Le mercure a frôlé les 40°, hier à Alger. La vague de chaleur sans précédent s'abat depuis quelques jours sur l'ensemble des régions nord du pays. Sauf que cette mercuriale ardente n'est pas seulement dans le temps mais aussi dans les marchés. Ainsi, à mi-parcours du mois sacré, la part des budgets de nombreuses familles algériennes à l'alimentation est déjà épuisée. Conséquence de la traditionnelle spéculation sur les prix des denrées alimentaires, les Algériens sont contraints à de nombreux sacrifices pour subvenir à leurs besoins et respecter leurs traditions. De ce fait, la tradition ramadhanesque est respectée. Les prix des produits alimentaires ont augmenté mais les consommateurs sont habitués. Ce Ramadhan 2014 ne fait pas exception, il pourrait même devenir historique en matière de spéculation sur les produits alimentaires. "Les prix, c'est du jamais vu ! C'est plus fort que la canicule", lance Aïcha, un couffin à la main, sous les étals ombragés du marché de Kouba écrasé par la chaleur en plein Ramadhan. Les Algériens désargentés vivent dans la souffrance leur Ramadhan, et ce, en dépit des multiples promesses de baisser les prix des produits alimentaires. En effet, les mesures promises par les pouvoirs publics n'ont pu contenir la spéculation. "Cette année tout est trop cher, les prix battent des records historiques !" se plaint la ménagère jetant un regard impuissant sur des étalages bien approvisionnés mais hors de portée. "Les gens ne peuvent que regarder et passer leur chemin", observe Aïcha, obligée de contenter sa famille avec un plat "Chorba" (sans viande) pour la rupture du jeûne. Entre les cris stridents des marchands et l'odeur âcre du poisson, des Algérois font plusieurs fois le tour du marché en quête de produits à prix raisonnables. Un kilo de citron aujourd'hui à 200 dinars, soit l'équivalent de deux euros, huit fois plus qu'avant le Ramadhan ! "Avec mon budget de 14 000 dinars, l'équivalent au taux parallèle de 140 euros, je pouvais m'arranger pour tout le mois, mais cette année, j'ai tout dépensé la première semaine", renchérit Selima, une ouvrière dans le textile. Début juin, le ministre du Commerce, Amara Benyounès, avait exhorté les consommateurs à maintenir leur mode de consommation habituel à la veille du Ramadhan et à ne pas céder à la frénésie et à la panique pour constituer chez eux des stocks de produits alimentaires. Car, selon lui, l'offre sur le marché est suffisante et peut aisément faire face à la demande. Selon lui, cette méthode allait réduire les prix. Hélas, quelques jours après le début du mois sacré la pénurie de lait battait son plein. Ce qui remettait en cause la promesse de la disponibilité des denrées alimentaires. Par ailleurs, censé être un mois d'abstinence et de rigueur, le Ramadhan donne paradoxalement lieu à une frénésie de consommation et à la spéculation. 10 487 infractions ont été recensées pour la première semaine du mois de Ramadhan, par des brigades déployées par les autorités qui sont débordées. "Le gouvernement doit faire ce qu'il faut pour contenir la hausse des prix et augmenter les salaires, sinon les petites bourses vont finir par mourir de faim ", lance Mohamed, un fonctionnaire dépité. "Quoi de plus important que de manger à sa faim durant le Ramadhan", renchérit-il.
Le pouvoir d'achat en chute libre ! Ainsi, les prix des fruits et légumes demeurent encore ''anormalement élevés'' au 20ème jour du mois sacré de Ramadhan, déplorent de nombreux citoyens rencontrés hier dans quelques marchés de proximité de la capitale. Abdelmadjid, un père de famille d'une quarantaine d'années, approché au marché du centre-ville, n'en finit pas de pester devant le prix des poivrons, cédés à 100 dinars le kg alors que dans les marchés de gros le prix de ce légume de saison particulièrement apprécié pendant le Ramadhan ne dépasse pas les 17 dinars. Il a été noté, en effet, durant la première quinzaine du mois de jeûne, une ''différence importante'' entre les prix des légumes pratiqués dans les exploitations agricoles et ceux imposés dans les marchés de détail, indiquent les responsables de la Chambre locale de l'agriculture qui affirment ''assurer un suivi quotidien des cours'' des produits agricoles. Les marges bénéficiaires réalisées par les intermédiaires, toujours plus nombreux, sont plus importantes que les prix de vente dans les exploitations agricoles, faisant que l'agriculteur ''s'en sort tout juste'', affirme Anis. Pour être mis en cause, le pouvoir d'achat des Algériens l'est' violemment durant ce mois de Ramadhan dans un marché travesti par une masse de spéculateurs remettant aussi en question les fondements même de l'économie tant il y a un désordre faute d'une véritable régulation. Le quotidien du citoyen subit une pratique et une activité commerciale prêchant par volontarisme incontrôlé dans le monopole et la maîtrise des prix des produits de large consommation. Ici, la justesse du soutien de l'Etat au pouvoir d'achat du citoyen officiellement en vigueur depuis des années est, si l'on ose dire, mise à nu par ces augmentations qui n'en finissent pas, donc plus hostiles socialement. Par la faute de ces pratiques illicites du reste impossible à maîtriser par les pouvoirs publics, le Ramadhan et même la solidarité nationale sont en train de devenir ce qu'ils n'auraient jamais dû être : une activité de société inhumaine où se meut la tricherie envers Dieu Le Tout Puissant mettant en évidence la désuétude de l'esprit social lui-même. Les transactions douteuses entre grossistes et commerçants détaillants et qui s'opèrent au détriment, souvent, du Trésor public, loin de servir l'intérêt de la collectivité et du citoyen, sont l'œuvre d'individus véreux qui se sont habitués en toute liberté à se servir sur le dos de tous, à justifier leurs pouvoirs de manipulation du marché. Enfermée comme toujours dans ces réseaux mafieux, la solidarité nationale s'est coupée de la réalité, en dépit de la très grande disponibilité des produits sur le marché. Impuissant, devant cet état de fait, le consommateur qui devrait être souverain à régler l'équilibre du marché, continue à subir les affres de cette agression qui revient à chaque année et toujours mise en marche par les mêmes réseaux ; ceux qui muent par l'amour du profit. C'est néanmoins ce qu'il y a de plus attrayant de la part de ces spéculateurs, car, à l'opposé de ce que fait l'Etat dans la sphère sociale, c'est en partant des faits que ces gens-là sont en train de réussir dans leur sale besogne à porter atteinte à la bourse des ménages. C'est d'ailleurs une tendance qui se répète avec détermination. Un comportement décrié en plus de l'inégalité inévitable des prix engendrée par l'économie de marché, se transformant en système domine la stratégie de la société commerciale privée.