La France a enregistré un déficit public de 4,3% du PIB en 2013 alors que le gouvernement visait 4,1%, un camouflet supplémentaire après la cuisante défaite aux municipales et, dans ces conditions, l'exigence de Bruxelles de le ramener sous 3% en 2015 paraît difficilement accessible. Ce déficit de l'Etat, de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales était de 4,9% du PIB en 2012. Le gouvernement est donc parvenu à le réduire de 0,6 point en un an et doit trouver quelque 25 milliards d'euros en deux ans pour le ramener à 2,8% en 2015, comme il s'y est engagé auprès de Bruxelles. Si le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, et son collègue au Budget, Bernard Cazeneuve, ont vu dans cette réduction du déficit du PIB de 4,9% à 4,3% le "résultat" de la "gestion responsable des finances publiques par le gouvernement", l'approfondissement de l'écart avec l'objectif des 3% intervient au lendemain d'un cuisant désaveu politique pour la gauche. La Commission européenne s'attendait à un tel dérapage. "Malheureusement, ce n'est pas une très grande surprise. La Commission avait déjà prévu dans ses prévisions d'hiver un déficit à 4,2% l'année passée", a déclaré Simon O'Connor, porte-parole du commissaire aux Affaires économiques, Olli Rehn, appelant le gouvernement à prévoir des "mesures supplémentaires" dans le programme de stabilité qu'il doit présenter d'ici fin avril. Alors qu'un remaniement ministériel se précise, la question, selon les économistes, est de savoir si le président, François Hollande, va maintenir ou changer son cap économique. Revenir sous 3%, "c'est une belle marche et cela me paraît très compliqué" de la gravir, a résumé Philippe Waechter, directeur de la recherche économique de Natixis, pour qui la déroute électorale va déclencher une "pression un peu plus forte" sur le président afin qu'il soit "poussé à agir plus rapidement". "Est-ce que la France va rester accrochée à atteindre 3% de déficit en 2015, ce qui demande un effort considérable, passant nécessairement par (une baisse des) dépenses ou est-ce qu'on change la dynamique pour mettre plutôt l'accent sur les réformes structurelles et les objectifs de déficits viendront en leur temps ?", s'interroge pour sa part Xavier Timbeau, directeur du département analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). "Aujourd'hui, faire comme (le nouveau chef du gouvernement italien, Matteo) Renzi, c'est la bonne solution", estime-t-il en appelant à mener des réformes structurelles et à "mettre un terme à cette austérité, renoncer à ces objectifs pour 2015" qui vont "mettre à genoux l'économie française".
Premiers signes 2014 pas catastrophiques "Qu'on fasse 4,1% ou 4,3% et qu'on fasse 2,9% ou 3,1% dans deux ans, ce n'est pas le problème", tempère Frédérik Ducrozet, économiste au Crédit Agricole. Pour lui, à l'exception de "la déception de l'emploi (...) les premiers signes pour 2014 ne sont pas catastrophiques" et "les conditions pour atteindre les 3% dans deux ans sont toujours réunies". Du côté de la dette publique, les prévisions officielles ont également été dépassées, grimpant à 93,5% du PIB l'an dernier contre 90,6% fin 2012, là où le gouvernement tablait sur 93,4%, selon des données publiées lundi par l'Institut national de la statistique et des études économiques. La dette s'élève fin 2013 à 1 925,3 milliards d'euros, en augmentation de 84,3 milliards par rapport à fin 2012, où elle avait déjà augmenté de 116,1 milliards. La dépense publique a quant à elle, en 2013, atteint 57,1% de la richesse nationale, contre 56,9% prévu par le gouvernement, soit une progression constante depuis 2009. Les prestations sociales continuent de progresser (+3%), mais à un rythme moindre que l'année dernière (+3,3%), de même que les dépenses de l'Unedic qui sont néanmoins restées, selon l'Insee, "dynamiques" en 2013 (+4,5% en 2013 après +5,9% en 2012), en lien direct avec "la situation dégradée du marché du travail". La hausse de l'investissement public a globalement ralenti en 2013 (+1,5% après +2,4%), en raison notamment d'une baisse marquée des investissements de l'Etat (-11,5%) et des administrations de sécurité sociale (-11,2%). En revanche, "un an avant les élections municipales, l'investissement des administrations publiques locales est (...) dynamique", explique l'Insee (+5,2% après +5,9% en 2012). Enfin, le taux des prélèvements obligatoires a augmenté, à 45,9% du PIB en 2013 après 45% en 2012, mais se situe en deçà des prévisions du gouvernement qui l'annonçait à 46,3%. Cette augmentation est liée selon l'Insee à la hausse de 3,7% des impôts.