L'inflation a légèrement marqué le pas en juin au Japon, malgré un bond de plus de 3% sur un an en grande partie dû à la hausse de la taxe sur la consommation, signe que l'archipel n'a pas encore gagné son combat. Les prix à la consommation, hors ceux des produits périssables, ont augmenté de 3,3% en juin, leur 13e mois consécutif de progression, a annoncé vendredi le ministère des Affaires intérieures. Ils avaient gagné 3,2% en avril et 3,4% en mai. Ce petit ralentissement, conjugué à une conjoncture économique incertaine, risque de relancer les spéculations sur la nécessité d'un nouvel assouplissement de la politique monétaire de la Banque du Japon (BoJ). Objectif: vaincre la déflation qui mine l'économie nippone depuis une quinzaine d'années. Entre décembre et mars, les prix avaient invariablement progressé chaque mois de 1,3%. L'entrée en vigueur le 1er avril d'une "TVA japonaise" à 8% (contre 5% auparavant), destinée à enrayer l'envolée de la dette publique, a encore amplifié la tendance, mais les chiffres dévoilés vendredi témoignent d'un relâchement de la pression. En excluant l'effet "TVA", qui gonfle l'inflation de l'ordre de deux points, le phénomène est encore plus clair. L'augmentation hors taxe s'établit ainsi à 1,3% en juin, selon la méthode de calcul proposée par la banque centrale du Japon, décélérant pour le deuxième mois d'affilée (+1,5% en avril, +1,4% en mai). Dans le détail, les prix (taxe comprise) ont été portés par une forte montée des tarifs de l'électricité (+9,9%), de l'essence (+10,6%) et du gaz (+7,4%), ainsi que par les produits alimentaires (+5,1%). Sans l'énergie et l'alimentation, la hausse n'est que de 2,3%, 0,1 point de plus qu'en mai. Si l'inflation a été aidée jusqu'à présent par le renchérissement des produits importés (énergie en tête) sur fond de baisse du yen, le gouvernement et la BoJ escomptent désormais entretenir une inflation intrinsèque fondée sur une demande et une offre dynamiques, note un livre blanc sur l'économie et les finances rendu public cette semaine. "Bien que nous ne soyons plus dans une situation déflationniste, nous ne sommes qu'à mi-chemin vers l'objectif d'inflation de 2%", est-il écrit dans ce document. Et le plus délicat est à venir. Les analystes de Capital Economics et d'autres instituts pensent en effet que l'inflation pourrait tomber sous la barre des 3% dans les prochains mois. Hors taxe, elle pourrait même être inférieure à 1%. Le gouverneur de la banque centrale, Haruhiko Kuroda, avait dit mi-juillet s'attendre à un ralentissement à court terme, mais il s'était montré optimiste, entrevoyant une remontée pour la fin de l'année, et avait donc maintenu le statu quo. Toutefois, si la situation s'aggravait, la BoJ n'aurait sans doute d'autre choix que de faire un geste de soutien supplémentaire à l'économie. Pour l'heure, la politique conduite "produit les effets voulus" et elle sera mise en œuvre "aussi longtemps que nécessaire" pour parvenir à une "progression des prix de 2% par an de façon durable", a souligné récemment l'institut, sans exclure d'éventuels "ajustements" si besoin. Or la reprise de la consommation s'annonce incertaine du fait du contrecoup de la hausse de taxe qui a freiné la fièvre acheteuse des Nippons. De plus, le déficit commercial a atteint un record au premier semestre, alors que les exportations peinent à décoller. Le gouvernement de Shinzo Abe a d'ailleurs revu sa prévision de croissance pour l'année budgétaire en cours (d'avril 2014 à mars 2015), l'abaissant de 0,2 point à 1,2%. Vendredi, M. Abe et ses ministres ont validé les directives données aux agents de l'Etat pour les demandes de crédits devant servir à l'établissement du budget 2015-2016. Il est d'ores et déjà prévu que soit provisionnés 4 000 milliards de yens (29 milliards d'euros) destinés à "la stratégie de croissance", une des pierres angulaires de la politique économique "Abenomics". Mais le livre blanc rappelle l'impérieuse nécessité de mettre en place en parallèle des réformes structurelles et d'assainir les finances publiques. La troisième puissance économique mondiale est endettée à hauteur de plus de 200% de son produit intérieur brut (PIB), une proportion sans égale parmi les pays développés.
Un déficit commercial record au premier semestre Le Japon a déploré un déficit commercial record sur les six premiers mois de l'année 2014, bien pire que celui de la première moitié de 2013 qui était déjà à un niveau inédit, a annoncé le ministère des Finances. Le solde négatif des comptes commerciaux des mois de janvier à juin derniers s'est élevé à 7 598 milliards de yens, en hausse de 57,9% par rapport à celui du premier semestre 2013, un montant jamais atteint depuis le lancement de cette statistique sous cette forme en 1979. En déficit commercial depuis désormais deux années entières, conséquence indirecte de l'accident nucléaire de Fukushima, la troisième puissance économique mondiale n'avait jamais connu une telle série noire. Depuis mars 2011, l'archipel doit importer nettement plus d'hydrocarbures pour alimenter ses centrales thermiques, et ainsi compenser l'arrêt actuellement total des réacteurs atomiques du pays. Sur le seul mois de juin, le déficit a plus que quadruplé sur un an, s'élevant à 822,2 milliards de yens. Autrefois habitué à des excédents réguliers soutenus par la puissance de ses industries exportatrices (électronique, automobile, etc.), le Japon connaît désormais des déficits chroniques. Il faut remonter à juin 2012 pour trouver un excédent commercial, qui plus est bien maigre (56 milliards de yens). Pour les six derniers mois, la faute en revient aux importations qui ont grimpé de 10% en valeur, à 42 648 milliards de yens, et de 3,6% en volume. Le coût des hydrocarbures a encore pesé lourd, avec une facture de gaz naturel liquéfié (GNL) en progression de 11,6%, de pétrole brut en hausse de 5,1%. Les achats de semi-conducteurs et composants électroniques (venus notamment de Chine et autres pays d'Asie où sont installées des usines délocalisées de groupes nippons) ont par ailleurs bondi de 29,4%. La valeur de ces importations s'est trouvée de surcroît mécaniquement renchérie par la forte dépréciation du yen, du fait de la politique d'assouplissement de la banque centrale du Japon. Le dollar a évolué en moyenne à 102,70 yens au premier semestre, contre 94,62 yens un an plus tôt, ce qui correspond à une baisse de 8,5% de la devise nippone face au billet vert, précise le ministère. Dans le même temps, et c'est un gros problème pour le gouvernement Abe, les exportations ont peiné à décoller. Elles ont affiché une timide hausse de 3,2% en valeur, reculant même de 0,2% en volume, à 35.049 milliards de yens. Le secteur de l'automobile, les instruments scientifiques et les produits plastiques ont néanmoins permis de sauver la face.