Depuis un peu plus d'un an déjà, les cours des matières premières agricoles (blé, riz, soja, lait, maïs) flambent. Essor des biocarburants et aléas climatiques, forte croissance démographique et économique, notamment en Chine et en Inde, autant de facteurs qui tirent les prix vers le haut. Ainsi, depuis quelque temps, le prix du blé, céréale universelle, a quasiment doublé. La demande dépasse l'offre, les stocks sont au plus bas. S'achemine-t-on vers une pénurie mondiale ? Au Moyen-Orient et Afrique du Nord, régions importatrices de blé, l'Egypte s'est positionnée dès août sur les marchés pour acheter des quantités massives, tandis que, devant l'envolée des prix du pain (+ 25 % durant l'été), le gouvernement marocain décidait en urgence de prendre à sa charge la hausse des cours afin d'approvisionner ses minoteries à un tarif raisonnable. De son côté, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) s'inquiète de l'impact de la flambée des céréales sur les pays les plus pauvres et prédit des troubles sociaux. "Le panier d'importations alimentaires des pays les moins avancés va coûter 90 % de plus en 2007 qu'en 2000 !", a calculé l'économiste Adam Prakash. Au sein des gouvernements, on surveille aussi nerveusement la reprise de l'inflation. Ainsi, en Chine, les tarifs des denrées alimentaires ont bondi de 18,2 % en août, quand les autres produits n'affichaient qu'un modeste + 0,9 %. En Italie, l'appel lancé en septembre par plusieurs associations à faire "la grève des pâtes" n'a guère été suivi. Face à la hausse du prix des spaghettis, les premiers consommateurs mondiaux protestent, mais continuent à honorer leur plat national. Pour toutes les matières premières agricoles, les raisons de cette surchauffe sont les mêmes : une croissance économique mondiale inédite. Si l'on ajoute les dérèglements climatiques de plus en plus nombreux dus au réchauffement de la planète et, en sus, la concurrence croissante des biocarburants, un nouveau cycle de hausse paraît inéluctable. Les " experts ", d'ailleurs, ont tous doctement expliqué à la rentrée que l'envolée des prix était prévisible, puisque la consommation a dépassé huit fois sur dix la demande au cours des dix dernières années. Fin septembre, le Conseil international des céréales tablait ainsi, pour la saison 2007-2008, sur une récolte de 607 millions de tonnes de blé pour une demande de 614 millions de tonnes. Il déclarait que les stocks avaient chuté à deux mois de consommation, le plus bas niveau depuis trente-deux ans ! D'où la nervosité des marchés, qui oscillent en fonction des prévisions de moisson du monde entier. A l'avenir, la production de blé pourra- t-elle suivre la croissance de la demande ? Les avis sont très partagés. Seule certitude, il faut reconstituer les stocks, afin d'éviter pénuries et nouvelles spéculations. Urbanisation, désertification, développement de cultures concurrentes comme le maïs et le colza, les surfaces mondiales ont baissé depuis vingt ans. A plus longue échéance, l'approvisionnement du monde dépendra d'un facteur clef : la modernisation de l'agriculture de l'Est, ont souligné les experts. La Russie et les anciennes républiques d'URSS recèlent de gigantesques réserves de productivité. Malheureusement, elles ont aussi un climat très, très capricieux. "Les terres d'Ukraine sont excellentes, mais les fluctuations climatiques sont incroyables. En outre, les besoins d'investissement se révèlent énormes, le retard en génétique végétale important et il faudra au moins de dix à quinze ans pour mettre à niveau une exploitation", explique-t-on.