Désormais, même pour l'Insee, l'inversion de la courbe du chômage n'a pas eu lieu: en hausse au troisième trimestre (+0,2 point), le chômage a retrouvé en métropole son niveau d'il y a un an (9,9%), effaçant l'embellie entrevue depuis fin 2013. La hausse est encore plus nette en incluant l'outre-mer: sur l'ensemble du territoire, le taux de chômage, mesuré par l'Institut national de la statistique selon les normes du Bureau international du travail (BIT), a augmenté de 0,3 point, à 10,4%. Sur un an, il augmente de 0,1 point. Au total, l'Insee a comptabilisé 2,84 millions de chômeurs en France métropolitaine sur le trimestre. La hausse du troisième trimestre efface la baisse constatée fin 2013 (-0,2 point), qui avait permis au gouvernement de soutenir que l'inversion de la courbe, longtemps promise par François Hollande, était "amorcée". Ce sont de "mauvais chiffres", a concédé Michel Sapin, ministre des Finances, sur iTELE. Mais des chiffres "pas très surprenants", cohérents avec la "dynamique du marché du travail toujours pas très robuste", selon l'économiste Philippe Waechter. "Cette hausse corrige l'anomalie des trimestres précédents", renchérit Bruno Ducoudré (OFCE), qui souligne que le taux de l'Insee, "calculé à partir d'une enquête, a une marge d'erreur de +/-0,3 point". De juillet à septembre 2014, les jeunes ont été frappés de plein fouet, leur taux repartant très nettement à la hausse (+1 point) à 23,7%. Après plusieurs trimestres d'amélioration, leur situation est quasi stable sur un an (-0,1 point). Selon M. Ducoudré, la "baisse de l'intérim" a un effet négatif sur les jeunes, dont l'embauche se fait souvent en contrat précaire. A l'autre bout de la pyramide des âges, les seniors (+50 ans) connaissent un trimestre de hausse (+0,2 point), mais restent les plus épargnés par le chômage (6,7%). Sur ce même trimestre, les listes de Pôle emploi ont accueilli 34'200 demandeurs d'emploi sans activité supplémentaires (+1,0%) en métropole. Mais sur l'année, les chiffres de l'opérateur restent plus sévères (+4,3%) que ceux de l'Insee.
Les contrats aidés insuffisants En outre, le service public de l'emploi recensait fin septembre en métropole 3,43 millions de demandeurs d'emploi sans activité, soit 590 000 de plus que l'Insee. Parmi eux, beaucoup font partie, pour l'Insee, du "halo du chômage", 1,4 million de personnes qui souhaitent travailler mais ne sont pas disponibles immédiatement ou ne cherchent pas activement un emploi. L'Insee et Pôle emploi ne mesurent pas le chômage de la même manière: l'opérateur compte les inscrits sur ses listes alors que l'Insee mesure son taux à partir d'une enquête trimestrielle auprès de 110 000 personnes. Seul le taux de l'Insee est reconnu à l'international. En l'absence de croissance significative, aucun organisme ne prédit de baisse du chômage avant, au mieux, 2016. D'ailleurs, même au gouvernement, beaucoup répètent, Manuel Valls en tête, que le chômage ne baissera pas sans croissance. François Rebsamen, ministre du Travail, espère malgré tout "un retournement mi-2015". A l'arrêt au premier semestre, l'activité a légèrement rebondi au 3e trimestre (+0,3%). Mais l'exécutif n'attend qu'une croissance de 0,4% en 2014 et de 1% en 2015. Bien loin du 1,5% nécessaire, selon les économistes, pour enrayer la hausse du chômage. D'autant que les entreprises conservent des "sureffectifs", qu'ils "commencent par résorber quand la croissance repart", explique Bruno Ducoudré. Selon lui toutefois, la politique de l'emploi du gouvernement "devrait permettre d'éviter 1 point de chômage supplémentaire en 2015". L'exécutif mise en premier lieu sur le pacte de responsabilité, dont les 40 milliards d'euros de baisse du coût du travail doivent redonner des marges aux entreprises. Mais Emmanuel Macron, ministre de l'Economie, a lâché mardi que le Pacte était un "échec" dû au patronat. En attendant qu'il décolle, le gouvernement pare au plus pressé avec des contrats aidés. Le projet de budget pour 2015 prévoit d'en financer 445 000, essentiellement dans le secteur marchand, après 430 000 en 2014. Mais pour l'heure, c'est insuffisant pour enrayer la hausse du chômage. Le temps presse pour François Hollande qui, il l'admet, n'aura pas la légitimité de briguer un second mandat en 2017 sans baisse du chômage.