Avoir fait chuter Moubarak n'a pas réglé tous les problèmes que voulaient résoudre les manifestants en croyant pouvoir et devoir faire la révolution. Avoir ensuite fait chuter Morsi n'a non plus pas réglé les problèmes que voulaient résoudre les manifestants qui croyaient avoir réussi à faire la révolution. Aujourd'hui que le pouvoir (pouvoir nouveau, vraiment ?) issu du renversement de Morsi a réprimé, outre les pro Morsi, également les anti Morsi, ils ont le sentiment de n'avoir rien obtenu du tout. Pire, ils pensent probablement que le régime s'est renforcé plutôt qu'affaibli et que leur victoire (celle-ci devait être double) allait les débarrasser autant de l'autoritarisme (dictature) que de l'islamisme. Retour à la case départ. Ils ont fait tomber un pouvoir issu des militaires au profit des islamistes, puis ils ont fait tomber le pouvoir islamiste issu de la première phase de la " révolution " au profit de la continuité du pouvoir autoritariste issu (ou appuyé) des militaires. Les manifestants (ainsi que les opinions publiques arabes) se rendent alors compte qu'il ne peut y avoir pour le moment et pour longtemps encore de choix en matière de système politique entre la démocratie et l'islamisme. Quelles leçons à en tirer pour le monde arabe ? La première manifestation anti système Moubarak avait réuni, sans unir les différents courants politiques. Puis, ce furent les islamistes qui accédèrent au pouvoir. En Tunisie par exemple, ce furent également les islamistes qui accédèrent au pouvoir. En Libye, le président du CNT qui était le ministre de la Justice sous le règne de Kadhafi, avait annoncé la coloration islamiste du système politique. Cela serait-ce une règle générale que les systèmes politiques dans les pays arabes ne devraient s'alterner qu'entre autoritarisme et islamisme ? Pouvons-nous dire alors que dans les pays arabes , pour simplifier les choses, trois forces distinctes sont en présence, à savoir ceux qu'on pourrait appeler les démocrates, ceux qu'on réunit sous le vocable d'islamistes, et il y a le pouvoir, c'est-à-dire l'autoritarisme qui regroupe ceux qui ne sont ni démocrates, ni islamistes, ou qui penseraient qu'il faudrait opter pour une voie pragmatique, les conditions ne pouvant pas être réunies pour faire coexister pacifiquement les démocrates et les islamistes ? Aux réactions occidentales (particulièrement américaines), il apparaît comme une évidence que ces pays soutiennent le régime actuel et qu'ils tiennent à ce que n'émergent ni les démocrates, ni les islamistes, pour la double raison qu'aussi bien la politique extérieure égyptienne que la politique de défense les agréent parfaitement et ne doivent en aucune façon changer. Moubarak a su préserver les relations de paix que son pays entretient avec Israël depuis les accords de camp David et le rôle que les Américains font jouer à l'armée égyptienne en tant que pivot arabe dans l'architecture américaine de sécurité internationale. N'est-ce pas que les positions occidentales à l'égard de la Syrie ne sont pas les mêmes ? Pas plus qu'elles n'étaient les mêmes à l'égard de la Libye. Une remarque importante est à faire, à savoir que le CCG s'aligne sur les positions américaines. Pas de similitude dans les positions du CCG sur les questions syrienne et égyptienne, encore moins à l'égard de la question bahreïnie. Le pouvoir égyptien n'a jamais travaillé en faveur des démocrates. Il n'a jamais travaillé en faveur des islamistes. Il craint aussi bien la démocratie que l'islamisme et peut être plus la première que le deuxième. Cependant, les islamistes sont la seule force organisée après l'armée, et ce schéma se présente à peu près de cette façon dans tous les pays arabes. Morsi est tombé, son tombeur a pris sa place. Comment finira le feuilleton égyptien ? Les manifestants ne sont plus inhibés, ils n'ont plus peur. Le régime ne veut pas lâcher.