Pour la première fois en six mois d'émeutes, l'armée thaïlandaise a tenté de séparer les belligérants, a écrit hier le quotidien russe Nezavissimaïa gazeta. La loi martiale a été instaurée, que les experts qualifient de "demi-coup d'Etat". Les forces armées sont en mesure d'empêcher de nouveaux affrontements mais sont loin de pouvoir garantir une sortie de crise au niveau politique. Le chef de l'armée de terre thaïlandaise, Prayuth Chan-ocha, a instauré mardi la loi martiale. Il a appelé les manifestants qui ont paralysé le travail du parlement et empêché les élections du 2 février (les chemises jaunes), à cesser leurs manifestations. Cet appel concerne également les manifestants progouvernementaux (ou chemises rouges). Les militaires assurent qu'il ne s'agit pas d'un coup d'Etat mais l'histoire du pays en est remplie: après la fin de la monarchie absolue en 1932 ils en ont commis 11. A chaque fois, un organisme spécial était créé pour remplacer le gouvernement et diriger le pays jusqu'aux prochaines élections. On ignore encore quels pouvoirs l'armée a l'intention de s'attribuer cette fois, mais ils pourraient être très larges. Les militaires ont pris le contrôle des stations TV et radio pour empêcher la diffusion de sujets menaçant potentiellement la sécurité nationale. Dix chaînes satellites, aussi bien gouvernementales qu'antigouvernementales, ont cessé d'émettre. Il a été prescrit aux manifestants de rester dans leurs camps, répartis dans plusieurs quartiers de Bangkok. Selon la BBC, les soldats ont pris le contrôle des principaux bâtiments administratifs qui n'étaient pas occupés par les manifestants. On ignore également si l'armée a l'intention de soutenir l'un des camps - les conservateurs aristocrates ou les populistes provinciaux, qui n'arrivent pas à trouver un terrain d'entente depuis huit ans. Plus tôt, la Cour constitutionnelle avait relevé de ses fonctions la première ministre Yingluck Shinawatra, l'accusant de népotisme. Neuf membres de son gouvernement ont également été renvoyés. Cela n'a pas calmé les chemises jaunes car le nouveau Premier ministre par intérim, Niwattumrong Boonsongpaisan, appartient au même parti: Pheu Thai. Il n'a pas cédé à la pression du groupe de 70 sénateurs et a déclaré lundi qu'il ne démissionnerait pas. La formation d'un gouvernement ne sera possible qu'après les élections car la chambre basse a été dissoute par Yingluck Shinawatra en décembre. Avant toute avancée, les manifestants antigouvernementaux exigent de procéder d'abord aux réformes politiques. Récemment, le leader de l'opposition Suthep Thaugsuban a déclaré que si les manifestants n'atteignaient pas leurs objectifs d'ici le 27 mai, ils céderaient au gouvernement et rentreraient chez eux. Ainsi, l'assaut final serait prévu pour le week-end du 23-25 mai. Pourquoi l'armée a-t-elle instauré la loi martiale sachant que la fin des troubles approchait? Le fait est que la situation s'est soudainement aggravée: des explosions incontrôlées ont commencé à se produire à Bangkok, y compris là où les manifestants ne sont pas présents. Les malfaiteurs visaient une banque qui coopérait avec le palais royal et un hôpital portant le nom de l'une des princesses. Certains experts pensent que l'armée agit de manière préventive pour éviter de se lancer dans une chasse aux terroristes ou avoir à réprimer les émeutes. La veille, le meneur des manifestants anti-gouvernementaux en Thaïlande a promis mardi de continuer le combat pour faire chuter le gouvernement, estimant que la loi martiale ne changeait rien à la situation. Nous allons continuer à nous battre. Nous n'avons pas du tout gagné, a déclaré Suthep Thaugsuban devant ses partisans réunis non loin du siège du gouvernement, inoccupé depuis des mois en raison de la crise. L'annonce de la loi martiale n'a pas d'effet, pas plus qu'elle n'est un obstacle, en ce qui concerne notre combat, a-t-il ajouté, lors de ce meeting. L'armée thaïlandaise a décrété mardi la loi martiale et déployé des soldats dans Bangkok, faisant redouter à certains un coup d'Etat, après des mois de crise politique et de manifestations antigouvernementales ayant fait 28 morts. Les manifestants d'opposition qui campent devant le siège du gouvernement, réjouis par l'annonce de l'armée, espéraient la nomination rapide d'un Premier ministre neutre, qu'ils appellent de leurs vœux depuis des mois. Mais le chef de l'armée s'est contenté d'un appel au dialogue entre les deux parties. L'opposition assure être dans sa dernière ligne droite contre le gouvernement intérimaire, avec la récente destitution de la Première ministre, Yingluck Shinawatra. Ils l'accusaient d'être la marionnette de son frère, Thaksin Shinawatra, renversé par un coup d'Etat en 2006 et qui reste malgré son exil le facteur de division du pays.