La Commission européenne présentée mercredi par Jean-Claude Juncker confie trois grands postes économiques à la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, et s'articule autour de sept vice-présidences chargées d'en coordonner le travail. Plus politique que l'exécutif européen sortant, elle compte cinq anciens chefs de gouvernement et 13 ministres ou anciens ministres, sur un total de neuf femmes et 19 hommes. Elle doit être approuvée par le Parlement européen avant d'entrer en fonction au 1er novembre Président de la commission Le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, 59 ans. L'ancien Premier ministre chrétien-social, un vétéran de la politique européenne, a été choisi comme président de la Commission par les dirigeants de l'Union européenne après la victoire de la droite du Parti populaire européen (PPE) aux élections européennes.
Sept vice-présidents Vice-présidente et haute représentante aux affaires étrangères L'Italienne Federica Mogherini, 41 ans. Actuellement ministre des Affaires étrangères, issue de la famille socialiste européenne, elle a été nommée le 30 août chef de la diplomatie européenne et donc vice-présidente de la Commission. Sa candidature avait été contestée par plusieurs pays de l'Est, qui l'accusaient d'être prorusse. Elle a aussi été critiquée pour son manque d'expérience.
Premier vice-président et bras droit de M. Juncker Le Néerlandais Frans Timmermans, 53 ans. Ministre des Affaires étrangères, cet ancien diplomate polyglotte a notamment été secrétaire d'Etat aux Affaires européennes et assistant de l'ancien commissaire Hans van den Broek.
Vice-président en charge de l'emploi, de l'investissement et de la compétitivité Le Finlandais Jyrki Katainen, 42 ans. Premier ministre conservateur entre 2011 et 2014. Il a été couronné en 2008 meilleur ministre des Finances d'Europe par 'le Financial Times', tandis que ses détracteurs l'accusent d'avoir aggravé la crise en menant une politique d'austérité. Il a assuré l'intérim aux Affaires économiques de son compatriote, Olli Rehn, élu au Parlement européen en mai.
Vice-président en charge de l'euro et du dialogue social Le Letton Valdis Dombrovskis, 43 ans. Premier ministre de 2009 à 2013, ce conservateur est respecté pour son intégrité et ses compétences économiques. Physicien de formation, il a imposé la rigueur à son pays qui a connu une profonde récession. La Lettonie a rejoint l'euro en janvier. M.Dombrovskis avait démissionné en novembre 2013 après l'effondrement du toit d'un supermarché, qui avait fait 54 morts. Il a été élu député européen en mai.
Vice-président en charge du budget et des ressources humaines La Bulgare Kristalina Georgieva, 61 ans. Commissaire sortante en charge de l'Aide humanitaire, elle était en lice pour devenir chef de la diplomatie. Arrivée à Bruxelles en 2010 après une longue carrière à la Banque mondiale, Mme Georgieva, proche du PPE, a tissé un important réseau international en parcourant les zones de conflits et de catastrophes dans le monde.
Vice-président en charge de l'union de l'énergie La Slovène Alenka Bratusek, 44 ans. Première ministre sortante, cette novice en politique, arrivée au pouvoir en mars 2013, a évité à son pays le recours à une aide internationale pour ses banques. Désavouée par son propre parti, Slovénie Positive (centre-gauche), apparenté aux Libéraux européens, elle a démissionné au printemps.
Vice-président en charge du marché unique numérique L'Estonien Andrus Ansip, 57 ans. Premier ministre libéral de 2005 à 2014, cet ancien communiste, chimiste de formation, a mis en œuvre une politique d'austérité et a fait entrer son pays dans l'euro en janvier 2011.
Vingt commissaires Commissaire aux affaires économiques et financières, à la fiscalité Le Français Pierre Moscovici, qui aura 57 ans le 16 septembre. Cet Européen passionné, partisan de plus de flexibilité budgétaire et d'une UE moins libérale, s'est longtemps heurté à l'opposition de l'Allemagne. Ancien ministre des Finances, il a quitté le gouvernement français après un remaniement en mars 2014. Ancien vice-président du Parlement européen, il a été ministre des Affaires européennes de 1997 à 2002.
Commissaire à la stabilité et aux services financiers Le Britannique Jonathan Hill, 54 ans. La nomination de cet homme discret, leader de la Chambre des Lords, a créé la surprise. Lord Hill of Oareford est réputé être un eurosceptique modéré. Collaborateur du Premier ministre John Major dans les années 1990, au moment de la signature du traité de Maastricht, il avait ensuite fondé une société de communication et de lobbying, ce qui pourrait poser problème devant le Parlement européen.
Commissaire à l'économie numérique et à la société L'Allemand Gunther Oettinger, 60 ans. Commissaire sortant à l'Energie. Ministre-président chrétien-démocrate du Bade-Wurtemberg de 2005 à fin 2009, Angela Merkel ayant alors nommé à Bruxelles ce rival potentiel. Il était en charge de l'Energie au moment où son pays organisait sa sortie du nucléaire et sa transition énergétique.
