillée de coups d'Etat (18 réussis ou tentés depuis 1932, date de l'instauration de la monarchie constitutionnelle), le dernier remontant à 2006, contre le Premier ministre Thaksin Shinawatra, frère de Yingluck. Mais même si le chef de l'armée de terre a soufflé le chaud et le froid sur le sujet ces derniers mois, l'armée a refusé jusqu'ici de se laisser entraîner vers une intervention, même quand les manifestants semaient le chaos en occupant ministères et bâtiments publics. Le calendrier de l'opposition semble néanmoins s'accélérer ces derniers jours, tentant de profiter de la faiblesse du gouvernement intérimaire. Le bilan est désormais de 28 morts en six mois de crise, le plus souvent lors de tirs d'origine inconnue, dont les deux parties s'accusent. Toutes deux comptent des extrémistes prônant la violence. Le Premier ministre intérimaire, Niwattumrong Boonsongpaisan, assure qu'il a la loi avec lui, dans l'attente de la nomination d'un Premier ministre après des législatives, que le gouvernement intérimaire souhaite organiser cet été. L'ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra continue à diriger le pays à distance selon ses détracteurs, qui veulent sortir du jeu politique le clan Shinawatra. Selon les analystes, les manifestants sont soutenus par les élites royalistes, qui considèrent le clan Shinawatra, vainqueur de toutes les législatives depuis 2001, comme une menace pesant sur la monarchie, alors que le roi de Thaïlande est âgé de 86 ans. L'armée a décrété la censure des médias dans l'intérêt de la "sécurité nationale", selon une déclaration lue sur toutes les chaÎnes de télévision et de radio. L'armée "interdit à tous les médias de rapporter ou de distribuer toute information ou toute photographie nuisibles à la sécurité nationale", a précisé la déclaration du général Prayut Chan-O-Cha. L'armée a aussi privé d'antenne dix chaînes de télévision, dont les très partisanes BlueSky (pro-opposition), AsiaUpdate et UDD (pro- gouvernement), au motif qu'elles risquent de "déformer l'information" et d'"aggraver le conflit". La loi martiale décrétée par l'armée thaïlandaise doit être temporaire et ne doit pas saper la démocratie, ont averti les Etats-Unis. Toutes les parties en présence doivent respecter les principes démocratiques, y compris la liberté d'expression, a déclaré dans un communiqué la porte-parole du département d'Etat Jen Psaki, qui a également exprimé l'inquiétude de Washington face à la crise politique en Thaïlande. Nous attendons de l'armée qu'elle respecte son engagement de donner à cette mesure un caractère temporaire pour empêcher la violence et de ne pas saper les institutions démocratiques, a-t-elle écrit. Les Etats-Unis croient fermement que toutes les parties en présence doivent travailler ensemble pour résoudre leurs différends à travers le dialogue (...) Ce développement souligne le besoin d'élections pour déterminer la volonté du peuple thaïlandais, a-t-elle ajouté. Le puissant chef de l'armée de terre thaïlandaise, qui a imposé la loi martiale, a invité les rivaux politiques à discuter, sans annoncer le renversement du gouvernement intérimaire. Nous sommes en train d'inviter les deux parties à discuter, a annoncé le général Prayut Chan-O-Cha lors d'une conférence de presse, justifiant l'imposition de la loi martiale le temps d'un retour au calme après des mois de manifestations. Nous devrions être capables de mélanger toutes les couleurs, a-t-il ajouté, dans une allusion aux couleurs des manifestants, comme le rouge des partisans du gouvernement. Chaque ministre doit travailler efficacement pour résoudre le problème, a ajouté le général. Interrogé sur le statut du gouvernement intérimaire actuel, il a néanmoins répondu avec ironie: 'Où est le gouvernement', alors même qu'il sortait d'une réunion avec des représentants de l'armée et du gouvernement. L'armée thaïlandaise a décrété mardi la loi martiale et déployé des soldats dans Bangkok, faisant redouter à certains un coup d'Etat, après des mois de crise politique et de manifestations antigouvernementales ayant fait 28 morts. L'opposition assure être dans sa dernière ligne droite contre le gouvernement intérimaire, avec la récente destitution de la Première ministre, Yingluck Shinawatra. Ils l'accusaient d'être la marionnette de son frère, Thaksin Shinawatra, renversé par un coup d'Etat en 2006 et qui reste malgré son exil le facteur de division du pays.