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Eviter les discours idéologiques et analyser objectivement les impacts de l'Accord d'association Algérie/Europe et de l'adhésion à l'OMC
Publié dans Le Maghreb le 15 - 07 - 2014

L'objet de cette contribution est de poser objectivement les impacts de ces Accords loin des débats stériles sans analyses réalistes, relevant d'une idéologie dépassée.

Il s'agit de dresser une balance : les pertes en statique mais également les pertes en dynamique ( freine les réformes ) en cas de la non- adaptation aux valeurs internationales, vivant en ce XXIème siècle dans un monde globalisé ou toute Nation qui n'avance pas recule forcément. Les fondateurs du communisme membres de l'OMC, la Russie et la Chine, la majorité des membres de l'OPEP (le Maroc et la Tunisie sont membres) l'ont compris. L'OMC représente plus de 85% de la population mondiale et 95% des échanges mondiaux. Evitons certaines positions tranchées, par ceux qui veulent isoler l'Algérie, qui, sous le faux discours " nationalistes ", défendent des intérêts de rente. Or personne n'a le monopole du nationalisme. Rappelons que l'ex- président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, avait effectué une visite à Alger début juillet 2013 ayant discuté notamment du mémorandum sur l'énergie, de l'accord sur la politique de voisinage, des impacts des tensions au niveau du Sahel, au niveau de la région tout en insistant sur l'urgence d'entrevoir l'intégration économique du Maghreb en dépassant les divergences conjoncturelles. Au mois de mai 2014, le ministre des Affaires étrangères algérien s'est rendu à Bruxelles pour discuter des mêmes thèmes. Rappelons que le 1er septembre 2005, l'Algérie a signé un Accord d'Association de libre-échange avec l'Europe où il était prévu le démantèlement graduel de deux listes de produits européens à l'importation en Algérie, dont l'une sera complètement démantelée en 2012 et l'autre en 2017. Le démantèlement tarifaire a été reporté à 2020 pour certaines gammes.

1. L'impact de l'Accord d'Association
Les produits industriels devraient subir progressivement un dégrèvement tarifaire allant vers zéro horizon 2020. Comme incidences générales: l'interdiction du recours à la "dualité des prix" pour les ressources naturelles, en particulier le pétrole (prix internes plus bas que ceux à l'exportation); l'élimination générale des restrictions quantitatives au commerce (à l'import et à l'export); obligation de mettre en place les normes de qualité pour protéger la santé tant des hommes que des animaux (règles sanitaires et phytosanitaires). Avant de se lancer dans des unités pétrochimiques ou unités fonctionnant au gaz destinées à l'exportation, nécessitant des dizaines de milliards de dollars d'investissement sur fonds publics, si l'on veut éviter des problèmes avec les structures européennes et américaines à la concurrence qui peuvent interdire l'entrée de ces produits au sein de leur espace, il y a lieu résoudre le problème de la dualité du prix du gaz, et d'une manière générale les subventions. L'obligation d'observer les règles de protection de l'environnement; la libre circulation des capitaux, supposant d'assouplir la règle des 49-51% ; la protection de la propriété intellectuelle qui est une condition essentielle de l'investissement direct étranger et du développement de la sphère réelle, les pays membres s'engageant à combattre le piratage donc la sphère informelle ; le démantèlement des droits de douane et taxes pour les produits industriels et manufacturés; les relations de partenariat entre les deux parties seront basées sur l'initiative privée. Les conséquences de l'Accord sont donc reportées à l'horizon 2020 posant la problématique d'entreprises concurrentielles. Il y a urgence d'un changement de la mentalité bureaucratique et la facilité et la fuite en avant est de vouloir imputer les causes du blocage seulement à l'extérieur, alors que le mal essentiel est en nous. La dernière enquête de l'ONS montre bien que 83% du tissu économique algérien est constitué d'entités commerçantes et de services de petites dimensions avec un dépérissement du tissu productif. Et même au niveau de la sphère réelle, la prédominance est les entités familiales, plus de 80% du tissu économique, peu initiées au management stratégique et aux rouages de la nouvelle économie internationale. Attention aux faux calculs: sur les 50% dans le Produit intérieur brut hors hydrocarbures, ou les 6% de croissance invoqués par les officiels, plus de 80% étant eux-mêmes tirés par la dépense publique via les hydrocarbures, ce qui donne aux entreprises créatrices de richesses publiques ou privées (souvent endettées vis-à-vis des banques publiques) une part négligeable, le blocage étant d'ordre systémique. La baisse de la salarisation des secteurs productifs depuis plus de deux décennies au profit des emplois rentes (moins de 20% du PIB) traduit la prédominance