La plupart des banques de la zone euro ont passé avant-hier avec succès un examen particulièrement rigoureux destiné à restaurer la confiance dans ce secteur-clé de l'économie, à quelques jours du coup d'envoi de la supervision unique européenne sous l'égide de la BCE. "Nous avons fait un gros travail mais ce n'est que le point de départ d'une nouvelle mission", a déclaré la Française Danièle Nouy, maître d'oeuvre de cet audit et patronne du futur organe de supervision bancaire, lors d'une conférence de presse à Francfort. Cent trente établissements ont été passés au crible dans le cadre de cette vaste opération, qui se voulait aussi un test de la capacité de la Banque centrale européenne (BCE) à assumer sa nouvelle mission de supervision, jusque-là du ressort des banques centrales de chaque pays. Les banques ont été soumises à des exercices de simulation (appelés "tests de résistance") destinés à éprouver leur solidité en cas, par exemple, de "stress" maximum (récession et crise financière, doublée d'une chute des prix de l'immobilier). "La méthodologie peut et sera critiquée, mais cet examen a été le plus rude pour les banques de la zone euro jusqu'à présent", souligne Christian Schulz, économiste au sein de la banque Berenberg. L'opération, qui a mobilisé plus de 6 000 personnes, a déjà porté ses fruits: depuis l'été 2013, les établissements européens ont renforcé leurs fonds propres de 200 milliards d'euros pour s'y préparer. La Commission européenne a salué "un exercice d'une ampleur sans précédent", qui allait "apporter une grande transparence en ce qui concerne le bilan des banques" et permettre "d'identifier et de corriger les faiblesses". Même satisfecit de la part de plusieurs responsables européens, comme en Espagne, où la grave crise bancaire qu'a connue le pays n'est plus qu'un lointain souvenir. Le chef du gouvernement Mariano Rajoy a ainsi salué la solidité du système financier espagnol, jugeant que cela était "capital pour renforcer la reprise économique espagnole."
9,5 milliards d'euros manquants Si les banques espagnoles ont passé haut la main l'examen, à l'exception d'une seule, ce n'est pas le cas dans d'autres pays. Au total, 25 banques issues de onze pays de la zone euro ont été recalées, leur déficit en fonds propres se montant à quelque 25 milliards d'euros. Parmi elles, neuf italiennes (dont Banca Monte dei Paschi di Siena et Banca Popolare di Milano), trois grecques, trois chypriotes, mais également une allemande et une française, deux établissements de petite taille. Echec relatif cependant car sur ces 25 recalées, 12 ont déjà pris des mesures pour remédier à leur déficit, en levant environ 15 milliards d'euros sur les marchés, a précisé l'institution. Les treize autres ont désormais deux semaines pour présenter à la BCE un plan de recapitalisation et entre six et neuf mois pour le mener à bien. Au total, 9,5 milliards d'euros manquent encore au pot. Parmi les plus fragiles, l'italienne Monte dei Paschi di Siena va devoir lever plus de deux milliards d'euros et la grecque Eurobank 1,8 milliard. Ces tests vont-ils permettre de regagner la confiance des investisseurs, échaudés par de précédents examens qui, notamment en 2011 sous la houlette de l'Autorité bancaire européenne, n'avaient pas détecté les faiblesses de certains établissements en Irlande ou en Espagne? Un élément de réponse sera donné dès lundi matin, à l'ouverture des marchés européens, dont l'attention sera sans nul doute accaparée par ces résultats. "Ce qu'on peut dire de façon générale, c'est que le secteur bancaire est quand même dans une bonne santé. Compte tenu du +stress+ qui a été affecté à ces tests, le résultat est plutôt très bon", estime Damien Leurent, associé responsable industrie financière chez Deloitte. Pour autant, "le fait que 25 banques n'aient pas validé le test signifie que les banques européennes n'ont pas encore atteint la zone d'accalmie", tempère Dennis Snower, professeur et chercheur à l'institut économique allemand IfW.
Raviver le crédit en zone euro Pour la BCE, raviver la confiance dans le système bancaire, qui fournit 80% des crédits en zone euro, est crucial. "En identifiant les problèmes et les risques, l'opération va aider à réparer les bilans et rendre les banques plus résistantes et robustes. Cela devrait faciliter la distribution du crédit en Europe, ce qui va soutenir la croissance économique", a illustré Vitor Constancio, vice-président de l'institution, lors de la conférence de presse à Francfort. Pour la Banque centrale, la revue des actifs est également le moyen d'éviter les mauvaises surprises avant d'endosser le 4 novembre le rôle de superviseur bancaire (SSM), dans le cadre de l'union bancaire européenne en cours de constitution. Ce contrôle des banques sera flanqué d'un mécanisme commun de gestion des crises bancaires et d'un système unifié de protection des économies des épargnants. L'union bancaire doit éviter qu'une crise des banques ne paralyse à nouveau toute l'économie, comme au début de la décennie.