Après dépouillement de 99,8% des suffrages, le parti de la gauche radicale Syriza confirme sa large victoire de dimanche aux élections législatives anticipées, mais n'obtient pas de majorité absolue avec 149 élus. Il manque deux sièges au parti d'Alexis Tsipras pour décrocher cette majorité au Parlement d'après des résultats quasi définitifs publiés hier. Les Grecs ont délivré un message sans appel à l'UE en donnant cette très large victoire à Syriza. Son chef Alexis Tsipras devrait devenir le premier dirigeant à rejeter la cure d'austérité depuis la crise. "Le peuple grec a écrit l'Histoire" et "laisse l'austérité derrière lui", a déclaré M. Tsipras devant des milliers de personnes rassemblées sur l'esplanade de l'Université d'Athènes. Toutefois, dès son premier discours de vainqueur, M. Tsipras a soufflé le chaud et le froid: "Le verdict du peuple grec signifie la fin de la troïka", a-t-il d'abord lancé évoquant les experts de la BCE, l'UE et du FMI. Ces derniers dictent à la Grèce une politique d'austérité depuis quatre ans en échange de 240 milliards d'euros de prêts pour sauver le pays de la faillite. Mais quelques minutes plus tard, il a annoncé devant ses partisans que le nouveau gouvernement "serait prêt à coopérer et à négocier pour la première fois avec ses partenaires une solution juste, viable et qui bénéficie à tous".
Défaite reconnue Le Premier ministre sortant Antonis Samaras a déjà reconnu sa défaite auprès de M. Tsipras. Les Grecs "ont parlé" et "nous respectons" leur décision, a-t-il ensuite indiqué. Après décompte d'environ 92% des suffrages, Syriza obtenait 36,3% des voix, battant les conservateurs du Premier ministre Antonis Samaras de huit points et demi. La gauche radicale totalisait 149 sièges sur 300 au Parlement. Syriza n'est donc pas certain de disposer de la majorité absolue de 151 élus au Parlement grec. Le parti d'inspiration néonazie Aube dorée restait la troisième force du pays, créditée de près de 7% des suffrages et de 17 députés. Les chiffres définitifs ne devaient pas être connus avant lundi matin.
Salué par Iglesias ou Mélenchon Le succès de Syriza va donner un grand espoir aux autres formations de gauche radicale en Europe. Avant la clôture du scrutin en Grèce, le dirigeant de Podemos en Espagne, Pablo Iglesias, avait lancé: "L'espoir arrive, la peur s'en va. Syriza, Podemos: nous vaincrons". En France, le leader du parti de gauche Jean-Luc Mélenchon a évoqué "une lame de fond", "une page nouvelle pour l'Europe". En Suisse, dans une lettre ouverte, la Gauche a félicité Syriza pour son succès. Le gouvernement de M. Samaras a été sanctionné pour avoir essayé de satisfaire au maximum les exigences de réformes de la troïka. La facture est lourde pour la population victime d'un taux de chômage à 25% ou de réductions de salaires drastiques.
Les Grecs auront un président et non plus un délégué de Merkel Le chef du parti anti-libéral espagnol Podemos, a estimé que la victoire de son allié Alexis Tsipras du parti de gauche radicale Syriza aux législatives permettra à la Grèce de s'émanciper de la politique d'austérité dictée, selon lui, par l'Allemagne. Les Grecs vont avoir un véritable président grec et non plus un délégué d'Angela Merkel (la chancelière allemande), qui pensera d'abord aux intérêts de son pays et à ceux de son peuple, a-t-il déclaré lors d'un entretien à la chaîne privée espagnole la Sexta. Nous allons travailler pour soutenir Syriza mais nous allons aussi travailler en Espagne en assumant le fait que c'est un pays avec une réalité économique et politique bien distincte, a ajouté Pablo Iglesias, qui s'était rendu à Athènes jeudi pour participer au dernier meeting de campagne d'Alexis Tsipras. Soulignant l'importance économique relative de l'Espagne, quatrième économie de la zone euro, par rapport à la Grèce, il a lancé: Nous ne sommes pas en condition d'être menacés par la Bundesbank (la banque centrale allemande, ndlr.) et 2015 sera l'année du changement. A partir de maintenant naît l'espoir, mais avec responsabilité et sérieux et sans aucune euphorie, a ajouté M. Iglesias, célèbre en Espagne pour avoir salué avec une mine sombre la percée surprise de son jeune parti aux élections européennes de mai, avec cinq sièges. Une année très difficile nous attend, durant laquelle nous allons recevoir de nombreuses attaques mais nous serons enchantés dans quelques mois de pouvoir fêter la victoire de Podemos aux élections législatives prévues en novembre, a-t-il prédit. Les Espagnols sont aussi appelés aux urnes en mai pour les élections municipales et régionales, auxquelles Podemos présentera des candidats. Créé il y a à peine un an en dénonçant l'austérité et la corruption des élites, Podemos est au coude à coude avec les conservateurs dans les sondages. Dans une allusion claire à Podemos, le chef du gouvernement conservateur espagnol Mariano Rajoy avait appelé plus tôt dimanche les électeurs à ne pas sauter dans le vide en choisissant ce parti. Nous ne pouvons pas jouer notre avenir et celui de nos enfants à la roulette russe de la frivolité, de l'incompétence ou du populisme, a-t-il dit lors d'un congrès de son Parti Populaire à Madrid.