de l'économie rentière et la faiblesse de la dynamique de l'entreprise créatrice de valeur ajoutée. Les infrastructures qui ont absorbé les 70% de la dépense publique entre 2000/2013 avec des surcoûts exorbitants, n'étant qu'un moyen, l'expérience récente malheureuse de l'Espagne du fait de la crise actuelle, avec l'effritement de son économie (taux de chômage de plus de 25%) qui a misé sur ce segment, doit être méditée attentivement par les autorités algériennes. Je pense qu'il faut cerner les causes fondamentales de la faiblesse pour ne pas dire la nullité de l'investissement hors hydrocarbures. Aussi, pour pouvoir attirer les investissements porteurs, le gouvernement algérien devrait donc mettre en place des mécanismes de régulation afin d'attirer des investisseurs porteurs, évitant des changements périodiques de cadres juridiques, des actions administratives bureaucratiques non transparentes source de démobilisation et qui risquent de faire fuir les investisseurs sérieux qu'ils soient locaux ou étrangers. L'essence du blocage réside en Algérie au système bureaucratique que je qualifie de terrorisme bureaucratique, produit d'une gouvernance bureaucratique tant centrale que locale. Cela renvoie à la logique rentière qui favorise la sphère informelle fonctionnant dans un Etat de non-droit qui accapare 40% de la masse monétaire en circulation, contrôle 65% des segments de produits de première nécessité, existant des liens dialectiques bureaucratisation de la société, extension de cette sphère, évasion fiscale et corruption où tout se traite en cash. A cela s'ajoutent la sclérose du système financier lieu de distribution de la rente, la faiblesse d'un marché foncier libre (la léthargie de la Bourse d'Alger) et enfin d'un système socio-éducatif inadapté, les universités actuellement étant une usine à produire des chômeurs. La responsabilité première du bas niveau est à rechercher au niveau du primaire, les CEM et le secondaire, ayant une école sinistrée. Tout cela renvoie au manque de cohérence et de visibilité dans la démarche de la politique socio-économique qui freine non seulement les investisseurs étrangers mais également les investisseurs locaux sérieux qui peuvent accroître la valeur ajoutée interne et pas seulement se focaliser dans des investissements spéculatifs à court terme et dans l'importation.

2. L'Europe principal marché de l'Algérie
L'Algérie approvisionne en gaz conventionnel l'Europe seulement de 9% en 2013 contre entre 13 et 15% entre 2009/2011, loin derrière la Russie (30% du marché) et la Norvège perdant des parts de marché avec l'entrée de nouveaux concurrents comme le Qatar (8% en 2013). Comme en témoigne le gel du projet de Galsi via l'Italie, (dont le coût est passé de 2,5 milliards de dollars à plus de 4 fin 2013) face à la concurrence du North et South Stream russe d'une capacité totale de 120 milliards de mètres cubes gazeux, la Russie à travers Gazprom, ayant décidé d'aligner une fraction des prix de ses exportations sur le marché libre. Aussi, les négociations aussitôt les contrats à terme terminés, interviennent dans un contexte particulier, marqué par des bouleversements profonds de la carte énergétique mondiale. Alors que les dernières statistiques montrent que près de 60% des échanges commerciaux de l'Algérie durant le premier trimestre 2014 ont été réalisés avec l'Union européenne (UE), premier partenaire commercial du pays, selon le Centre national de l'informatique et des statistiques (Cnis) des Douanes. Le montant global des échanges commerciaux de l'Algérie réalisés durant cette période a atteint 30,26 milliards de dollars, dont 18,07 milliards avec les pays de l'UE, soit une part de 59,72%. La Chine demeure le premier fournisseur de l'Algérie avec 1,87 milliard de dollars, suivie par la France (1,67), l'Italie (1,26) et l'Espagne (1,21). L'Algérie n'ayant rien à exporter à court terme que les hydrocarbures (98% de ses entrées en devises), ce taux qui est appelé à croître, malgré la percée de la Chine, (ce pays entame une révolution à la fois dans le gaz de schiste et les énergies renouvelables avec des incidences planétaires entre 2017/2020 ) et ce, avec la baisse de demande d'énergie des USA. L'Algérie ne sera-t-elle pas contrainte de faire de nouvelles concessions aux Européens pour les préserver comme clients ? La concurrence de la Russie, qui recèle d'énormes réserves gazières, environ 25% des réserves mondiales, (30% de l'approvisionnement de l'Europe) malgré la crise ukrainienne de la Norvège et du Qatar, (ces trois pays totalisant plus de 50% des réserves mondiales) sans compter les nouvelles découvertes en Afrique et en Méditerranée. Le retour de l'Irak, la Libye, l'Iran sur le marché mondial, , le gaz de schiste américain mettent l'Algérie dans une situation de vulnérabilité dangereuse vis-à-vis de ses clients traditionnels. Pour l'Asie, le marché énergétique est dominé par les pays du Golfe, l'Iran et la Russie.
