Quels dégâts pour le patrimoine forestier national ? Il a fallu attendre la fin de l'été pour enfin entendre les versions sur les feux qui ont ravagé pendant trois mois le couvert végétal algérien. Sans moyens de lutte suffisants et adaptés au terrain, les soldats du feu font face à une mission des plus difficiles compte tenu des risques et dangers qu'elle comporte. Les feux de forêt se multiplient.
Depuis le début de l'été, l'Algérie a perdu des milliers d'hectares de forêts et les moyens de lutte viennent à manquer. Les feux de forêts sont enregistrés dans plusieurs wilayas du pays. Les moyens dont dispose la Protection civile sont largement insuffisants et inadéquats pour combattre ce phénomène. Ainsi, les feux de forêt ont parcouru près de 38.000 hectares en 2014, soit plus que le triple de l'année précédente qui avait atteint 11.600 ha, a indiqué un responsable auprès de la Direction générale des forêts (DGF), M. Djamel Mammeri. La DGF a recensé plus de 4.600 foyers d'incendie en 2014, soit une moyenne de huit (8) ha par incendie. C'est la wilaya de Sidi Bel Abbès qui a connu le plus grand nombre d'incendies avec 14.000 ha parcourus par le feu, soit 30% de la superficie totale, précise le sous-directeur chargé de la protection du patrimoine forestier auprès de la DGF. Depuis 1963, une moyenne de 30.000 ha sont touchés annuellement par les incendies, une superficie " très importante " compte tenu du patrimoine forestier " très limité " de l'Algérie estimé à 4,1 millions ha, observe-t-il. Ces 30.000 ha forment l'équivalent de l'effort d'investissement consenti chaque année par la DGF en matière de reforestation, selon le même responsable.
Plusieurs organismes manquent à leurs engagements Outre les conditions climatiques qui jouent un rôle dans la propagation du phénomène, d'autres facteurs contribuent à l'augmentation des feux de forêt dont les carences en matière de prévention et de sensibilisation. " En matière de prévention, il y a des efforts qui sont consentis mais beaucoup reste à faire puisque certains organismes et entreprises concernés ne réalisent pas leurs prévisions au début de campagne ", regrette M. Mammeri. C'est le cas, entre autres, de la Sonelgaz qui est obligatoirement chargée de procéder au nettoiement des tranchées de haute tension qui traversent les massifs forestiers, ainsi que la SNTF censée nettoyer les accotements des voies ferrées chaque début d'été afin de prévenir contre les incendies. Pour mener des concertations avec tous les organismes concernés, la DGF prévoit d'organiser un atelier prochainement pour discuter de l'amélioration de l'outil d'intervention des actions de prévention et de sensibilisation contre les feux de forêt. A cet effet, M. Mammeri recommande d'associer également la recherche scientifique à travers l'institut national de la recherche forestière qui n'a jamais été impliqué dans les campagnes de lutte contre les incendies de forêt lesquelles constituent la première cause de la dégradation du patrimoine forestier. Aujourd'hui, préconise-t-il, il est temps de fédérer les efforts de toutes les structures concernées " pour que ces incendies de forêt soient maîtrisés d'une manière plus moderne ". Sur le plan technique, la DGF devrait renforcer son outil d'intervention par l'acquisition de nouveaux moyens afin de parvenir à mobiliser chaque brigade à 3.000 ha de forêt, alors que la Protection civile s'équipe, en conséquence, pour appuyer les forestiers. Pour cela, la DGF devrait acquérir, durant la période 2015-2019, une centaine de camions-citernes, 200 kits et 500 véhicules de type " Station ". Outre l'amélioration de la sensibilisation, les forestiers souhaitent aussi se doter d'avions (canadair) et d'hélicoptères pour lutter contre les incendies naissants étant donné que les forêts algériennes sont escarpées et habitées. Mais bien que la superficie touchée par les feux de forêt a augmenté en 2014, elle reste, toutefois, moins importante comparativement à 2012 qui avait enregistré plus de 89.000 ha de forêts parcourus par les feux, un record sur la dernière décennie. Outre les pyromanes qui courent toujours, l'autre problème est ailleurs, avouons-le. C'est d'abord le manque flagrant de civisme. Ce sont les mesures préventives de l'Armée qui met en certains endroits le feu aux maquis pour débusquer les caches des terroristes. C'est la mafia du foncier, notamment dans les wilayas côtières, qui cherche à accaparer les terres. Ce sont les décharges qui pullulent, les bouteilles jetées sur les routes. Les mains imprudentes qui allument des feux pour débroussailler, etc. C'est dire que ces incendies qui ont ravagé des dizaines de milliers d'hectares de couvert végétal ne sont pas une affaire des pompiers seulement mais elle concerne tous les Algériens.