Le peuple grec a parlé et nous respectons sa décision Les Grecs ont parlé et nous respectons leur décision, a indiqué dimanche soir Antonis Samaras, le Premier ministre sortant grec et chef du parti de droite Nouvelle Démocratie (ND), après la publication de résultats partiels montrant une nette victoire du parti de gauche radicale Syriza. Je remets un pays qui est en train de sortir de la crise, qui est membre de l'Union européenne et de la zone euro et j'espère que le prochain gouvernement va maintenir ces acquis, a souligné Antonis Samaras devant la presse. Le Premier ministre sortant a rappelé avoir trouvé un pays au bord du désastre, sans perspective, il y a deux ans et demi en arrivant au pouvoir. Nous avons réussi à faire sortir le pays du déficit et nous avons bâti les fondations de la croissance, a-t-il souligné. Le résultat des élections montre que la droite a résisté et est restée sur ses pieds. Elle est prête à jouer un rôle crucial, comme garant de la stabilité et des réformes, a conclu Antonis Samaras. Quelques minutes auparavant, il avait appelé Alexis Tsipras, chef de Syriza, pour le féliciter. La politique a ses joies et ses peines, a répondu M. Tsipras en le remerciant.
Tsipras va négocier avec les créanciers une nouvelle solution viable Alexis Tsipras, le dirigeant de la gauche grecque Syriza victorieuse aux législatives de dimanche, a déclaré vouloir négocier avec les créanciers du pays une nouvelle solution viable qui bénéficie à tous. Le nouveau gouvernement sera prêt à collaborer et négocier pour la première fois avec nos partenaires une solution juste, viable, durable, qui bénéficie à tous, a déclaré M. Tsipras. Il a affirmé qu'il n'y aurait pas d'affrontement et que la Grèce décevra tous les Cassandre à l'intérieur et l'extérieur du pays, qui misaient sur un échec. La Grèce avance avec optimisme dans une Europe qui change, a lancé Alexis Tsipras devant une foule des milliers des personnes brandissant des drapeaux rouges. Selon le Syriza, plus de 8 000 personnes se sont rassemblées devant l'Université dans le centre d'Athènes pour assister au premier discours d'Alexis Tsipras. Nous sommes conscients que les Grecs ne nous ont pas donné un chèque en blanc (...) nous avons devant nous une occasion importante pour la Grèce et l'Europe, a-t-il dit. Sur le plan des négociations cruciales avec les créanciers du pays, UE et FMI, le chef du Syriza a indiqué que le nouveau gouvernement grec serait prêt à procéder à un dialogue sincère et à soumettre un plan national et un plan sur la dette. Parmi ses principaux points, le programme économique du Syriza comprend la fin des mesures d'austérité et la renégociation de l'énorme dette publique du pays, à 175% du Produit intérieur brut. Aujourd'hui il n'y a ni vainqueurs ni vaincus. Notre priorité est de faire face aux blessures de la crise, rendre justice, faire une rupture avec les oligarques, l'establishment et la corruption, a affirmé Alexis Tsipras. La Grèce attend le déblocage de la dernière tranche de prêts accordés au pays d'ici fin février mais à condition que le pays respecte ses engagements vis-à-vis de ses créanciers sur la poursuite des réformes. Depuis 2010 la troïka des créanciers s'est engagée à accorder quelque 240 milliards d'euros de prêts à la Grèce.