Destination presque obligée du tourisme international, la Thaïlande présentait au monde l'image idyllique d'un pays heureux parce que sans histoire. Une image forte en forme de cliché récurrent, dont même un récent tsunami n'avait pas eu raison de lui, mais qui s'avère au bout du compte un trompe-l'œil. Dans ce havre séduisant couvait un profond, un irréductible malaise entre le Premier ministre, Thaksin Shinawatra, et une opposition qui depuis plusieurs mois l'accusait de corruption. Thaksin Shinawatra s'était aliéné dans le même temps l'armée qui attendait le moment favorable pour en finir avec un Premier ministre qui s'était rendu impopulaire aux yeux de nombre de Thaïlandais. Le voyage de Thaksin Shinawatra à New York, pour participer à l'assemblée générale de l'ONU, a été mis à profit par les militaires, dans la soirée de mardi, pour renverser le Premier ministre absent du pays. Dans la foulée du putsch, la Constitution a été abrogée, le Parlement suspendu et le gouvernement dissous alors que la loi martiale a été immédiatement décrétée. Le roi de Thaïlande, Bhumibol Adulyadej aurait donné son assentiment au renversement de Thaksin Shinawatra, légitimant, du coup, l'arrivée de la junte militaire au Pouvoir à Bangkok. Le chef de l'armée, le général Sonthi Boonyaratglin, se veut rassurant pour la suite des événements, déclarant notamment qu'il envisageait un rapide retour à la normale. Le pouvoir pourrait de nouveau revenir aux civils dans quelques semaines. Les nouvelles autorités de Bangkok entendent, d'ici-là, déférer le Premier ministre déchu devant la justice pour peu qu'ils lui mettent la main dessus. Mais si le sort de Thaksin Chinawatra paraît scellé — il sera au minimum définitivement écarté de la scène politique thaïlandaise —, les plus vives incertitudes pèsent sur l'avenir de la démocratie dans ce royaume, où le feu couve sous la cendre. Cantonnés dans leurs casernes depuis une quinzaine d'années, date du dernier coup d'Etat à leur actif, les militaires ont démontré que rien de politique ne pouvait leur échapper en Thaïlande. Le putsch perpétré contre Thaksin Chinawatra vise, au-delà de la seule personne du Premier ministre controversé, la paralysie de toute vie démocratique dans un pays qui aspirait à s'assurer sa place dans le monde. La communauté internationale prise de court par la soudaineté du coup d'Etat militaire pourra difficilement interférer dans ce qui s'apparente à une affaire interne de la Thaïlande. Ce qui explique la mesure des capitales occidentales, à l'évidence soucieuses de savoir jusqu'à quel point la junte au pouvoir à Bangkok serait une menace pour leurs intérêts stratégiques. Il est parfois aussi utile de ne rien dire que de se garder d'agir.