Manifestement très inquiète face à la dégradation des perspectives économiques en zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) a reconnu jeudi avancer désormais à pleine vapeur vers des rachats massifs d'actifs sur le modèle de la Fed américaine. Face à des pressions très fortes sur les prix, à cause notamment de la baisse du prix du pétrole, l'institution a "intensifié les préparatifs" pour de nouvelles mesures de soutien à l'économie, a assuré lors d'une conférence de presse son président Mario Draghi, qui a précisé que "plusieurs options de QE" étaient à l'étude. "Joyeux Noël et bon QE!", jubilait dans une note Jörg Krämer, chef économiste chez Commerzbank. "Rendez-vous le trimestre prochain", renchérissait son confrère d'Unicredit Marco Valli. L'acronyme "QE" (assouplissement quantitatif en français) désigne des rachats massifs d'actifs, y compris de dette publique, par les banques centrales, tels que pratiqués ces dernières années par la Fed américaine. De tels rachats sont vus par beaucoup d'observateurs comme la dernière cartouche de la BCE dans une zone euro en souffrance. La Banque centrale a révisé nettement à la baisse jeudi prévisions de croissance et d'inflation pour la région. Si nécessaire, ces rachats pourraient survenir très rapidement, a souligné M. Draghi.
"Vigilance" sur le pétrole Les gardiens de l'euro font preuve d'une "vigilance particulière" à l'égard du prix du pétrole, dont la baisse "significative" grignote les effets positifs de la baisse de l'euro par rapport au dollar et risque de faire flancher encore l'inflation déjà très basse dans la région (0,3% en novembre). Bonne nouvelle pour les consommateurs, cette évolution très contenue des prix alimente les craintes de déflation, spirale auto-entretenue de baisse des prix et des salaires, synonyme de marasme économique. La BCE, dont le conseil se réunira la prochaine fois le 22 janvier, conduira "début 2015" à un examen précis de la situation et de l'effet des mesures déjà à l'œuvre. Outre des taux d'intérêt au plus bas - le taux directeur a été maintenu à 0,05% jeudi - celles-ci comprennent des prêts très bons marchés pour les banques et des achats de divers actifs financiers. Le deuxième prêt géant aux banques, d'une série de huit, aura lieu la semaine prochaine. Pour le moment ces démarches semblent avoir peu d'effets. Musclant son discours, la banque centrale a désormais "l'intention" de gonfler d'environ 1 000 milliards d'euros son bilan via ses différents outils - jusqu'alors elle ne faisait que l'anticiper -, avec l'espoir que les liquidités déversées dans le système financier relancent par ricochet la dynamique des prix. "Nous avons un mandat", faire en sorte que l'inflation s'établisse un peu en-dessous de 2%, "et nous ne tolérons pas une déviation trop prolongée de notre mandat", a martelé M. Draghi.
QE avec ou sans unanimité L'Italien "n'aurait pas pu envoyer de message plus clair aujourd'hui que la banque centrale va lancer un programme d'assouplissement quantitatif très prochainement, probablement en janvier", soulignait dans une note Jonathan Loynes, de Capital Economics, un avis partagé par beaucoup de commentateurs. Pourtant les Bourses mondiales, échaudées par les prévisions pessimistes, se sont toutes repliées jeudi. Et reste encore à savoir de quoi sera composé un éventuel "QE" à l'européenne. Pour Christian Schulz, de la banque Berenberg, des rachats d'obligations d'entreprises restent à ce stade l'hypothèse la plus probable, les achats de dettes souveraines se heurtant à des obstacles juridiques ainsi qu'à des réticences farouches, notamment en Allemagne. M. Draghi a toutefois indiqué que la BCE n'avait "pas besoin d'unanimité" au sein du conseil des gouverneurs pour enclencher un "QE". "C'est une importante décision de politique monétaire, elle peut être élaborée de façon à faire consensus", a-t-il dit. M. Draghi s'est également dit "convaincu" que des rachats d'obligations souveraines seraient totalement légaux. Le mandat de la BCE lui interdit en principe de financer directement les Etats membres de l'euro.