Les GLN algériens pourront -ils se positionner sur ce marché, vu nos modestes réserves, qui ne dépassent pas 1,5% des réserves mondiales en gaz traditionnel (2500 milliards de mètres cubes gazeux selon les experts, 2000 selon la déclaration du P-DG de Sonatrach en date du 24 février 2013 et non pas 4500, données de BP de 1999 non réactualisées), la consommation intérieure risquant horizon 2017 d'atteindre le même niveau que nos exportations actuelles au vu des récentes décisions de doubler la capacité d'électricité à partir des turbines de gaz, plus 100 milliards de mètres cubes gazeux horizon 2030 au vu des prix plafonnés d'électricité depuis 2005, et seulement 0,6% des réserves mondiales pour le pétrole. Dès lors, les Européens demandent une révision des clauses des contrats, une baisse des prix avec l'assouplissement de la formule de l'indexation des prix du gaz sur ceux du pétrole au profit de la loi du marché. D'ailleurs, Gazprom a fait d'importantes concessions dans ce domaine et les Italiens viennent de gagner une bataille juridique internationale contre Sonatrach en ce qui concerne la baisse des prix du gaz. Gaz de France suivra le même chemin pour les mêmes raisons. Et l'introduction du gaz de schiste bouleverse la carte énergétique mondiale. Le gaz de schiste est une spécialité américaine par excellence. Certes, nous avons des réserves importantes, mais avons-nous les moyens humains et matériels nécessaires pour explorer cette énergie et surtout à quel coût ?
La réponse est pour l'instant non car pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables économiquement face à la concurrence. En plus, l'Algérie est un pays semi-aride, un milliard de mètres cubes gazeux nécessitant un million de mètres cubes d'eau douce, (donc des unités de dessalement), l'eau du Sud étant saumâtre), la perforation sur plusieurs kilomètres carrés nécessitant bon nombre de canalisations qui alourdissent les coûts sans compter les risques de détérioration de l'environnement. Mais le plus important est que Sonatrach ne dispose pas des cadres qualifiés dans ce domaine pour pouvoir entamer l'exploitation de ce type d'énergie. A moins de faire appel, comme toujours, à l'assistance étrangère sachant que le poste services au niveau de la balance des paiements est passé de 2 milliards de dollars en 2002 à environ 12 milliards de dollars annuellement entre 2012/2013. Et on revient toujours au fondement de la richesse des Nations, la ressource humaine Car n'oublions pas que les USA ont commencé les recherches sur le gaz et le pétrole de schiste en 1985 avant de maîtriser tous les types de forage et la récupération. De ce fait, grâce à la recherche, les USA deviendront un exportateur net de pétrole et de gaz de schiste entre 2017 2020, selon l'AIE. Il faut savoir que 20% des recettes de Sonatrach proviennent actuellement de ce pays, qui arrêtera d'importer notre pétrole et gaz en 2017 ou au plus tard en 2020. Par quel marché pouvons-nous remplacer les USA ? De même que la Chine, première réserve mondiale de gaz de schiste avant les USA, dont le Congrès du parti a donné son feu vert pour l'exploitation de ce type d'énergie. Si pendant encore quelques années l'Algérie a un répit du fait de ses réserves de change estimées à environ 194 milliards de dollars, il ne faut pas oublier que selon des rapports établis par des institutions spécialisées, le prix du Brent se stabilisera en 2017 autour de 90 dollars le baril avec une déconnection accrue des prix du gaz par rapport à celui du pétrole. Or, l'Algérie calcule ses dépenses sur la base de 110 dollars le baril, le Fonds de régulation des recettes risquant de fondre dans trois à quatre années avec les risques de tensions sociales et politiques. L'Algérie ne peut continuer dans cette voie suicidaire dépenser sans compter.