Commissaire à l'emploi et aux affaires sociales La Belge Marianne Thyssen, 58 ans. Députée européenne depuis 1991, ancienne présidente du Parti chrétien-démocrate flamand, cette juriste de formation a longtemps travaillé pour une organisation patronale. M. Juncker a beaucoup insisté pour la nomination de cette femme très respectée dans son pays.
Commissaire à l'immigration et aux affaires intérieures Le Grec Dimitris Avramopoulos, 61 ans. Actuellement ministre de la Défense. Fidèle du Premier ministre conservateur Antonis Samaras. C'est un pilier des gouvernements de droite, ayant occupé les portefeuilles de la Santé (2006-2009) et des Affaires étrangères (2012-2013). Il a également été maire d'Athènes de 1995 à 2002.
Commissaire à la justice et à la consommation La Tchèque Vera Jourova, 50 ans. Ministre du Développement régional, vice-présidente du mouvement ANO, d'inspiration libérale. Diplômée en philosophie et en droit, la future commissaire dispose d'une grande expérience dans la gestion des fonds européens. En 2006, elle avait été blanchie d'une accusation de corruption, après avoir passé un mois en détention.
Commissaire au marché intérieur et à l'industrie La Polonaise Elzbieta Bienkowska, 50 ans. Actuellement vice-Premier ministre et ministre des Infrastructures et du Développement. Chargée de la gestion des fonds européens, elle est connue pour son sens de l'organisation et son franc-parler.
Commissaire à la concurrence La Danoise Margrethe Vestager, 46 ans. Ministre de l'Economie depuis 2011, également en charge de l'Intérieur, elle a participé aux négociations sur l'union bancaire et s'est montrée très active quand son pays a assuré la présidence semestrielle de l'UE début 2012. Elle est membre d'un parti affilié aux Libéraux européens.
Commissaire au commerce La Suédoise Cecilia Malmström, 46 ans, commissaire sortante en charge des Affaires intérieures (immigration, asile). Son premier mandat a été marqué par des polémiques récurrentes sur l'incapacité de l'Europe à gérer les flux d'immigration, illustrée par la catastrophe de Lampedusa en Italie. Elle est membre du Parti libéral.
Commissaire à l'énergie et au climat L'Espagnol Miguel Arias Cañete, 64 ans. Ancien ministre de l'Agriculture. Tête de liste du Parti populaire aux dernières élections européennes, il a suscité une polémique avec des propos où il évoquait sa supériorité intellectuelle face à une responsable socialiste.
Commissaire à l'environnement, aux affaires maritimes et à la pêche Le Maltais Karmenu Vella, 64 ans. Ministre du Tourisme de 1996 à 1998, puis à partir de mars 2013. Ancien architecte et ingénieur, ce travailliste a longtemps été député avant d'entrer au gouvernement dans les années 80, alors à l'Industrie.
Commissaire à l'agriculture L'Irlandais Phil Hogan, 54 ans. Ministre de l'Environnement et des Collectivités locales depuis mars 2011, c'est un fidèle du Premier ministre conservateur Enda Kenny. Il a été en charge de l'introduction de taxes impopulaires sur l'eau et sur la propriété immobilière et d'une vaste réforme de la gouvernance locale, ce qui en fait l'un des membres du gouvernement les plus controversés.
Commissaire à la santé et à la sécurité alimentaire Le Lituanien Vytenis Andriukaitis, 63 ans. Ce social-démocrate est né en Sibérie, où ses parents avaient été déportés par les Soviétiques après l'occupation de son pays. Ancien chirurgien et diplômé en histoire, il a été ministre de la Santé.
Commissaire aux transports et à l'espace Le Slovaque Maros Sefcovic, 48 ans, vice-président sortant de la Commission, en charge des Relations institutionnelles et de l'administration. Social-démocrate, ce diplomate de carrière, ambassadeur de son pays auprès de l'UE de 2004 à 2009, s'est montré très discret dans ses fonctions de commissaire.
Commissaire à l'éducation, la culture, la jeunesse et la citoyenneté Le Hongrois Tibor Navracsics, 48 ans. Actuellement ministre des Affaires étrangères, ce proche du conservateur Viktor Orban a été au cœur du différend entre Bruxelles et Budapest sur la réforme de la justice quand il détenait le portefeuille de la Justice. Il est connu pour avoir demandé à la commissaire sortante Viviane Reding de s'abstenir de faire des déclarations publiques sans fondement.
Commissaire à la recherche scientifique Le Portugais Carlos Moedas, 44 ans. Secrétaire d'Etat adjoint au Premier ministre, cet ingénieur de formation a joué un rôle important dans les négociations avec la troïka (UE-BCE-FMI) des créanciers du Portugal, dans le cadre du programme d'assistance internationale. Il est membre du PSD affilié au PPE.
