Après deux échecs, Athènes et la zone euro, emmenée par l'Allemagne, se préparaient hier à un nouveau face-à-face pour tenter d'arracher un compromis sur le prolongement du financement pour la Grèce, sous peine de rouvrir une nouvelle période d'incertitude pour l'Europe. Faute d'accord, la Grèce risque en effet de se retrouver rapidement à court d'argent, et poussée vers la sortie. Une perspective qui inquiète, notamment aux Etats-Unis, où un haut responsable du Trésor a mis en garde contre un possible "regain d'incertitude", avant un Eurogroupe décisif vendredi à partir de 15h00. Cette réunion des ministres des Finances de la zone euro, la troisième en moins de dix jours, doit trouver un accord sur le prolongement du programme d'aide grec, qui arrive à son terme le 28 février. Le temps presse, car plusieurs parlements nationaux devront ensuite donner leur aval. La Grèce veut tourner résolument la page de l'austérité. Mais l'Allemagne, dont l'inflexibilité est incarnée par son ministre des Finances, le conservateur Wolfgang Schäuble, exige qu'Athènes poursuive l'assainissement de ses finances publiques et les réformes structurelles qui lui ont été demandées en échange de deux plans de soutien d'un montant de 240 milliards d'euros.
Blocage allemand Berlin n'est pas seul sur cette ligne, partagée par la Finlande et les pays baltes au nord, ou au sud par l'Espagne et le Portugal. Mais c'est bien l'Allemagne qui "bloque", a confié jeudi une source européenne. "Il y a un vrai problème de personnes" entre l'austère Wolfgang Schäuble et son homologue grec, le flamboyant Yanis Varoufakis, alors que les tensions entre les deux hommes font les délices de la presse depuis plusieurs jours. Athènes a fait jeudi un pas important vers un compromis et s'est résolu à demander une "extension" de l'accord d'assistance financière que la zone euro la sommait d'accepter avant la fin de la semaine. Dans un courrier adressé au patron de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, le gouvernement grec s'est dit également prêt à accepter la "supervision" de ses créanciers (UE, BCE et FMI), et s'est engagé à s'abstenir de "toute action unilatérale" qui saperait ses objectifs budgétaires.
Flexibilité demandée Il réclame en échange une certaine "flexibilité" permettant de revenir sur les mesures d'austérité les plus douloureuses, comme Alexis Tsipras, le nouveau Premier ministre de gauche radicale, l'a promis pendant sa campagne victorieuse. Le terme "flexibilité" risque d'être âprement débattu, certains pays craignant que la Grèce en use pour ne pas tenir ses engagements. A peine la demande d'extension reçue, le ministère allemand des Finances l'a sèchement rejetée, n'y voyant "pas de solution substantielle". Cette position a ensuite été tempérée par le ministre de l'Economie, le social-démocrate Sigmar Gabriel, qui a parlé d'une "base de négociations". Berlin "suit une ligne plus dure que celle exprimée à la dernière réunion des ministres des Finances de la zone euro le 16 février", a déploré une source gouvernementale grecque. Athènes a ensuite fait fuiter la position défendue par l'Allemagne lors d'une réunion de hauts fonctionnaires préparatoire à l'Eurogroupe, qui illustre bien toute la méfiance de Berlin vis-à-vis du nouveau gouvernement grec.
Cheval de Troie L'Allemagne a comparé sa demande d'extension à un "cheval de Troie" qui viserait à obtenir un "financement-relais" de plusieurs mois et "à mettre fin au programme actuel", et donc aux mesures d'austérité qu'il contient. Dans une ultime tentative pour convaincre Berlin, Alexis Tsipras s'est entretenu jeudi soir pendant cinquante minutes avec la chancelière Angela Merkel. Il a aussi appelé le président français, François Hollande, a annoncé une source gouvernementale grecque. Le Premier ministre espère parvenir à "une solution mutuellement bénéfique pour la Grèce et la zone euro".
Les Etats-Unis pressent les deux parties à trouver un accord Les Etats-Unis ont pressé les Européens et Athènes de trouver un accord sur le financement de la Grèce, mettant en garde contre un regain d'incertitude dans la zone euro en cas d'échec, selon un haut responsable du Trésor. Il est important pour l'Europe et pour l'économie mondiale de trouver un accord, a indiqué ce responsable, ajoutant que cela allait demander un vigoureux effort de compromis des deux côtés. Les Européens ont la capacité de gérer ces défis, a encore assuré ce responsable de l'administration américaine sous couvert d'anonymat. Si les pourparlers échouent, la Grèce en ressentira les effets économiques immédiatement et la zone euro connaîtra un regain d'incertitude, de même que l'économie dans son ensemble, a-t-il ajouté. Cela interviendrait au moment où l'économie de la zone euro est faible et qu'elle fait face à des pressions désinflationnistes, a-t-il insisté. Alors que Washington dit suivre la situation d'une manière engagée, le secrétaire au Trésor américain Jacob Lew s'est entretenu jeudi avec le président de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem, le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis et son homologue français Michel Sapin, a encore précisé le Trésor. La partie est de plus en plus serrée entre Athènes, qui a fait jeudi des concessions pour obtenir la prolongation de son financement international, et Berlin qui les juge largement insuffisantes mais laisse la porte entrouverte pour un compromis. Les Etats-Unis semblent ainsi intensifier leur pression sur tous les partenaires pour aller de l'avant d'une manière constructive et pragmatique, selon l'expression du responsable du Trésor.
Entretiens téléphoniques Tsipras avec Merkel, Hollande Le Premier ministre grec Alexis Tsipras s'est entretenu au téléphone cinquante minutes avec Angela Merkel puis avec le président français François Hollande pour trouver un accord mutuellement utile pour Athènes et l'Europe, a annoncé une source gouvernementale grecque. La discussion avec François Hollande a eu lieu dans un climat chaleureux, selon cette source. M. Hollande a assuré qu'il ferait tout ce qu'il peut pour aider la Grèce et qu'il allait discuter la question grecque lors de sa rencontre vendredi avec la chancelière allemande, a ajouté cette source. Mustapha S.