3. Pour un co-développement Algérie-Europe
L'objectif stratégique de l'Algérie est de diversifier son économie n'ayant presque rien à exporter hormis les hydrocarbures, reflété par le taux modique d'exportation hors hydrocarbures : 2/3% dont 50% constitués de déchets d'hydrocarbures et a besoin d'un co-développement, mon ami Jean-Louis Guigou, Délégué à l'IPIMED, parlera également de co-localisation, d'un véritable partenariat gagnant-gagnant Algérie/Europe. Mais cela nécessite comme rappelé précédemment, de profondes réformes structurelles au niveau intérieur afin de pouvoir mener à bien des négociations profitables à l'Algérie évitant qu'elle ne soit perçue uniquement comme un marché. Cela suppose la création d'un fonds souverain. A ce titre, je préconise que 20% des réserves de change de l'Algérie dont 86% sont placées à l'extérieur (en majorité en bons de Trésor américain et en obligations européennes) à un taux relativement faible (intérêts rapportant en moyenne 4 milliards de dollars par an) soient consacrées à la création de ce fonds, à l'instar de la Russie, du Qatar ou de la Norvège. Il est à rappeler que les divergences se sont accentuées suite aux décisions du gouvernement courant 2009 de postuler 51 % aux Algériens dans tout projet d'investissement. Catherine Ashton, ex-commissaire européenne au Commerce, avait invoqué que l'Algérie aurait violé les articles 32, et 37, 39 et 54 de cet Accord. Lors de sa visite à Alger les 6/7 juin 2010, le commissaire européen à l'Elargissement et à la Politique de voisinage, M.Stefan Füle, a indiqué que la part de l'UE dans les importations de l'Algérie a régressé au bénéfice de la Chine. Il avait souligné que si l'Algérie n'a pas tiré profit de l'Accord d'Association, c'est parce que les réformes structurelles n'ont pas été menées. Récemment entre 2013/2014, les Américains et les Européens ont demandé un assouplissement de cette règle. Consolider le front social intérieur, la mise en place de mécanismes transparents dans la gestion des affaires, l'implication de l'ensemble des segments pour une société plus participative et citoyenne, la valorisation du savoir, une bonne gouvernance, sont les conditions fondamentales pour réaliser la transition économique et pour éviter que la puissance publique soit utilisée à des fins d'enrichissements privés.
Cela montre l'urgence d'une production et exportation hors hydrocarbures, une action pour plus de cohésion sociale évitant cette concentration injuste de la répartition de la rente renvoyant à une lutte concrète contre cette corruption qui s'est socialisée et une profonde moralisation de ceux qui dirigent la Cité. Comme se pose cette question lancinante, l'importance de l'intégration du Maghreb au sein de l'espace euro-méditerranéen, pont entre l'Europe et l'Afrique, comme facteur d'adaptation à la nouvelle configuration géostratégique mondiale. Aussi, l'Algérie, si elle veut bénéficier de cet Accord, autant que son adhésion future à l'Organisation mondiale du commerce doit créer des conditions favorables au développement en levant les contraintes d'environnement, le mal étant avant tout en nous et devant éviter d'invoquer toujours l'extérieur comme ennemi, discours démagogique qui ne prend plus. Invoquer également que l'Algérie ne doit pas adhérer à l'OMC sous prétexte qu'elle est une économie mono- exportatrice ne tient pas la route, la majorité des pays de l'OPEP, étant membre dont les derniers en date sont l'Arabie saoudite et l'entrée d'un non- membre de l'OPEP, poids lourd qui est la Russie. Par ailleurs, ceux qui invoquent la menace sur le tissu productif algérien oublient que la récente enquête de l'ONS montre clairement un dépérissement du tissu productif : moins de 5% de l'industrie dans le PIB et sur ces 5%, 95% sont des PMI-PME peu initiées au management stratégique et que la superficie économique pour 83% est constituée de petits commerce et services. Où est donc le danger d'adhérer à l'OMC et peut-on rester dans le statu quo actuel ? Cette vision nouvelle, implique donc une nouvelle mentalité culturelle et des réformes structurelles en profondeur au niveau intérieur tant politique, social qu'économique.
L'objectif stratégique comme facteur d'adaptation à la mondialisation, irréversible, est de favoriser l'épanouissement de l'entreprise, seule source de création de richesses, permanentes, et son fondement la valorisation du savoir renvoyant à l'urgence d'une gouvernance rénovée donc à la refonte de l'Etat, impliquant une participation plus citoyenne au sein d'un Etat de droit.


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