Commissaire chargé de la politique de voisinage et des négociations d'élargissement L'Autrichien Johannes Hahn, 56 ans. Commissaire sortant à la Politique régionale. Ancien ministre conservateur de la Recherche et des Sciences dans le gouvernement de grande coalition entre 2007 et 2010, et brièvement de la Justice.
Commissaire en charge de l'aide humanitaire et la gestion de crises Le Chypriote Christos Stylianides, 56 ans. Ancien porte-parole du gouvernement conservateur, ce député européen PPE est membre de la Commission des budgets et de la Délégation pour les relations avec les Etats-Unis.
Commissaire à la coopération internationale et au développement Le Croate Neven Mimica, 60 ans. Commissaire sortant chargé des consommateurs. Diplomate de carrière, ce social-démocrate était ministre en charge de l'Intégration européenne avant de devenir le premier commissaire croate à l'entrée de son pays dans l'UE en juillet 2013.
Commissaire en charge de la politique régionale La Roumaine Corina Cretu, 47 ans. Vice-présidente du Parlement européen, où elle siège sur les bancs socialistes depuis 2007. Elle est membre de la Commission de l'emploi et des affaires sociales, et de la Délégation pour les relations avec Israël. Economiste de formation, elle fut porte-parole de la présidence sous Ion Iliescu, premier président démocratiquement élu après la chute du régime Caucescu.
Les cinq chantiers de la prochaine Commission Croissance et lutte contre le chômage, crise ukrainienne et tensions internationales, relations avec Londres, relations commerciales avec les Etats-Unis, énergie et climat: les grands chantiers de l'UE pour les prochaines années.
Croissance et emploi Lutter contre le chômage et renouer avec la croissance est la priorité de la nouvelle Commission. A peine élu, Jean-Claude Juncker a promis un plan d'investissements de 300 milliards d'euros qui devrait puiser dans les fonds européens et mettre à contribution la BEI, le bras financier de l'UE. Il a créé un poste de vice-président de la Commission spécialement chargé de piloter cette priorité. Mais il risque d'avoir une marge de manœuvre limitée car l'Europe a peu de prérogatives dans le domaine social, contrairement aux Etats. Autre difficulté: le débat austérité/croissance est électrique, certains craignant qu'une politique en faveur de la croissance se traduise par un relâchement au niveau des réformes et de la réduction des déficits.
Politique étrangère Conflit en Ukraine et crise avec la Russie, menace djihadiste en Irak et en Syrie, avec ses retombées sur l'Europe, tension permanente au Proche-Orient: les dossiers chauds ne manquent pas pour la prochaine Commission. L'UE va devoir trouver le ton juste avec la Russie, pour maintenir la pression sans provoquer de rupture. L'UE devrait demeurer un club à 28 pour les cinq prochaines années, selon les vœux de M. Juncker. Aucun pays candidat n'est de toute façon en passe de finaliser le processus d'adhésion. C'est notamment le cas de la Serbie et du Monténégro. Les difficultés pourraient venir de l'intérieur de l'UE, avec les référendums sur l'indépendance de l'Ecosse puis en Catalogne.
Relations avec Londres Pas d'Union européenne sans le Royaume-Uni, c'est le message lancé par le futur président du Conseil européen, Donald Tusk, sitôt désigné fin août. Sous intense pression des eurosceptiques, le Premier ministre David Cameron a promis d'organiser d'ici à 2017, s'il est réélu, un référendum sur une sortie de l'UE, qui pourrait virer au scénario catastrophe. Pour éviter le Brexit, les institutions européennes sont prêtes à faire des concessions, en taillant dans les lourdeurs administratives, en freinant la frénésie réglementaire et en offrant des concessions à Londres, soucieux de garder un maximum de prérogatives face à Bruxelles.
Accord commercial avec les Etats-Unis Le TTIP ou Tafta, lancé par la Commission Barroso, cristallise les peurs de l'opinion publique face à la mondialisation: manque de transparence et craintes de se voir imposer des OGM ou du bœuf aux hormones. Le débat se cristallise actuellement sur les possibles ingérences des entreprises étrangères dans les politiques publiques, à travers une procédure d'arbitrage qui existe aux Etats-Unis. Les désaccords entre les deux blocs sont nombreux, ralentissant les négociations déjà mises à mal par le scandale de l'espionnage américain fin 2013.
Energie et climat L'utilisation de l'énergie comme arme politique par la Russie pousse les Européens à diversifier et à sécuriser leurs approvisionnements. Toutes les options sont sur la table, y compris le nucléaire et le gaz de schiste. L'objectif est de réduire l'état de dépendance et une facture annuelle de 400 milliards d'euros pour les achats européens de pétrole, de gaz et de charbon. La Communauté européenne de l'énergie s'impose comme le chantier des 10 prochaines années.